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lundi 22 mai 2017

Anastasia - Don Bluth (1997)


En 1917, la Révolution Russe éclate. Le traitre Raspoutine est bien décidé à éliminer tous les Romanov. Anastasia, la plus jeune enfant de la famille royale, parvient à s'échapper grâce à Dimitri, un garçon de cuisine. Dix ans plus tard, réunis par le destin, ces derniers partent pour un extraordinaire voyage qui les emmènera de Saint Petersbourg à Paris, poursuivis à leur insu par l'infâme Raspoutine et sa délirante chauve-souris Bartok…

Anastasia est une des œuvres témoignant des bouleversements du cinéma d’animation américain, où Disney s’apprête à enfin connaître une réelle concurrence. Jeffrey Katzenberg ayant quitté avec fracas le giron de Disney crée la branche animation du studio émergeant Dreamworks avec Le Prince d’Egypte et Warner fait de même en produisant Excalibur, l'épée magique. Anastasia sort ainsi dans ce contexte où la proposition se fait plus large après la fin du second âge d’or Disney sur Le Roi Lion (1994). Le succès de Toy Story (1995) et la révolution Pixar reste à confirmer et Disney loin du déclin des années 2000 parvient encore en sortir des réussites comme Hercule (1997) ou Mulan (1998). Don Bluth reste pourtant à cette période le seul à avoir représenté une vraie alternative, d’abord artistique avec le magnifique Brisby et le Secret de NIMH (1982) puis également commercial grâce au triomphe de Fievel et le Nouveau Monde (1986) et Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles (1988). Sans le parrainage d’Amblin sur ses films suivants (Charlie (1989), Rock-O-Rico (1991), Poucelina (1994), Le Lutin magique (1994), Youbi le petit pingouin (1995)), Don Bluth alignera les échecs commerciaux et cet environnement plus concurrentiel arrive à point nommé lorsqu’il est sollicité par le Fox Animation Studios créé en 1994. Le premier projet sera donc cet Anastasia que Don Bluth coréalise avec son partenaire de toujours, Gary Goldman.

Le film peut au premier abord sembler manquer d’audace tant il s’inscrit dans la pure filiation Disney. Alors que Brisby et Fievel avaient réellement une volonté de se démarquer, Anastasia aligne les figures imposées du studio aux grandes oreilles : héroïne princesse (la confusion faisant parfois intégrer Anastasia aux princesses Disney) chansons comme leitmotivs narratif et petits animaux en caution enfantines pas toujours à bon escient avec la chauve-souris Bartok et un petit chien. On retrouve également l’édulcoration disneyenne de rigueur du matériau original, ici avec le contexte de la Révolution Russe essentiellement dû à un sortilège de Raspoutine. Sous ces contours convenus Don Bluth offre néanmoins un spectacle captivant qui puise dans la légende romanesque de la possible survie de la princesse Anastasia, et plus précisément l’histoire d’Anna Anderson « identifiée » comme Anastasia dans les années 20. 

Cela conduira Don Bluth à une foisonnante imagerie de la Russie tsariste, présentée comme un paradis perdu. La reconstitution historique rigoureuse s’auréole ainsi d’un faste de conte de fée mais derrière la facilité d’attribuer la Révolution à Raspoutine, les inégalités y ayant conduit sont néanmoins introduite dans le scénario. Don Bluth tout en éliminant tout message politique inscrit cependant cette idée d’inégalité sociale à travers ses personnages. Alors qu’une Anastasia encore enfant s’épanouit dans ce cadre somptueux, Dimitri assigné aux cuisine mais désirant furtivement apercevoir les festivités du bal en est immédiatement exclu. Ce bref moment anticipe la relation à venir entre les deux personnages adultes, pour le meilleur et pour le pire puisque Dimitri contribuera à la fuite d’Anastasia et sa grand-mère quand le palais royal sera assiégé.

Toute l’intrigue poursuit et entremêle donc cette splendeur passée de la Russie tsariste dans la reconstruction de l’identité d’Anya/Anastasia, tout en cherchant à en guérir les maux dans la possible romance entre la possible princesse et le roturier Dimitri. Don Bluth crée une belle dynamique de screwball comedy à travers ce couple mal assorti. Anya devant apprendre la posture de princesse offre de nombreuses possibilités comiques par ses attitudes désinvoltes et le tempérament orageux de celle ayant grandie dans la rue. On s’éloigne là du canon Disney, que Don Bluth souligne par le design du personnage dont le long visage ovale, les grands yeux et les attitudes masculines doivent d’abord souligner le caractère fort avant la grâce royale. Il en va de même pour Dimitri même si là Disney avait tout de même préparé le terrain par les attitudes frimeuses d’un Aladdin (1992) et c’est plus dans la caractérisation d’escroc à la petite semaine que par sa conception visuelle que le personnage trouve son intérêt. Pour ce qui est du cruel Raspoutine, Don Bluth reprend le design longiligne, amaigri et intimidant du rat Nicodemus dans Brisby et le secret de NIHM tout en accompagnant ce qui l’entoure d’un savant mélange de de son classique de 1982 et de son passé Disney. 

Les atmosphères sous-terraines ténébreuses peuvent rappelant le ton fantasy de Brisby mais les teintes verdâtres pour évoquer les forces occultes, la sophistication du décorum gothique et certaines séquences (Raspoutine descendant un escalier en colimaçon, entouré de créatures entre l’amusant et l’inquiétant, son arrivée trouble fête lors du bal dont la mise en scène reprend celle de Maléfique) sont directement issus d’une esthétique vue dans Blanche neige et les Sept nains et La Belle au bois dormant - le premier ayant donné la vocation de dessinateur à Don Bluth et le second étant celui où il fit ses premiers travaux chez Disney en tant qu’intervalliste. Mais là où dans Brisby, Don Bluth avait réussi à déployer une noirceur vraiment originale Anastasia est plus convenu. Raspoutine n’a qu’une imagerie superficielle et pas de vraie conviction et même les quelques idées macabres (son corps décrépi dont se détache toujours un membre ou un œil par inadvertance, le pacte avec les ténèbres lui donnant ses pouvoirs) sont toujours désamorcées par un effet cartoonesque ou une remarque de Bartok. D’ailleurs dans le récit Raspoutine s’avère finalement peu présent et n’est qu’un prétexte à lancer des morceaux de bravoures (dont une époustouflante  péripétie en train) quand le tout se ralenti un peu trop.

Heureusement le brio formel de Don Bluth est là pour constamment nous éblouir. C’est là que repose la subversion, notamment lors de cette scène de rêve où Don Bluth détourne l’imagerie disneyenne factice qui mène Anya en pleine déambulation somnambule vers la noyade. La référence change également lorsque l’intrigue se déplace à Paris, Don Bluth donnant une sautillante version animée des Années Folles et plaçant habilement les clins d’œil culturels (Folies Bergères, passages furtifs de Joséphine Baker, Claude Monet et Auguste Rodin) dans une séquence musicale lorgnant le meilleur des comédies musicales Stanley Donen/Gene Kelly. D’autres allusion sont plus subtiles comme la robe portée par Anya lors du final qui est la même que celle d’Ingrid Bergman dans le Anastasia d’Anatole Litvak (1956), mis en musique par Alfred Newman tandis que son fils David Newman s’occupe de celle du dessin animé – dont on retiendra particulièrement la sublime chanson et thème musical Far from the cold of December.

Don Bluth malgré les concessions apparentes fait de toute la dimension princière un obstacle à l’épanouissement de ses personnages. La grandeur du tsarisme est contrebalancée par l’injustice et la violence (et façonne symboliquement son inverse absolu avec Raspoutine) et n’existe plus qu’en tant que vestige du passé lors d’une magnifique scène où Anya ranime la magie d’antan en traversant le palais royal en ruine. Ce n’est donc pas en renouant avec ce passé que notre héroïne redéfinira son identité et Don Bluth place intelligemment le climax final sur le Pont Alexandre-III dont la destruction libère Anastasia de ce passé pour suivre sa voie. Le film sera un joli succès laissant les coudées franches à Don Bluth pour le nettement plus aventureux Titan A.E. (annoncé ici par les nombreux croisements entre 3D et animation classique) dont l’échec retentissant signera malheureusement la fin de carrière et la fermeture du Fox Animation Studios.

Sorti en dvd et bluray chez Fox et ressort en salle le 24 mai

3 commentaires:

  1. Don Bluth revenant de loin, cette superproduction était en effet porteuse de beaucoup d'espoirs. Et si je continue à être séduit par le brio visuel du spectacle proposé ici, le côté convenu de l'intrigue, comme tu le notes, a vite cessé de me passionner. J'en pioche quelques bouts de scènes. Et c'est assez triste de constater que malgré le succès du film, Bluth verra à nouveau sa créativité entravée, et que ses meilleures années restent celles des 80's.

    E.

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    1. Pas revu depui longtemps mais j'ai plutôt un bon souvenir de Titan A.E., échec assez injuste qui achève prématurément sa carrière. Mais c'est l'époque où presque tous les projets concurrents de Disney en animation traditionnelle se plantent (Excalibur l'épée magique ou Le Géant de fer) donc apparemment il fallait rester dans les clous comme "Anastasia" pour marcher avec les conventions que ça impliquent malheureusement. Dommage que Don Bluth n'ai jamais pu revenir depuis mais l'animation 3d a pris le pouvoir par la suite...

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  2. Titan A.E. reste impressionnant par les moyens mis en œuvre, mais le scénar pêche vraiment par son infantilisme et ses facilités. Et quand je vois que Bluth bataille aujourd'hui encore pour porter à l'écran Dragon's lair, ça me fait le même effet que Spielberg qui tient à réaliser Indy V...

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