Nick Carraway est un jeune homme du Middle West proche de la trentaine. Il quitte sa région pour travailler dans la finance à New York. Il emménage alors à côté de Jay Gatsby, dont l'immense maison occulte celle de Nick. De plus, Gatsby donne fréquemment de somptueuses et importantes réceptions. Mais Nick ignore tout de cet homme, sujet des plus folles rumeurs.
Après sa flamboyante trilogie du Rideau Rouge (Ballroom Dancing, Roméo + Juliette, Moulin Rouge en 1992, 96 et 2001) Baz Luhrmann
aura opéré sans se délester de son style tapageur une sorte de retour au réel
en s’évadant du monde du spectacle. Avec Australia
(2008), Luhrmann offrait ainsi une grande fresque romanesque à la Out of Africa où il s’attaquait à
l’histoire de son pays dans sa gloire (la résistance durant la Seconde Guerre
Mondiale) comme ses errances (l’arrachement de jeunes aborigènes à leur famille
et à leur culture) tout en narrant une belle histoire d’amour entre Nicole
Kidman et Hugh Jackman.
En adaptant Gatsby le
Magnifique, Baz Luhrmann se confronte directement à la problématique de
cette transition à travers le personnage de Gatsby incarné ici par Leonardo Di
Caprio. Le film part ainsi d’une construction, d’un excès et d’une extravagance
typique du réalisateur qui viendra ainsi se briser sur les rives du drame de F.
Scott Fitzgerald. Le début du film évoque ainsi l’ouverture de Moulin Rouge avec ce même voile de
regret du personnage de Nick Carraway nostalgique de l’époque de sa découverte
du New York des Années Folles.
Luhrmann déploie alors tout son sens de l’excès
et de l’anachronisme pour nous étourdir dans le fantasme fait de ce lieu et de
cette époque à travers d’étourdissantes et grisantes séquences (l’arrivée en
zoom avant aérien sur Nick reproduisant ironiquement la trajectoire des futurs
suicidés de Wall Street, la séquence d’orgies sur fond de hip hop).
L’adaptation de Jack Clayton en 1974 était remarquable mais ratait toute la
dimension mystérieuse de Gatsby et de la romance entretenue avec Daisy. Comme
étouffée par ses stars (Robert Redford et Mia Farrow) le film s’avérait trop
frontal dans son histoire d’amour devenant classique car placée désormais
au premier plan dès l’entrée en scène de Gatsby/Redford.
Luhrmann ne commet pas cette erreur et tout
comme dans le roman il y a quelque chose d’insaisissable et de beau dans le
lien entre Gatsby et Daisy, une passion idéalisée qui ne peut être observée et
fantasmée que de loin par Nick Carraway qui retrouve plus directement sa
dimension mi impliquée mi spectateur des évènements (un monologue intérieur
appuyant largement ce fait). Tobey Maguire demeure toujours le jeune homme
rêveur de Pleasantville et des Spider-Man et exprime magnifiquement cette
facette.
Gatsby est ici clairement un double de Baz Luhrmann, le
personnage auquel il s’identifie le plus. Le réalisateur dans sa Trilogie du
Rideau Rouge n’aura eu de cesse de célébrer une forme de romantisme total,
d’abandon de soi et de communion surmontant tous les préjugés, écarts sociaux
et regards extérieurs. Le monde du spectacle est un havre où tout est possible,
l’idéal artistique et amoureux se réalise sur une piste de danse (Ballroom Dancing), seule la mort peut
éteindre la flamme de la passion dont il demeure un intense et indélébile
souvenir (Moulin Rouge) et la romance
la plus universelle retrouve le souffle des premières fois (Roméo + Juliette).
Gatsby fonctionne ici
selon le même idéal, la même quête d’absolu, capable de raccrocher ses espoirs
à une lueur verte sur la baie d’en face, qu’il cherchera à capturer par tous
les moyens. Pour ce rêveur, la manifestation de son amour doit être un monde
rêve et de spectacle, Luhrmann décrivant les fêtes fastueuses et la demeure de
Gatsby comme échappés d’un conte de fée. Si Luhrmann peut magnifier cet amour
dans les mondes de chimères que constituent la Trilogie du Rideau Rouge, Gatsby
va par contre lui cruellement voir son idéal se confronter à une terrible
réalité.
Leonardo Di Caprio était arrivé au bout d’un certain type de
personnage torturés et obsessionnel après ses rôles jumeau de Shutter Island (Martin Scorsese, 2010)
et Inception (Christopher Nolan,
2010) où il poursuivait le souvenir de sa femme disparue. L’acteur renouvèle sa
palette ici en assumant enfin son physique avantageux (sa scène d’introduction,
sourire radieux sur fond de feux d’artifices assorti d’un charmeur I’m Gatsby est un régal) sous lequel il
dissimule ses fêlures plutôt que de les exposer au grand jour.
