Lolita malgré moi - Mean Girls, Mark Waters (2004)
Après avoir passé son enfance en Afrique, Cady Heron atterrit un beau jour dans un lycée de l'Illinois, où elle découvre un univers encore plus exotique, plus mystérieux et plus dangereux que toutes les jungles : le monde des filles... Des cliques de lolitas branchées, friquées et assoiffées de pouvoir se disputent âprement ce terrain, où chaque jour est un combat pour être la fille la plus belle, la plus populaire et la plus prestigieuse.
Means Girls est une des teen comedy les plus réussies du genre et probablement la plus emblématique des années 2000. Les teen comedy les plus brillantes sont généralement celles qui parviennent à mêler regard tendre, incisif et cruellement juste sur les difficiles heures de l’adolescence souvent symbolisée par le parfois oppressant cadre du lycée. Le célèbre Breakfast Club de John Hughes avait réussi à traiter des clivages communautaires des lycéens en adoptant presque une approche théâtrale où chaque archétype (intello, sportif, rebelles…) voyait un représentant enfermés pour un samedi de colle avec les autres, l’issue de cette cohabitation révélant finalement des adolescents ordinaires et en plein doute. Autres sommet du genre Heathers de Michael Lehman abordait les mêmes questions mais dans une approche plus cynique et provocatrice se livrait à un surprenant jeu de massacre visionnaire du drame de Columbine. On peut ajouter aussi l’excellent Pump up the volume (1990) où la rébellion se mêle au mal-être avec un Christian Slater (qui donne un penchant lumineux à son rôle sulfureux de Heathers) animateur de radio pirate se lâchant sur les frustrations de ses camarades.
Lolita malgré moi se démarque en apportant une dimension sociologique voire ethnologique (avec un constant comparatif entre faune sauvage et adolescente) puisqu’il s’inspire de l’étude de Rosalind Wiseman Queen Bees and Wannabees dont l’ouvrage se penchait sur les rapports acérés de la gent féminines adolescente des lycées américains. La célèbre comique Tina Fey (vue dans la série 30 Rock, au Saturday Night Live et célèbre pour ses légendaires et hilarantes imitations de Sarah Palin) écrivit donc un script tissant une trame autour des réflexions soulevées par le livre.
On suit donc l’évolution de Caddy (Lindsay Lohan) jeune américaine ayant grandi en Afrique et éduquée à domicile par sa mère qui de retour aux USA découvre la jungle du lycée. Là, son innocence est mise à rude épreuve lorsqu’elle est adoptée par les « Plastics », groupe de jeunes filles superficielles et mesquines faisant et défaisant les réputations au lycée. Victime à ses dépens des mauvais tours de la meneuse Regina (Rachel McAdams) elle décide de pousser le mimétisme jusqu’au bout avec ses nouvelles « amies » afin de gagner leur confiance et se venger.
Le pitch rappelle grandement Heathers mais Lolita malgré moi (ah ces titres français infâmes…) s’éloigne du nihilisme de son modèle pour une autre approche tout aussi audacieuse. L’esprit caustique de Tina Fey (ici dans le rôle d’un professeur de maths déluré) associé à l’origine « documentaire » du projet donne une narration ludique et pleine d’apartés délirants et informatifs nous faisant découvrir les mœurs du lycée. On découvre ainsi un nid de sous-communautés foisonnant (raciales, sportif, culturelles…) où le simple fait de choisir où et avec qui s’asseoir à la cantine devient un acte déterminant sur votre personnalité et la place que vous occupez dans le microcosme lycéen. Le film s’avère très drôle en poussant loin la caricature (jamais très loin de la réalité pourtant) mais sait heureusement quand abandonner ce ton d’observateur distant pour nous impliquer dans une vraie intrigue.
Ce virage est amorcé à travers le personnage de Lindsay Lohan, oie blanche qui deviendra l’équivalent de celles dont elles cherchent à se venger. Elle réalise une belle transformation en pimbêche prétentieuse, la mine candide et avenant succédant bientôt au regard hautain, les vêtements ordinaires cédant tenues sexy à la mode et le beau visage au naturel disparaissant bientôt sous un masque de maquillage criard. On ne peut que regretter la tournure que la carrière de Lindsay Lohan a pris tant elle montre un talent certain ici (et dans nombres de ses premiers film avant que ses frasques fassent plus parler que ses prestations) où elle exprime parfaitement le basculement inconscient et progressif de Caddy en « Plastic » grâce à de belles nuances dans le phrasé, l’allure et le comportement qui la rende méconnaissable entre le début et la fin du film. Des actrices prometteuses se trouvent également dans les seconds rôles avec une excellente Rachel McAdams en peste et une Amanda Seyfried plus vraie que nature en blonde écervelée.
Les mauvais coups que se font nos héroïnes entre elles sont l’occasion d’étincelants moments de cruautés féminines (les barres céréales grossissantes génial) trouvant son apogée dans un grand final dénonciateur formidable. Mark Waters (qui avait déjà dirigé Lindsay Lohan dans le très amusant Freaky Friday) donne un tour très dynamique à l’ensemble.
Sa mise en scène alerte déploie pas mal de bonne idées comme les splitscreens progressifs sur les conférences téléphoniques des héroïnes où l’écran se découpe au fil des arrivées de nouveaux intervenants et révélant ainsi les messes basses et les réactions de celles qui en sont victimes sans qu’on sache exactement qui écoute ou est écouté. La morale finale est néanmoins sauve et le film, léger et acide à la fois est ainsi parfaitement représentatif de ses années où tout était aussi important que dérisoire mais dont le souvenir reste vivace, bon ou mauvais.
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