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lundi 12 septembre 2011

Le Rideau de brume - Seance on a Wet Afternoon, Bryan Forbes (1964)


Myra, une Londonienne soi-disant médium, échafaude un stratagème pour gagner la célébrité. Elle convainc Billy, son mari veule, de kidnapper la fille de parents aisés. Ils demanderont une rançon ; après quoi, elle se rendra chez les parents en prétendant recevoir des messages extra-sensoriels qui permettront à la police de retrouver la victime et la rançon.

Seance on a Wet Afternoon est le troisième film d'un Bryan Forbes qui enchaînait les réussites dans le cadre de son association avec Richard Attenborough au sein de leur société de production commune Beaver Films. Après les drame Whistle down the wind et The L-Shaped Room, Forbes se frotte cette fois au thriller atmosphérique sacrément déroutant. Le pitch très audacieux et tordu annonce la couleur de l'étrange spectacle à venir. Myra (Kim Stanley), médium en quête de reconnaissance convainc son époux Bill (Richard Attenborough) d'enlever une fillette qu'elle se chargera de retrouver prétendument grâce à ces dons.

Avant de lancer son intrigue, Forbes prend le temps de nous introduire dans l'intimité du couple criminel. Un rapport dominant/dominé malsain régit les liens des deux époux où un extraordinaire Kim Stanley alterne douceur et humiliation pour plier la volonté d'un Richard Attenborough plus lucide mais faible de caractère.

L'atmosphère est à la fois pesante et neutre (ce que saisit parfaitement John Barry avec son excellent score) avec un Forbes jouant autant sur une neutralité glaciale que sur le malaise prononcé, la mise en scène brise constamment une relative sobriété pour faire surgir la folie des personnages notamment lors des séances de spiritismes. Celle qui ouvre le film joue d'ailleurs sur la virtuosité avec ses mouvements de caméra troublant, son montage saccadés et ses visages dissimulés dans l'ombre alors que la toute dernière révélatrice d'une terrible folie s'attarde longuement sur les réactions et le troubles des participants face à la stupéfiante crise de Kim Stanley.

Forbes manie avec une grande sobriété un sujet potentiellement sulfureux. Les séquences où la fillette est malmenée sont suffisamment sophistiquées et sobre pour lever l'ambiguïté, la scène d'enlèvement sans paroles le temps d'un folle cavalcade en voiture joue ainsi plus sur l'anxiété de Attenborough qu'une quelconque perversion tout comme lorsqu'il endort sa victime et que la scène s'interrompt avec l'acte en se situant à l'extérieur.

Hormis un morceau de bravoure virtuose avec une haletante course poursuite urbaine, Seance on a Wet Afternoon est un pur film d'ambiance où se révèlent progressivement les raisons du trouble de ses "héros". Ainsi l'argument pécuniaire ou de notoriété perd étonnamment de son intérêt quand on comprend que le but de Myra est ailleurs. Les éléments du puzzle auront été savamment mis en place et l'origine de la pseudo ubiquité de Myra et de ses velléités criminelle ont la même source et recèle une poignante thématique d'un deuil qui n'a jamais été fait.

Kim Stanley totalement possédée est stupéfiante, son calme glacial dissimulant une pure démence s'effrite peu à peu avec en point d'orgue un final fabuleux où plus que les esprits de l'au delà c'est ses propres démons qu'elle convoque enfin. On révise également le jugement sur le personnage d'Attenborough qui plutôt que lâche est surtout un mari bienveillant qui ira jusqu'au bout malgré lui pour apaiser son épouse. C'est sur un regard échangé entre eux que ce conclu le film, ayant enfin fait face à leur malheur mais à quel prix... Immense succès public et critique (et une performance de Kim Stanley unanimement saluée), le film connaîtra bien plus tard un remake japonais avec le Seance de Kyoshi Kurosawa et une transposition en opéra à Broadway.


Sorti en dvd zone 2 anglais mais dépourvu de sous-titres

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