Gar Davis, poursuivi par la loi, traverse le territoire comanche.
Trouvant un cadavre, il s'empare de sa veste et réussit ainsi à se
dérober. Sa fuite le conduit dans un ranch où il fait la connaissance de
Celia Gray et de son enfant. Ce qu'il ignore, c'est que le mort qu'il
vient de détrousser était le mari de son hôtesse…
Fort Dobbs
est un western typique de l'approche du scénariste Burt Kennedy qui
l'écrit entre les sommets du légendaire cycle Bud Boetticher/Randolph
Scott - Sept hommes à abattre (1956), L'Homme de l'Arizona (1957), Decision at sundown (1957), L'Aventurier du Texas (1958), La Chevauchée de la vengeance (1959) et Comanche Station
(1960). On en retrouve donc forcément plusieurs éléments, construction
reposant sur le voyage/course poursuite et cohabitation forcée, héros
taciturne et ambigu, antagoniste gouailleur et libidineux, tension
sexuelle sous-jacente... Mais alors que les pourtant déjà très concis
films de Boetticher laissaient malgré tout une certaine place à la
mélancolie (tant par les conclusions douces-amères que par
l'interprétation de Randolph Scott), Sur la piste des Comanches va plus loin en adoptant totalement le point de sec et efficace de son héros.
Les
non-dits chers à Burt Kennedy (les actions des personnages servant
leurs vraie nature plus ce que le point de départ donne à voir)
fonctionnent donc à plein avec cette ouverture illustrant la brutalité
et la détermination de Gar Davis (Clint Walker). On ne saura rien de
plus que sa recherche d'un homme dont il souhaite se venger, la raison
restant obscure et ladite vengeance restant en hors-champs. Sa manière
habile et froidement rationnelle de se débarrasser de ses poursuivants
complète le tableau, un échange de veste avec un cadavre victime des
comanches le faisant passer pour mort. Le physique massif de Clint
Walker (1m98, visage carré et regard glacial) ajoute encore à cette idée
et l'ensemble du film tout dévoué à son efficacité n'aura de cesse par
petites touches de l'humaniser. Point de dialogues explicatifs, de
psychologie ou de lamentations cependant, tout se révèle par l'action
et le mouvement. Le tueur froid qu'on a cru deviner détourne ainsi sa
cavale pour sauver Celia Gray (Virginia Mayo) et son fils menacés en
territoire comanche. Alors que le regard du spectateur se fait plus
bienveillant pour Davis à l'inverse la méfiance nait dans celui de ces
compagnons de route à la suite d'un rebondissement habile.
Ce qui va les
lier malgré eux, c'est la menace comanche que Gordon Douglas filme avec
une efficacité redoutable. La tension reposera à la fois sur l'attente
(la fuite dans la ferme, le calme fébrile avant la bataille lors du
final au fort) et le mouvement, Douglas alternant avec brio statisme
savamment calculé et action débridée. Les dialogues lourds de sens
(lorsque Davis évoque le sort que les comanches réservent aux femmes à
Virginia Mayo), la menace désincarnée des comanches (des silhouettes
éloignées et inquiétantes ou de simple visages haineux) et la brutalité
des morceaux de bravoure suffisent à distiller un suspense qui ne se
relâchera jamais. Les explosions de violences sont aussi efficaces
qu'inventives (ces nombreux panoramiques accompagnant la trajectoire
meurtrières des flèches comanches lors du siège final) et adoptant
toujours le point de vue apeuré des personnages (ce semblant de caméra
subjective lors de la scène où Davis guette à la ferme). Douglas sait
également maintenir ce sentiment lors d'un instants plus calme, la
caractérisation inquiétante de Brian Keith (sur le modèle du Lee Marvin
de Sept hommes à abattre) fonctionnant avec une simple ligne de dialogue :
Gar (Clint Walker) : « Tu continues à tuer ? »
Clett (Brian Keith) : « Je suis toujours vivant ! »
La
relation trouble entre Walker et Virginia Mayo contribue également à la
richesse du récit. Le soupçon et la haine de Mayo ne s'exprimera jamais
aussi fortement qu'après avoir ressenti une attirance coupable pour
Davis. La révélation bouleversant leurs rapports se fait après un
sauvetage héroïque de celui-ci, dans un moment le montrant au sommet de
sa virilité (Walker imposant et torse nue, habitude prise sur la série
tv Cheyenne qui l'a fait connaître) et après qu'elle ait
compris qu'il l'avait vu nue. La haine et le refus de laisser le
bénéfice du doute à Davis se conjugue certainement ainsi au refoulement
d'un désir inattendu. L'écriture habile de Burt Kennedy n'empêche donc
pas un traitement intéressant tout en nous offrant une avalanche de
péripéties et de rebondissements pour un spectacle alerte et captivant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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