Le Capitaine Yossarian, un bombardier
B-25 de l'armée aérienne des États-Unis, se trouve sur l'île de Pianosa
pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec d'autres membres de son
escadron, Yossarian s'engage dans de dangereuses missions de vol, et
après avoir vu ses compagnons mourir, il cherche un moyen d'en
réchapper.
Adapté du cultissime roman éponyme de Joseph Heller,
Catch 22 s'inscrivait avec le
MASH
de Robert Altman sorti la même année dans la vague des films de guerre
antimilitariste usant de leur contexte historique (Guerre de Corée chez
Altman et Deuxième Guerre Mondiale pour Nichols) pour dénoncer
indirectement la Guerre du Vietnam. Les deux films n'auront pas
exactement le même succès, l'outsider
MASH (budget dérisoire, casting encore inconnu et tourné hors des regards des exécutifs de la Fox focalisé sur
Patton produit simultanément) l'emportant aisément sur la superproduction qu'est
Catch 22 portée par le prestige d'un Mike Nichols qui sortait des succès de
Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) et
Le Lauréat (1967).
Les raisons sont assez évidentes.
MASH
faisait fonctionner sa satire par un humour potache dans une
célébration du collectif où ce groupe de médecin se réfugiant de
l'horreur par la blague offrait un reflet des communautés hippies
pacifistes alors en vogue.
Catch 22
est bien moins facile d'accès et à l'inverse prône le libre arbitre et
la force de l'individu à travers l'odyssée cauchemardesque de son héros
Yossarian (Alan Arkin).
Yossarian est un bombardier que la
multiplicité et dangerosité des missions a placé dans une grande
situation d'angoisse et d'anxiété. Pour échapper à son prochain vol
périlleux, Yossarian a décidé de se faire passer pour fou et inapte mais
va se trouver face à un obstacle de taille : le catch 22. C'est un
article militaire contrant ce type de demande puisque signifiant que si
l'un pilote se déclare fou pour ne pas voler, c'est qu'il est conscient
de sa folie et donc ne peut être fou.
Le film inscrira l'expression dans
le langage courant anglo-saxon pour expliquer une situation où l'on est
perdant quel que soit la voie empruntée. On comprendra mieux le rejet
de la demande à travers la description de la base militaire. Dans
MASH, la folie douce et l'excentricité sont des protections face à l'apocalypse ambiante, dans
Catch 22
au contraire c'est un virus contagieux gagnant l'ensemble de soldats au
bout du rouleau nerveusement.
Nichols montre graduellement cette folie environnante qui passe d'une ambiance splapstick cartoonesque et décalée au
véritable cauchemar surréaliste. On aura ainsi les visions de la
corruption des officiers entre veulerie (Jon Voight génial en
magouilleur s'enrichissant avec les surplus de l'armée), ambition mal
placée (le duo Martin Balsam/ Buck Henry prêt à toute les bassesses pour
assurer la visibilité de leur unité) et incompétence pure et simple (le
Major nommé à ce grade car son nom de famille est... Major !).
Les
répercussions sur les pilotes sont bien sûr spectaculaires, les
pathologies et névroses les plus variées s'illustrant dans des séquences
délirantes : dialogues nonsensiques, gags Tex Avery (le malheureux
finissant découpé par une pale d'avion, les soldats langues pendues face à l'assistante sexy du général) où lorgnant sur Tati (toujours
bien surveiller ce qui se déroule en arrière-plan) et personnages
grotesques porté par un casting d'exception. Orson Welles fait un caméo
mémorable en général vulgaire, Art Garfunkel trouve son premier rôle
cinéma (et retrouvera Nichols l'année suivante dans
Ce plaisir qu'on dit charnel)
en doux rêveur amoureux d'une prostituée italienne, Anthony Perkins
déphasé et naïf comme souvent et même un touchant Marcel Dalio en
vieillard clairvoyant.
Alan Arkin constamment au bord de la crise
nerveuse semble bien normal pareillement entouré et malgré tous ses
efforts dont une remise de médaille nu comme un ver. Nichols illustre
par l'absurde le plus total la rigidité militaire qui est finalement la
porte ouverte à toutes les dérives tant que le protocole est respecté.
Après nous en avoir fait rire, le réalisateur pousse la chose dans une
noirceur et un pur cauchemar halluciné durant la dernière demi-heure.
La
narration et construction même du film va dans ce sens avec l'intrigue
se déroulant comme un long trip dans les souvenirs de Yossarian truffé
de virages inattendus et de répétitions étranges. L'excentricité devient
réellement menaçante, la bizarrerie vire à la violence et la satire
bascule dans l'horreur kafkaïenne (le business de Voight transformé en
capitalisme tentaculaire omniscient). On ne peut exister dans ce système
sans en jouer le jeu ou sombrer soi-même dans la folie et la seule
solution est la fuite comme nous le montre l'échappée finale de
Yossarian. En homme libre. Grand film !
Sorti en dvd zone 2 français chez Paramount
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