Lina (Giulietta
Masina), une jeune fille naïve, est injustement accusée de complicité de
cambriolage dans la maison bourgeoise où elle travaille comme bonne, victime de
la manipulation de l’homme dont elle est amoureuse. Elle est alors jetée en
prison où elle fait la connaissance d’Egle (Anna Magnani), une habituée des
lieux qui la prend sous son aile…
L’univers carcéral féminin fut en général largement moins
évoqué à l’écran que son pendant masculin et souvent à des fins de cinéma
d’exploitation - ou d’aparté comique comme cette fameuse scène de Le Pigeon où Marcello Mastroianni vient
déposer son bambin à a femme en détention. Le film de Renato Castellani (adapté
du roman de Isa Mari) en donne une vision réaliste qui s’attache autant à une
réflexion sociale et humaniste qu’une observation de la condition féminine qui
peut le rapprocher des œuvres d’un Antonio Pietrangeli.
L’expérience de la prison a ainsi des conséquences bien différentes
pour les protagonistes du film. Lina (Giulietta Masina), jeune fille naïve
emprisonné pour la confiance accordée à un amant sournois, nous sert de guide
dans ce monde carcéral. Sidérée par sa
situation inattendue, cet environnement n’est pour elle que promiscuité et vocifération
oppressante qui menace son équilibre mental. Ce sentiment se traduit
formellement par une scène de démence qui rapproche presque du film
d’épouvante. A l’inverse de cette novice se dresse Egle (Anna Magnani),
habituée des lieux où elle se trouve à la fois en décalage et parfaitement à sa
place. La prison est un lieu de passage désormais ponctuel pour les femmes
perdues dont Castellani nous dresse un portrait pittoresque à travers quelques
personnalité hautes en couleurs (la comtesse, vieille dame enjôleuse mais finalement
fourbe). Lina par sa candeur est le personnage pivot du récit, synonyme de
l’impact de la prison sur une âme encore innocente.
Les lois du « milieu » prodiguées par ses
codétenues dans son affaire attisent ainsi les bas-instincts de Lina, les perspectives
de retrouver sa vie ancienne ne l’attirant plus à sa sortie. Revenir en ces
lieux est une habitude et/ou une malédiction que Castellani déploie de façon
différente tout au long du récit. La façon dont l’espace de la prison – tourné
dans l’ancienne prison de femmes de Mantellate - devient un quotidien de moins
en moins étouffant avec ce vis-à-vis entre cellules, ce long corridor plus
convivial qu’étouffant, amorce l’avilissement de Lina. La scène de rituel censé
ne plus la faire revenir lors de sa sortie n’est donc pas une fatalité mais une
conséquence de la corruption de son âme – ce qui se confirmera lors de son
retour final. Egle incarné avec une belle démesure par Anna Magnani effectue le
chemin opposé. Sa désinvolture est mis à mal par le revirement de Lina (dont
elle ne peut que se sentir responsable) et les destins dramatiques rencontrés
dans la prison. L’extérieur hostile amène ainsi les moins préparée sous les
verrous, par la faute d’un homme pour Lina ou par le simple dénuement matériel
conduisant au pire avec cette femme ayant noyé son enfant. Après l’imagerie
presque « conviviale » donnée des lieux, le vide de leur existence se
rappelle aux héroïnes les plus lucides.
Egle oscille ainsi entre l’image d’un éternel recommencement
du cycle criminel, et l’espoir d’un ailleurs symbolisé par la jeune Marietta (Cristina
Gaioni). Renato Castellani échappe à l’idée de déterminisme en amenant une
romance naïve et improbable nouée entre la fenêtre d’une prison et la rue
voisine. L’innocence perdue par Lina est un miroir de celle retrouvée par
Marietta, le monde extérieur corrupteur pour l’une étant celui rédempteur de
l’autre par la plus poétique des approches. La personnalité malléable de Lina
aura été nourrie de « l’école du crime » de la prison, alors que la
noblesse de Marietta amènera la magnifique scène où les codétenues s’emploie à
l’aider pour trouver les mots de la lettre qu’elle écrit pour son aimé. Renato
Castellani célèbre ainsi l’individu, le réalisme (le casting partagé entre
actrices et vraies anciennes détenues) nourrissant le choix de s’enfoncer ou
pas dans la fange ou la rédemption que peut signifier ce monde carcéral. Le
personnage d’Anna Magnani, coincée entre ces deux options, n’en est que plus
touchant. Une belle réussite méconnue du cinéma italien.
En salle
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