Pierre Salvadori est depuis ses débuts un des héritiers
français d’une forme de comédie sophistiquée à l’américaine héritée de Lubitsch
ou Billy Wilder. Il est parvenu dans ce registre à creuser un sillon singulier
et personnel qui le différencie d’autres ambassadeurs français du genre tel que
Jean-Paul Rappeneau notamment. A l’heure où Salvadori sort avec En liberté ! (2018) son film le
plus explicitement sous influence de cette école comique américaine, voici un
bel essai accompagné d’un passionnant entretien avec l’intéressé mené par
Nicolas Tellop, Quentin Mével et Dominique Toulat.
La partie essai est courte mais riche de pistes
passionnantes où les auteurs font le rapprochement et la différence entre l’art
de Salvadori et celui de son maître à penser Lubitsch. La sophistication à
travers divers motifs formels et narratif dans une science inventive du gag
fonctionne selon les préceptes de la Lubitch’s touch - comparatifs se faisant
avec moult et judicieux exemple. La différence se fait cependant par les
environnements où s’orchestrent cette comédie humaine. Lubitsch privilégiait le
cadre aristocratique et souvent européen comme une sorte de fantasme fastueux
et léger pour les spectateurs des années 30 vivant alors la Grande Dépression.
A l’inverse, si l’on fait exception d’un Cible émouvante (1993) hors du temps, Pierre Salvadori ancre ses personnages et
intrigues dans un cadre social marqué qui sera à des degrés divers un moteur du
récit (Les Apprentis (1995), Hors de prix (2006)). La mélancolie du
réel vient perturber l’artificialité apparente de Lubitsch quand la légèreté
vient irradier la grisaille du quotidien chez Salvadori.
L’entretien où Salvadori revient sur toute sa filmographie
est passionnant. Humble et toujours doté de recul sur les manques supposés de certains
de ses films, on sent cette recherche constante mais aussi la confiance
progressive en sa vision au fil des œuvres discutées. Cette vision se fait au
fil des atermoiements et apprentissage du métier de réalisateur où l’idée et le
charme domine sur une maîtrise formelle qu’il admet vraiment atteindre avec l’excellent
Après vous (2003). C’est à partir de
là que la petite musique de Salvadori s’orne le plus ouvertement de cet élan
lubitschien mais sans se départir de l’authenticité charmante des œuvres de 90’s.
La recherche et l’exploitation du postulat comique, la science du montage et l’art
d’associer l’acteur naturellement ou pas disposé à la comédie loufoque
(passionnant passage sur le travail avec Adèle Haenel), tout le travail
inhérent à ce genre si exigeant sont explorés dans la discussion. Un
indispensable pour les afficionados de Pierre Salvadori et de la comédie au
sens large.
Edité chez Playlist Society
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