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mercredi 28 décembre 2011

L'Héritage - L'eredità Ferramonti, Mauro Bolognini (1976)


À Rome, en 1880, Gregorio Ferramonti qui a fait fortune dans la boulangerie, méprise et rejette ses trois enfants, Mario, Pippo et Teta, qu'il accuse de ne pas l'aimer et de n'en vouloir qu'à son argent. Teta est mariée à Paolo Furlin, haut fonctionnaire du Ministère des Travaux Publics et bientôt député. Mario est un spéculateur maladroit, couvert de dettes de jeux, qui collectionne les maîtresses. Pippo est un faible qui se lance sans succès dans un négoce de quincaillerie. Il acquiert son fonds de commerce des époux Carelli, dont il épouse la fille, Irène, laquelle entreprend, à des fins arrivistes, de réconcilier et de séduire toute la famille Ferramonti

Quinze après La Viaccia, le film qui fit de lui le grand esthète du récit en costume, Mauro Bolognini en réalisait l'œuvre jumelle avec L'Héritage. Le point de départ de l'intrigue est identique avec un conflit familial autour d'un héritage et la période historique également, 1885 pour La Viaccia et 1880 pour L'Héritage dans une Italie en pleine mutation. Le regard du réalisateur a cependant changé entretemps et c'est par les différences de cette variation sur un même thème qu'on jugera de cette évolution thématique. La Viaccia se situait à Florence dans un milieu ouvrier modeste tandis que L'eredità Ferramonti se situe dans une Rome fraîchement (et contestée) promue capitale du pays au sein de la grande bourgeoisie. Le plus important surtout c'est la bienveillance envers les personnages malgré la tonalité sombre (dans l'esprit d'un Rocco et ses frères) qui régnait dans le film de 1960 tandis qu'il n'y a presque personne à sauver dans L'Héritage.

Les deux précédentes œuvres de Bolognini, les très politisés Vertiges et Liberté, mon amour avaient amorcés cette tonalité plus amère chez celui qui avait osé un final poignant et plein d'espoir quelques années plus tôt dans Metello. La situation contemporaine agitée du pays (abordée indirectement dans Vertiges et Liberté mon amour) semble avoir déteint sur son humeur et ce n'est donc pas un hasard de le voir délivrer son œuvre la plus âpre en adaptant le roman de Gaetano Carlo Chelli.

Le film s'ouvre sur les échanges haineux d'une famille brisée. Gregorio Ferramonti (Anthony Quinn) vieil homme ayant fait fortune dans la boulangerie réunit autour de lui ses enfants alors qu'il décide de prendre sa retraite. Pour lui aucun d'entre eux ne semble digne de lui, que ce soit le faible de caractère Pippo (Luigi Proietti), le flambeur Mario (Fabio Testi) ou la vénale Teta (Adriana Asti) et c'est tout naturellement qu'il leur annonce qu'il ne leur léguera rien de sa fortune considérable. Il leur reproche leur manque d'affection et de n'être intéressé que par son argent mais une scène au début révèlera la dureté dont l'homme est également capable lorsqu'il confisque à un ouvrier une misérable pièce trouvée dans sa boulangerie.

Si on retrouve la beauté formelle typique du réalisateur avec ses cadrages en forme de tableaux vivant, ses mouvements de caméras opératiques et la photo somptueuse d’Ennio Guarnieri, l'ensemble dégage une surprenante froideur. Alors que les élans romanesques de Metello ou Bubu de Montparnasse transcendaient par l'émotion cette recherche plastique on est ici dans la pure étude clinique distanciée.

On se trouve dans une Rome sale, sinistre et en pleine reconstruction où l'on va constater les changements des mentalités en cours. D'un côté l'existence austère et sans plaisir d'un Anthony Quinn qui ne goûte guère à la bagatelle malgré ses richesses et de l'autre ses enfants aux moyens limités qui mènent la grande vie. Gregorio est un homme qui s'est élevé à la force du poignet et au franc parlé brutal, ses descendants préfèrent accumuler les courbettes dans la haute société dans l'espoir d'une récompense.

Le lien entre ses deux mondes va se faire par le personnage de Dominique Sanda. Issue d'un milieu modeste, elle allie la détermination impitoyable de Gregorio (et à sa manière la patience de "l'entrepreneur" dans ses manigances) et les gouts de luxe de ses enfants, à mi-chemin entre l'ancienne et la nouvelle génération. Faussement timide et introvertie, elle va se révéler une ambitieuse sans scrupule qui va cajoler, séduire et finalement tromper tout le monde pour s'adjuger l'héritage.

Belle-fille attentionnée qui trouvera la faille dans la solitude du vieil ours bourru qu'est Gregorio, épouse attentionnée pour Pippo et amante torride pour Mario (formidable première étreinte où Fabio Testi manipulé pense avoir eu l'initiative) elle est fausse en tout point. Dominique Sanda est fabuleuse (et judicieusement récompensée du Prix d'interprétation féminine à Cannes en 1976), séductrice et charnelle mais avec toujours ce discret regard en coin où on devine le calcul constant dans les actions. Tout ce monde s'avère grandement détestable dans cette intrigue en forme de partie d'échecs où l'enjeu reste uniquement matériel avec le legs du patriarche.

Pourtant Bolognini n'oublie jamais que ses protagonistes n'en reste pas moins humains et c'est par l'expression de leurs émotion qu'ils se perdront : Irène (Dominique Sanda) trop joyeuse lorsqu'elle approche du but, Mario (excellent Fabio Testi) le séducteur qui tombe amoureux contre tout attente et surtout Gregorio qui s'endort pour de bon après avoir goûté les joies du sexe une dernière fois. Au final le constat s'avère identique et aussi cinglant que La Viaccia (les puissants sont toujours vainqueurs) mais sans désormais qu'on s'émeuvent du sort de victimes tout aussi méprisable en définitive.

Sorti en dvd zone 2 chez Seven Sept, édition un peu ardue à trouver tout de même

Extrait

3 commentaires:

  1. Waouh! Quel chef-d'oeuvre, cest tu ou je pourais l'acheter?

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  2. Le dvd est épuisé depuis longtemps et très cher en occasion mais bonne nouvelle le film va être réédité le 21 octobre prochain

    http://www.amazon.fr/LH%C3%A9ritage-Anthony-Quinn/dp/B010EFKPDW/ref=sr_1_1?s=dvd&ie=UTF8&qid=1441864490&sr=1-1&keywords=l%27h%C3%A9ritage+bolognini

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  3. Je viens de le voir sur OCS, c'est une merveille ! En v.o bien sûr, car, l'extrait ci-dessus le prouve, le doublage français est une calamité.

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