Une jeune femme, Sapphire, est retrouvée assassinée dans
un parc de Londres. L'inspecteur Hazard est charge de l'enquête. Il
découvre que cette fille discrète, fiancée à un architecte, menait une
double vie, sous deux identités et deux couleurs de peau.
Sapphire est un très bon polar où Dearden aborde le racisme ordinaire régnant alors en Angleterre en traitant du phénomène du
passing. Le
passing
est l'action par laquelle des noirs à la peau très claire profitèrent
de cette particularité physique pour s'intégrer aux milieux blancs
notamment aux Etats-Unis. Le cinéma s'était penché sur ce thème avec
bien sûr le chef d'œuvre de Douglas Sirk
Mirage de la Vie (1959) et en littérature Boris Vian signa son fameux
J'irai cracher sur vos tombes
en 1946. Dearden à travers le remarquable scénario de Janet Green
dépeint ainsi une Angleterre d'après-guerre refermée sur elle-même et où
règne la peur de l'autre.
Le film s'ouvre sur la découverte macabre du corps d'une jeune femme
dans un parc londonien. L'intrigue déroule donc au départ une
construction policière classique l'enquête de L'inspecteur Hazard (Nigel
Terry) et Learoyd (Michael Craig) survole le passé de la victime, sonde
ses amis et son environnement. Des signes précurseurs (une garde-robe
secrète aux tenues bien plus criardes et voyantes que la sobriété de
façade) annoncent la révélation qui remet tout le récit en question avec
la découverte du frère de Sapphire, noir. Sapphire pratiquait donc le
passing
et dès lors de son petit ami blanc et sa famille en passant par la
communauté noire londonienne, les suspects se multiplient selon leur
intolérance et le fait qu'ils soient au courant du subterfuge de
Sapphire.
Plus que l'enquête, c'est réellement l'étude de mœurs qui
intéresse là Dearden qui nous fait découvrir un Londres interlope et
multiracial rarement vu jusque-là, la bande-son jazzy de Philip Green
nous promenant de bar dansants enfumés en squats insalubre. La division
est pourtant claire avec l'autre Londres plus blanc, séparation que
Dearden affiche une séquence au saisissant surréalisme urbain lorsqu'un
suspect noir traqué par la police fait face à la haine et menace au fil
de brèves rencontres nocturnes (même si la dernière plus bienveillante
atténue l'impression) où sa couleur ne fait vraiment pas de lui le
bienvenu.
Nigel Terry promène son flegme impeccable face aux personnages plus
outrés qui l'entourent, sa neutralité contrastant avec l'intolérance
présente chez les noirs comme les blancs. Dearden évite aussi le piège
du racisme involontaire avec certains noirs exubérants et caricaturaux
(mais signe d'un certain comportement existant) contrebalancé par
d'autres plus posés et réfléchis comme le frère joué par Earl Cameron.
Les blancs ne sont de même pas tous des racistes belliqueux mais la
réalité d'une vraie discrimination nous apparait le temps de séquences
presque documentaire (la tenancière d'hôtel refusant l'entrée d'un noir
pour ne pas perdre sa clientèle, un bar se levant comme un seul homme à
l'entrée d'un noir...).
C'est dans ce rejet viscéral de l'autre que la
puissante scène finale nous révèlera le coupable dans une tension
étouffante. Une belle réussite dont le message progressiste marqua
l'opinion si l'on en croit les récompenses obtenues avec un BAFTA du
meilleur film et une nomination pour le script de Janet Green. Dearden prendra encore plus de risque deux ans plus tard en dénonçant le chantage envers les homosexuels dans le thriller
Victim (1961).
Sorti en dvd zone 2 anglais sans sous-titres
Extrait
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire