Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

lundi 20 mai 2013

Gatsby le Magnifique - The Great Gatsby, Baz Luhrmann (2013)


Nick Carraway est un jeune homme du Middle West proche de la trentaine. Il quitte sa région pour travailler dans la finance à New York. Il emménage alors à côté de Jay Gatsby, dont l'immense maison occulte celle de Nick. De plus, Gatsby donne fréquemment de somptueuses et importantes réceptions. Mais Nick ignore tout de cet homme, sujet des plus folles rumeurs.

Après sa flamboyante trilogie du Rideau Rouge (Ballroom Dancing, Roméo + Juliette, Moulin Rouge en 1992, 96 et 2001) Baz Luhrmann aura opéré sans se délester de son style tapageur une sorte de retour au réel en s’évadant du monde du spectacle. Avec Australia (2008), Luhrmann offrait ainsi une grande fresque romanesque à la Out of Africa où il s’attaquait à l’histoire de son pays dans sa gloire (la résistance durant la Seconde Guerre Mondiale) comme ses errances (l’arrachement de jeunes aborigènes à leur famille et à leur culture) tout en narrant une belle histoire d’amour entre Nicole Kidman et Hugh Jackman.

En adaptant Gatsby le Magnifique, Baz Luhrmann se confronte directement à la problématique de cette transition à travers le personnage de Gatsby incarné ici par Leonardo Di Caprio. Le film part ainsi d’une construction, d’un excès et d’une extravagance typique du réalisateur qui viendra ainsi se briser sur les rives du drame de F. Scott Fitzgerald. Le début du film évoque ainsi l’ouverture de Moulin Rouge avec ce même voile de regret du personnage de Nick Carraway nostalgique de l’époque de sa découverte du New York des Années Folles. 

Luhrmann déploie alors tout son sens de l’excès et de l’anachronisme pour nous étourdir dans le fantasme fait de ce lieu et de cette époque à travers d’étourdissantes et grisantes séquences (l’arrivée en zoom avant aérien sur Nick reproduisant ironiquement la trajectoire des futurs suicidés de Wall Street, la séquence d’orgies sur fond de hip hop). 

L’adaptation de Jack Clayton en 1974 était remarquable mais ratait toute la dimension mystérieuse de Gatsby et de la romance entretenue avec Daisy. Comme étouffée par ses stars (Robert Redford et Mia Farrow) le film s’avérait trop frontal dans son histoire d’amour devenant classique car placée désormais au premier plan dès l’entrée en scène de Gatsby/Redford.   

Luhrmann ne commet pas cette erreur et tout comme dans le roman il y a quelque chose d’insaisissable et de beau dans le lien entre Gatsby et Daisy, une passion idéalisée qui ne peut être observée et fantasmée que de loin par Nick Carraway qui retrouve plus directement sa dimension mi impliquée mi spectateur des évènements (un monologue intérieur appuyant largement ce fait). Tobey Maguire demeure toujours le jeune homme rêveur de Pleasantville et des Spider-Man et exprime magnifiquement cette facette.

Gatsby est ici clairement un double de Baz Luhrmann, le personnage auquel il s’identifie le plus. Le réalisateur dans sa Trilogie du Rideau Rouge n’aura eu de cesse de célébrer une forme de romantisme total, d’abandon de soi et de communion surmontant tous les préjugés, écarts sociaux et regards extérieurs. Le monde du spectacle est un havre où tout est possible, l’idéal artistique et amoureux se réalise sur une piste de danse (Ballroom Dancing), seule la mort peut éteindre la flamme de la passion dont il demeure un intense et indélébile souvenir (Moulin Rouge) et la romance la plus universelle retrouve le souffle des premières fois (Roméo + Juliette). 

Gatsby fonctionne ici selon le même idéal, la même quête d’absolu, capable de raccrocher ses espoirs à une lueur verte sur la baie d’en face, qu’il cherchera à capturer par tous les moyens. Pour ce rêveur, la manifestation de son amour doit être un monde rêve et de spectacle, Luhrmann décrivant les fêtes fastueuses et la demeure de Gatsby comme échappés d’un conte de fée. Si Luhrmann peut magnifier cet amour dans les mondes de chimères que constituent la Trilogie du Rideau Rouge, Gatsby va par contre lui cruellement voir son idéal se confronter à une terrible réalité.