Sa fébrilité n’en est que plus touchante
lorsque ce gentleman révèle un amoureux transi et il retrouve le temps de
quelques scènes la grâce et la maladresse juvénile de Titanic ou Roméo + Juliette
tel ce moment où Gatsby indécis revient trempé et penaud vers Daisy à laquelle
il n’ose adresser un regard. Les moments les plus romantiques sont fantasmés
(le flashback de la première rencontre entre Gatsby et Daisy) où illustrés
comme tel par Luhrmann (la scène de danse, Gatsby lançant toute ses chemises à
Daisy).
Carey Mulligan exprime bien la dualité du film, tour à tour
séductrice et superficielle, amoureuse passionnée et surtout femme dépassée par l’amour d’un homme l’idolâtrant.
Gatsby affronte la réalité par un passé de Daisy dont il est absent et dont il
ne peut supporter l’existence en dépit de son amour présent. Dans les contes un
enchantement suffirait à effacer ses souvenirs et tout recommencer mais en poursuivant
son impossible rêve de perfection Gatsby va voir tout s’écrouler et les
clivages de classes (comme lui rappellera Joel Edgerton dans une des scènes les
plus intenses) de nouveau faire obstacle.
Luhrmann éteint la flamme entretenue
dans sa Trilogie du Rideau Rouge avec cette tragique prise de conscience mais
la ravive tout à la fois par cette croyance absolue de Gatsby pour son bonheur.
Son dernier regard sera pour cette lueur verte de l’autre côté et qu’il aura
cherché à saisir jusqu’au bout.
Il est le personnage le plus pur de l’histoire
car son obsession est la plus belle de toute et il n’aura reculé derrière aucun
moyen pour l’assouvir. Si chacun retournera à son milieu et à son conformiste,
il lui restera toujours l’admiration de Nick Carraway. Baz Luhrmann signe sans
doute là son meilleur film avec Moulin
Rouge et met une nouvelle fois son style outrancier au service d’un grand
mélodrame.
En salle en ce moment !
Salut! Merci pour ta critique, enfin une positive par rapport aux réactions plus mitigées! Je viens enfin de le voir, après un mois d'abstinence ciné, et je suis encore épatée par le show Luhrman. Même si le réalisateur est très décrié pour son style, autant dire qu'il a une propre mise en scène qui est sienne et pleine de personnalité! J'ai été époustouflée visuellement et il est vraiment en forme dans ce film. Leo di Caprio m'a rappelé l'amoureux transi de sa période Titanic/Romeo + Juliette, j'ai cru le revoir plus jeune avec cette fougue adolescente qui caractérisait ses précédentes interprétations. C'est une performance hyper touchante, belle et romantique comme tout. Je comprends pas toutes les critiques négatives envers Carey Mulligan, je pense que c'est la vision du réalisateur de l'avoir voulue insipide et fade par rapport à un Gatsby qui se noie dans l'illusion de l'amour pur. D'où le choix d'une actrice qu'il a maquillé, coiffée et mise en scène comme une poupée terne et fade, mais d'une extrême cruauté et superficialité. Comme toujours avec Luhrman, les méchants sont toujours très uni-dimensionnels,ce qui est bien dommage pour comprendre le personnage du mari. Ce que je peux regretter dans ce film est la lourdeur des premières scènes, bien qu'étourdissantes qui prêtent à confusion en alternant les époques. La voix off alourdit également le film, en essayant de trop expliciter les sentiments de Gatsby et ses actes. Enfin, j'aurai voulu une plus dense étude sur Gatsby : pourquoi cette envie de richesse, cette hargne d'y arriver et comment cela s'est amplifié avec sa rencontre avec Daisy! Mais merde, c'est du bon ciné, même si Fitzgerald est bien vulgarisé! Chapeau!
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RépondreSupprimerMerci je suis grand fan de Luhrmann aussi et c'est dommage que certaines critiques se soit arrêté à son style visuel chargé alors que c'est vraiment une des adaptations les plus fidèles et qu'il a totalement fondu son esthétique à la thématique du film. Pour le détail sur Gatsby et sa soif de réussite c'est vraiment pareil dans le livre où il plane un complet mystère sur ses motivations et son parcours sorti de son obsession amoureuse c'est un des charmes du livre ce côté diffus et insaisissable et Luhrmann rend vraiment bien ça.
La colère de Di Caprio à la fin souligne en une scène tout ce complexe d'infériorité et cette frustration pas besoin d'en dire plus je trouve. Sinon j'aime bien Joe Edgerton moi en aristocrate imbu de lui même il arrive à amener pas mal de nuance quand même.