Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 3 octobre 2014

Anastasia - Anatole Litvak (1956)


Paris, 1928. Russes blancs exilés, le général Bounine et ses complices Chernov et Petrovin projettent de récupérer par tous les moyens la fortune du tsar Nicolas II, bloquée hors de la Russie après l’exécution du souverain et de sa famille par les Bolcheviks, dix ans plus tôt. Comme des rumeurs circulent que la plus jeune de ses filles, la grande-duchesse Anastasia, aurait été épargnée et vivrait sous une identité d’emprunt, ils décident de trouver une jeune fille lui ressemblant afin de la faire passer pour elle. C’est alors que le jour de la Pâque russe, ils empêchent une inconnue de se suicider en sautant d’un quai de la Seine. Amnésique et vaguement ressemblante aux descriptions faites d’Anastasia, la jeune femme nommée Anna Koreff hésite, puis se laisse persuader par Bounine. Elle apprend son rôle d’héritière avec zèle, puis est présentée aux membres de la famille impériale russe, exilés eux aussi à Paris.

Ingrid Bergman aura payée chèrement sa liberté de femme lorsqu'elle tomba amoureuse de Roberto Rossellini durant la préparation de Stromboli (1950). L'admiration artistique (elle lui écrivit son admiration pour son travail et le sollicita afin de travailler avec lui) devint passion amoureuse, le coup de foudre mutuel lui faisant quitter maris et enfant et épouser Roberto Rossellini alors déjà enceinte de lui. Il n'en fallait pas plus pour déchaîner l'ordre moral et le puritanisme américain, faisant de la star le symbole de la dépravation et l'obligeant à quitter Hollywood. Exilée en Europe, Ingrid Bergman tournera quatre films majeurs avec son époux (dont le fameux Voyage en Italie (1952)) ainsi qu'Elena et les hommes de Jean Renoir (1954). Anastasia marquera ainsi son grand retour à Hollywood et l'Oscar obtenu fera figure de pardon et de retour triomphal de la star au sein de l'usine à rêve. L'ensemble du film peut d'ailleurs être analysé sous cet angle de retour à la lumière de l'actrice et de son personnage.

 Le film adapte la pièce de Marcelle Maurette, inspirée de la réelle et tumultueuse histoire d'Anna Anderson. Cette jeune femme ne cessa à partir du début des années 20 d'affirmer qu'elle était Anastasia Romanov, fille cadette du Tsar de Russie Nicolas II et seule rescapée de l'exécution de la famille impériale. La controverse se poursuivra sur plusieurs décennie, Anna Anderson étant réellement reconnue par certains ancien membre de la Cour Impériale russe tandis que d'autres éléments plus troubles la font traiter d'imposture par les plus sceptiques. Le mystère ne sera jamais complètement résolu, des tests ADN récent entre les corps d'Anna Anderson et ceux retrouvés de la famille impérial se révélant négatifs tandis que d'autres sources affirment que le fameux massacre impérial n'a jamais eu lieu et que les filles du tsar dont Anastasia ont pu fuir en Pologne, précisément le lieu d'une des précédentes identités d'Anna Anderson, Franziska Schanzkowska. La pièce et donc le film s'empare de cette réalité diablement romanesque dans un récit captivant. Anne Koreff (Ingrid Bergman), jeune émigrante russe amnésique et échappée d'un asile est retrouvée par un trio de russes exilé mené par Bounine (Yul Brynner), alerté par ce moment de folie où elle affirma à une bonne sœur de l'hôpital être Anastasia.

Cette quête n'est pas innocente puisque en révélant que la Grande-Duchesse vit toujours, ils pourront toucher l'héritage de dix millions du tsar dormant dans les banques anglaise. L'amnésie d'Anne, son intelligence et sa réelle ressemblance avec la disparue en font la candidate idéale qu’ils pourront présenter à l'ancienne cour du Tsar exilée et qui pourra la reconnaître. Le cynisme des comploteurs et leur imposture savamment préparée va pourtant se heurter à un étrange écueil : et si Anne Koreff était réellement Anastasia. Ingrid Bergman apporte à la fois sa profonde vulnérabilité d'écorchée vive, son mélange de naturel et de prestance qui lui confère à la fois un charme du commun et une vraie aura lumineuse. Le début la montrant misérable et au bord du suicide ne parvient jamais à faire disparaître la star Ingrid Bergman, tout comme il ne peut effacer le charisme d'Anastasia.

Dès lors toute les leçons et bonnes manières méticuleusement apprise pour la rendre crédible semblent forcés tant ce port princier semble naturel pour le personnage, tout comme Ingrid Bergman reprend ses galons de star hollywoodienne et au fil du récit pour retrouver une présence élégante et glamour. La méfiance de la noblesse russe fait écho à celle d'Hollywood et c'est la sincérité d'Ingrid/Anastasia qui fera vaciller le spectateur/interlocuteur qui oubliera qu'il est face à une actrice pour ne plus voir que la détresse d'une femme cherchant à retrouver son identité/statut. Ingrid Bergman par sa présence fragile désarçonnera ainsi le calculateur Bounine oubliant peu à peu les bénéfices que l'entreprise pourrait lui apporter, mais aussi l'impitoyable Impératrice douairière (Helen Hayes) perdue dans le souvenir d'une Russie éteinte.

Anatole Litvak même s'il profite des moyens alloués et de la force évocatrice du cinémascope (tournage à Copenhague, Londres et Paris, décors luxueux dont celui splendide de l'opéra) reste cependant dans la teneur intimiste de la pièce. Le film fait dans la constante retenue émotionnelle (l'entrevue entre Anastasia et l'Impératrice dont l'issue touchante tarde longtemps à se dessiner) et notamment dans la relation entre Bounine et Anastasia. La complicité initiale s'estompe lorsque le poids de l'étiquette et des conventions semble reprendre ses droits, soumettant Anastasia aux règles du paraitre et Bounine à une retenue absente de la première partie du film et ses attitudes rustres.

Le scénario joue du doute toujours entretenu dans la réalité pour en faire un moteur romanesque se fondant idéalement à la personnalité d'Ingrid Bergman. Aux paillettes qui lui tendent les bras Anastasia/Ingrid Bergman préférera fuir pour l'amour véritable dans une conclusion pudique où il n'est nul besoin de voir ce que l'on aura déjà deviné. Une belle réussite pour une Ingrid Bergman de retour au sommet.

 Sorti en dvd zone 2 français chez Fox

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