Victor est un tueur à
gages vieillissant qui vit sous l'autorité d'une mère abusive. Il se prend
d'affection pour Antoine et décide d'en faire son apprenti. Pour cela, ils
doivent tuer Renée et tout ne se passe pas comme prévu.
L’univers tendre et fantaisiste de Pierre Salvadori se
déploie déjà de manière charmante dès cet inaugural Cible émouvante. On trouve déjà là des personnages dont les failles
se dévoilent à travers des attitudes figées et identifiables. Ce sera dans la
raideur pour le tueur à gage vieillissant Victor Meynard (Jean Rochefort), la
maladresse pour son apprenti juvénile Antoine (Guillaume Depardieu), tandis que
le mal est plus mental pour Renée (Marie Trintignant), arnaqueuse à la petite
semaine. Si la trame dessine un postulat éculé du polar (le tueur à
gage qui tombe amoureux de sa cible) la désinvolture du récit ôte toute volonté
de réalisme pour privilégier l’étude de caractère.
La solitude de Victor se
construit ainsi dans le gimmick de ses cours d’anglais où en détournant la
répétition de l’enregistrement, le personnage se présente ainsi que son métier
criminel. Pourtant lorsque la bande émet une phrase présentant femme et enfant,
Victor stoppe la bande. Ce seul geste ainsi que la mélancolie du regard de Jean
Rochefort suffit à faire comprendre sa détresse et du coup. Ainsi le
rebondissement qui le voit recruter Antoine comme apprenti est certes
fantaisiste sur le papier mais parfaitement logique dans la caractérisation de
notre héros dépressif qui s’ignore. Salvadori affirme aussi formellement cet
isolement, notamment dans les motifs mettant en scène Victor en action. La
scène d’ouverture joue sur le gag en montrant successivement Victor entrer dans
une bâtisse, le corps de sa « cible » en tomber et lui en ressortir
guilleret. Notre tueur est ainsi séparé du monde qui l’entoure par l’image, ce
détachement visuel étant aussi émotionnel et lui permettant d’exécuter sa
funeste tâche. Le second meurtre après avoir brièvement montré la cible en
introduction l’élimine par le montage tandis que Victor le fait physique et que
la caméra en reste sur sa seule figure en action. Le procédé sera cependant
perturbé face à Renée, cible plus imprévisible. La fameuse séparation visuelle
et émotionnelle s’amorce lorsque Victor tire sur les rideaux d’une cabine
d’essayage où devrait se trouver Renée, mais celle-ci a s’est déjà éclipsée
après avoir dérobé quelques vêtements.
La nature transformiste de la voleuse Renée la rende à la
fois insaisissable tout en forçant Victor dans sa filature à observer sa
victime et d’une certaine manière de se raccrocher au monde. Cela s’exprime
aussi en filigrane ans la présence encombrante de l’attachant disciple qu’est
Antoine. Lorsqu’un concours de circonstances force les trois personnages à
cohabiter, l’armure se fend pour faire de leurs failles une manière de se
rapprocher. L’instinct caméléon (après avoir changé de tenue et de coiffure à
de multiples reprise durant la première partie, son allure son stabilise
ensuite) de Renée s’efface en la contraignant à une relative sédentarité et
l’interlocuteur cesse également d’être un « pigeon » (l’équivalent u
contrat pour le tueur Victor), d’autant que Victor est aux antipodes par sa
vulnérabilité fuyante des mâles dominants qu’elle se plait à duper. Salvadori
se montre complémentaire dans l’observation des maux qui frappent ses
personnages.
L’origine de l’esseulement de Victor vient de sa mère abusive
ainsi que d’une existence programmée où il succède à son père en tant que tueur
à gage. Cela reste flou pour Renée alors que chez Antoine, un dialogue
faussement anodin (le mensonge où il raconte les liens qui l’unissent à la mère
(Patachou) de Victor) laisse deviner le besoin de se constituer dans l’aventure
(l’acceptation de la proposition de Victor semblant moins incongrue qu’il n’y
parait du coup) la famille qui lui a certainement manqué. Le motif formel de
séparation devient celui de la réunion lorsqu’un champ contre champ lors d’un
dialogue entre Renée et Victor, l’image s’arrêtant sur son visage pour basculer
par l’ellipse sur une scène où il masse les pieds de Renée.
La candeur enfantine de Jean Rochefort, le charme mutin et
gouailleur de Marie Trintignant et la gaucherie de Guillaume Depardieu font
ainsi passer merveilleusement tout l’aspect plus lâche de l’intrigue. Pierre
Salvadori saupoudre d’ailleurs l’ensemble de gags tour à tour grossiers (le
running gag de Serge Riaboukine qui en prend plein la figure) ou subtils (le
perroquet dans la maison de retraite) mais qui font toujours mouche. Une belle
entrée en matière pour une des personnalités les plus originales e la comédie
française.
Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo
Avec l'extraordinaire Patachou. Bon film !!
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