Shinjuku, Tokyo. Ako
est une grande motarde androgyne. Avec son attitude de défiance et son casque
qui cache son visage, elle est souvent prise pour un homme. Lorsqu’elle décide
de s’allier avec Mei et son gang de filles, elles finissent par attirer un peu
trop l’attention...
La criminalité féminine obéissant à une notion de groupe
semblable au yakuza avait suscitée quelques productions éparses depuis la fin
des années 50 au Japon. La série des Stray Cat Rock innove pourtant en
inscrivant cela dans la délinquance féminine et plus précisément le mouvement Sukeban. Ce terme désigne les gangs de
délinquantes japonaise et est au départ un décalque féminin des zoku, gangs de bikers japonais sous
influence de la culture rock américaine des années 50 et de films tels que L’équipée sauvage ou Easy Rider avec leur look cuir et
coiffure gominée. Les sukeban sauront pourtant s’en détacher avec des codes qui
leur seront propre, vestimentaires mais aussi rituels à l’essor du mouvement
dans les années 60/70.
La série des Stray
Cat Rock initiée par la Nikkatsu est donc la première surfer sur le phénomène avec le film Female Boss produit en 1970. Le film est encore très sage comparée à la furie féministe
et contestataire d’autres film sukeban
à venir, notamment les brûlots produit par la Toei comme Terrifying Girls' High School: Lynch Law Classroom (1973) ou Delinquent Girl Boss: Worthless to Confess
(1971) – auquel le récent Assassination
Nation fait un joli clin d’œil d’ailleurs. Le film est également dénué de
tous les codes esthétiques précédemment évoqués associé au sukeban. L’intérêt
du récit est sa capture de l’idée de différence dans un Japon traditionnel.
Cela passe dans un premier temps par un féminisme qui déconstruit la notion de
genre. Lors de la scène d’ouverture, l’héroïne Ako (Akiko Wada) est prise pour
un homme par le spectateur et une bande malfrat alors qu’elle trône fièrement
sur sa moto. Cela se prolongera à l’identité sexuelle lorsqu’on devinera une
attirance homosexuelle quand elle intégrera une bande de fille. Une différence
concernera l’idée de mixité avec le personnage du boxeur Kelly (Ken Sanders)
joué par un acteur métisse nippo-américain – sans parler de Akiko Wada d’origine
coréenne, autre communauté particulièrement méprisée au Japon. Tout cela s’incarne
dans un environnement psyché- pop symbolisé par le cadre de la boite de nuit,
où s’agglutine toute une communauté hétéroclite aussi libre dans ses tenues
vestimentaires, mœurs amoureuse (cette brève scène ou deux garçons androgynes
se partagent la même fille consentante) et musique rock tapageuse. Le gang de
fille symbolise toute cette liberté et va ainsi s’opposer à un groupe de yakuza
qui est son parfait opposé.
Alors que (en dépit de forte personnalités) les sukeban sont
une entité sans réelle hiérarchie dans cet idéal libertaire, les grades sont
clairement définis chez les yakuzas où chaque leader adversaire de nos héroïnes
se verra à un moment donné rabaissé par un supérieur. La solidarité et la
survie domine toute les initiatives des jeunes filles (volant au secours d’une
camarade en péril quel que soit le danger) quand un individualisme et machisme
guide les actions des hommes, avec en prime une pulsion de mort suicidaire
typiquement japonaise – la lecture du code bushido lors d’une réunion d’aspirants
yakuza, le personnage autodestructeur de Michio (Kōji Wada).
L’intrigue
policière finalement assez légère vaut donc moins que ce contexte passionnant,
même si pas dénuée de quelques efficaces morceaux de bravoure comme cette
poursuite urbaine rondement menée entre une moto et une voiture. Yasuharu
Hasebe signe une mise en scène pop mais là encore assez sage par rapport à d’autres
de ses travaux, mais l’on appréciera certaines fulgurances avec deux superbes
splitscreens lors de scène de dialogues. Meiko Kaji pas encore en tête d’affiche
crève cependant l’écran dans un rôle secondaire.
On ne voit qu’elle à chaque apparition, débordant de charisme et
dans un emploi un peu plus fragile et romanesque que les rôles qui feront sa
gloire (La Femme Scorpion et Lady Snowblood). La Nikkatsu ne s’y trompera pas
puisque dès le deuxième volet Stray Cat Rock : Wild Jumbo, ce sera elle l’héroïne
et ceux pour les 4 autres opus de la saga. Belle photographie de la jeunesse
japonaise 70’s.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Bach Films
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