Alors que Ruth, sa fille de 8 ans, est à
l’hôpital entre la vie et la mort, son père John (Michael Craig) refuse
qu’elle soit transfusée par conviction religieuse de témoin de Jéhovah.
Malgré l’insistance du docteur James Brown (Patrick McGoohan), il
s’obstine ne voulant pas compromettre sa vie éternelle. Après la mort de
Ruth, le docteur Brown décide porter plainte contre le père pour
homicide.
Life for Ruth
s'inscrit dans la série de films engagés que signe Basil Dearden au sein
de la maison de production fondée avec son partenaire Michael Relph. Il
s'agit à chaque fois de sujet sociaux audacieux questionnant la société
anglaise d'alors tel que le racisme dans Sapphire (1959), la délinquance avec Violent Playground (1958) ou encore l'homosexualité avec Victim (1962). Il s'attaque à la question religieuse dans Life for Ruth
adapté de la pièce éponyme de Jane Green qui en signe également le
script (tout comme sur les précédents films évoqués).
Suite à un
incident en mer, la petite Ruth a besoin d'une transfusion pour survivre
à ses blessures. Son père John (Michael Craig) va s'y opposer car sa
religion de témoin de Jéhovah (jamais nommée mais l'interdit est bien
connu) s'oppose à cette pratique. La mère Pat (Jane Munro) aura beau
contredire son mari et autoriser la transfusion à son insu, il est trop
tard et la fillette va mourir. Révolté par le drame, le docteur Brown
(Patrick McGoohan) décide de porter l'affaire en justice et va entraîner
un vrai déchaînement médiatique.
La première partie nouant le
drame est pratiquement filmée comme un thriller par Dearden. L'urgence
du besoin de soin de Ruth s'observe ainsi en parallèle de
l'incompréhension du refus de John. La photo d'Otto Heller donne un tour
oppressant à la tragédie en marche et Dearden par ses cadrages saisit
la stupeur du médecin comme celle du spectateur face à la décision du
père. Le choc est d'autant plus grand que l'introduction nous aura
présenté cette famille comme normale et chaleureuse, ne laissant pas
présupposer la folie à venir. C'est là la force du film qui tout en
ayant le parti pris de la vie plutôt que du dogme, capture et fait
comprendre la logique du père. Le suivi de la règle religieuse anticipe
l'accès à la vie éternelle ou alors une intervention divine permettra la
survie sans la souillure d'une transfusion. Le script ne fait pourtant
pas du personnage un fou de dieu mortifère, la scène de noyade le voyant
même aller sauver un camarade de Ruth avant sa propre fille car il
était plus en danger. La complexité de l'expression de la foi passe
ainsi par des dialogues subtils où est questionné le degré que chacun
accorde au suivi des écritures dans le cadre du monde contemporain.
La
prestation de Michael Craig est impressionnante, habitée et chargée
d'espoir alors qu'il commet l'irréparable et rongée par le doute quand
il se produit. L'existence du couple et ses bases sont remis en question
et Dearden les oppose par le drame tout en les rapprochant face au
regard inquisiteur du monde qui les entoure. Dearden laisse s'exprimer
tous les points de vue et observe avec empathie la détresse de chacun,
tout en les confrontant à leur contradiction. L'hôpital plié aux règles
administratives plutôt qu'à la vie du patient s'avère ainsi aussi
coupable que le père dans son aveuglement religieux.
Le jeu intense de
Patrick McGoohan fait bien passer cette colère et impuissance qui
culmine dans la scène de procès finale. Les mots et la simplicité
révoltante des faits sont martelés avec une force qui ébranle Michael
Craig, les plongées sur la salle d'audience adoptant presque un regard
"divin" tandis que les contre-plongées sur Craig la barre le toise en
appuyant sa culpabilité. Une belle réussite à nouveau pour Dearden,
assumant brillamment son sujet difficile.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez Network sans sous-titres
Bonjour et bonne et heureuse année tout d'abord. Merci pour cette chronique qui me renforce dans la conviction que Basil Dearden est un metteur en scène important et trop méconnu chez nous.Viennent heureusement de sortir en france en dvd Pool of London et Police sans armes. J'ai acheté The Victim mais pas encore vu. Merci pour vos chroniques sur le cinéma britannique dont je suis fan.
RépondreSupprimerMerci beaucoup et très bonne année à vous aussi. Sinon oui petit à petit on voit quand même quelques titres émerger en France Pool of London et The Blue Lamp c'était asse inespéré. Victim est vraiment très bon et risqué, ça devait vous plaire je pense.
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