Leonardo Di Caprio était arrivé au bout d’un certain type de personnage torturés et obsessionnel après ses rôles jumeau de Shutter Island (Martin Scorsese, 2010) et Inception (Christopher Nolan, 2010) où il poursuivait le souvenir de sa femme disparue. L’acteur renouvèle sa palette ici en assumant enfin son physique avantageux (sa scène d’introduction, sourire radieux sur fond de feux d’artifices assorti d’un charmeur I’m Gatsby est un régal) sous lequel il dissimule ses fêlures plutôt que de les exposer au grand jour.
Sa fébrilité n’en est que plus touchante lorsque ce gentleman révèle un amoureux transi et il retrouve le temps de quelques scènes la grâce et la maladresse juvénile de Titanic ou Roméo + Juliette tel ce moment où Gatsby indécis revient trempé et penaud vers Daisy à laquelle il n’ose adresser un regard. Les moments les plus romantiques sont fantasmés (le flashback de la première rencontre entre Gatsby et Daisy) où illustrés comme tel par Luhrmann (la scène de danse, Gatsby lançant toute ses chemises à Daisy).

Carey Mulligan exprime bien la dualité du film, tour à tour séductrice et superficielle, amoureuse passionnée et surtout femme  dépassée par l’amour d’un homme l’idolâtrant. Gatsby affronte la réalité par un passé de Daisy dont il est absent et dont il ne peut supporter l’existence en dépit de son amour présent. Dans les contes un enchantement suffirait à effacer ses souvenirs et tout recommencer mais en poursuivant son impossible rêve de perfection Gatsby va voir tout s’écrouler et les clivages de classes (comme lui rappellera Joel Edgerton dans une des scènes les plus intenses) de nouveau faire obstacle.

Luhrmann éteint la flamme entretenue dans sa Trilogie du Rideau Rouge avec cette tragique prise de conscience mais la ravive tout à la fois par cette croyance absolue de Gatsby pour son bonheur. Son dernier regard sera pour cette lueur verte de l’autre côté et qu’il aura cherché à saisir jusqu’au bout.

Il est le personnage le plus pur de l’histoire car son obsession est la plus belle de toute et il n’aura reculé derrière aucun moyen pour l’assouvir. Si chacun retournera à son milieu et à son conformiste, il lui restera toujours l’admiration de Nick Carraway. Baz Luhrmann signe sans doute là son meilleur film avec Moulin Rouge et met une nouvelle fois son style outrancier au service d’un grand mélodrame. 


En salle en ce moment !

2 commentaires:

  1. Salut! Merci pour ta critique, enfin une positive par rapport aux réactions plus mitigées! Je viens enfin de le voir, après un mois d'abstinence ciné, et je suis encore épatée par le show Luhrman. Même si le réalisateur est très décrié pour son style, autant dire qu'il a une propre mise en scène qui est sienne et pleine de personnalité! J'ai été époustouflée visuellement et il est vraiment en forme dans ce film. Leo di Caprio m'a rappelé l'amoureux transi de sa période Titanic/Romeo + Juliette, j'ai cru le revoir plus jeune avec cette fougue adolescente qui caractérisait ses précédentes interprétations. C'est une performance hyper touchante, belle et romantique comme tout. Je comprends pas toutes les critiques négatives envers Carey Mulligan, je pense que c'est la vision du réalisateur de l'avoir voulue insipide et fade par rapport à un Gatsby qui se noie dans l'illusion de l'amour pur. D'où le choix d'une actrice qu'il a maquillé, coiffée et mise en scène comme une poupée terne et fade, mais d'une extrême cruauté et superficialité. Comme toujours avec Luhrman, les méchants sont toujours très uni-dimensionnels,ce qui est bien dommage pour comprendre le personnage du mari. Ce que je peux regretter dans ce film est la lourdeur des premières scènes, bien qu'étourdissantes qui prêtent à confusion en alternant les époques. La voix off alourdit également le film, en essayant de trop expliciter les sentiments de Gatsby et ses actes. Enfin, j'aurai voulu une plus dense étude sur Gatsby : pourquoi cette envie de richesse, cette hargne d'y arriver et comment cela s'est amplifié avec sa rencontre avec Daisy! Mais merde, c'est du bon ciné, même si Fitzgerald est bien vulgarisé! Chapeau!

    RépondreSupprimer

  2. Merci je suis grand fan de Luhrmann aussi et c'est dommage que certaines critiques se soit arrêté à son style visuel chargé alors que c'est vraiment une des adaptations les plus fidèles et qu'il a totalement fondu son esthétique à la thématique du film. Pour le détail sur Gatsby et sa soif de réussite c'est vraiment pareil dans le livre où il plane un complet mystère sur ses motivations et son parcours sorti de son obsession amoureuse c'est un des charmes du livre ce côté diffus et insaisissable et Luhrmann rend vraiment bien ça.

    La colère de Di Caprio à la fin souligne en une scène tout ce complexe d'infériorité et cette frustration pas besoin d'en dire plus je trouve. Sinon j'aime bien Joe Edgerton moi en aristocrate imbu de lui même il arrive à amener pas mal de nuance quand même.

    RépondreSupprimer