L'histoire d'une famille de Liverpool
dans les années 50 à travers les souvenirs du réalisateur. Distant
Voices est le portrait détaillé du mode de vie traditionnel de la classe
ouvrière qui a marqué son enfance.
Après son inaugural et salué
The Terence Davies Trilogy
(1984 et réunion de ses trois premiers moyen métrage), Terence Davies
en creusait encore le sillon autobiographique avec ce magnifique
Distant Voices, Still Lives.
Le récit nous plonge dans les souvenirs du réalisateur à travers la
description de sa famille et plus globalement de la vie d'une certaine
Angleterre des années 40/50. Le titre divise le film en deux parties, le
Distant Voices allant de
l'enfance à l'âge adulte et le
Still Voices poursuivant le destin des
jeunes personnages ayant fondés à leur tour une famille. Cette division
ne donne pas une structure linéaire au film, bien au contraire.
Davies
nous promène entre passé et présent au gré de transitions dont le
montage fonctionne par associations d'idées, au détour d'un mot, d'un
fondu au blanc synonyme de la nostalgie ressentie et donc surtout au gré
des émotions des personnages. La scène d'ouverture annonce clairement
cela avec ce plan fixe sur un corridor tandis que la voix de la mère
(Freda Dowie) appelant ses enfants se fait entendre ainsi que leur
réponse sans qu'ils n'apparaissent à l'image. Un lent panoramique
sillonne alors les lieux pour nous diriger vers la porte d'entrée où un fondu
enchaîné et la bande son amorce alors déjà une autre époque. Terence
Davies annonce ainsi d'emblée une œuvre placée sous le signe du
souvenir.
La partie
Distance Voices
navigue entre capture du quotidien et grands évènements qui bercent la
vie de cette famille à travers mariages, enterrements ou encore noël.
Lors de la séquence de mariage de la fille aînée Eileen (Angela Walsh),
la caméra de Davies s'attarde sur le visage de la mariée regrettant
l'absence de leur père puis sur celui de son frère Tony (Dean Williams)
et sa sœur Maisie (Lorraine Ashbourne) dont les pensées en voix off
révèlent au contraire une farouche haine pour l'absent.
Une manière
d'effectuer une première bascule dans le passé où ce père tyrannique
incarné par un impressionnant Pete Postlethwaite leur mena la vie dure
par son caractère violent et colérique dont leur mère fit souvent les
frais. Par ses vas et viens narratifs, Davies exprime cependant un
sentiment plus diffus. D'une scène à l'autre ce père abusif peut
apparaître vulnérable et affaibli par la maladie, tendre et bienveillant
le temps d'une veillée de noël ou sourdement impitoyable en laissant
son jeune fils à la porte de la maison.
De même les trois bambins
peuvent être fascinés et admiratifs de l'observer au travail, terrorisés
par un accès de colère ou fondre en larme au présent lors du mariage où
ils leur manque terriblement. L'amour suit une ligne se confondant et
rejoignant celle de la haine et Davies par sa manière de raconter amène
une confusion des sentiments finalement bien naturelle dans les aléas
qui agitent une vie de famille. Cette dimension universelle s'étend à la classe ouvrière anglaise entière par les portraits sobrement
esquissés des amis et connaissance de la famille, le cycle de joie et de
malheur se mêlant au commun et à l'intime.
Pour l'intime c'est ces
courts moments figés de pure tendresse telle les enfants effrayés de
voir leur mère tombé alors qu'elle lave les carreaux, c'est les destins
disparates et les mariages plus ou moins heureux et les renoncements des
jeunes femmes que l'on aura suivis. L'universel traduit également les
hauts et les bas de ce quotidien, emblématique de cette Angleterre
soumise au rythme des bombardements allemands (superbe séquences où les
enfants se mettent à chanter et galvanisent les autres réfugiés qui les
accompagnent en donnant de la voix) puis plus tard ces soirées au pub où
l'on vient oublier ses tracas, boire et chanter en communion avec ses
amis.
Ce voile de souvenirs imprègne la mise en scène de Terence
Davies, figeant chaque tranche de vie comme un tableau indépendant où de
lents mouvements de caméra semblent comme photographier et immortaliser
chaque précieux moment passé. La photo cotonneuse et aux couleurs
désaturées de William Diver et Patrick Duval baigne dans cette nostalgie
et évoque autant une peinture (Davies revendiquant l'influence de
Vermeer pour ce film notamment pour sa manière de capturer les moments
domestiques dans ses œuvres) qu'une vieille photo jaunie pouvant
renaître à la vie en laissant transparaître quelques couleurs plus vives
le temps de quelques instants de grâce (le sourire de la mère concluant
la partie
Distant Voices).
La
bande son, entre standards et chansons traditionnelles est également un
vecteur émotionnel indissociable des images, laissant les personnages
s'abandonner à de multiples reprises en donnant de la voix, surlignant
délicatement l'émotion où amenant un doux parfum de mélancolie
suspendue. Faussement figé et bourré d'idées visuelle splendide (le
double accident vu à travers une scène onirique sans explication
superflue),
Distant Voices, Still Lives
est un grand classique du cinéma anglais contemporain à juste titre
classé troisième d'un récent top 100 des plus grands films anglais par
la revue Time Out.
Sorti en dvd zone 2 anglais sous-titré anglais et pour les amateurs de Davies un coffret contenant toutes ses premières oeuvres est édité pour pas très cher par la BFI (pourvu de sous-titres anglais aussi) avec de nombreux bonus
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