Au début du XXe siècle, dans un casino
de la Riviera, Marie Collins-Brown, une femme irréprochable, va vivre
avec Anton, un joueur incorrigible, les 24 heures les plus intenses de
sa vie. En voulant le sauver, elle s'enchaîne à un démon. Vingt ans plus
tard, cette même femme, qui s'était enfermée dans le silence, confie
son secret à un adolescent révolté par la mauvaise conduite de sa mère. A
l'aube du troisième millénaire, Louis, l'héritier du secret, est devenu
un vieil homme désabusé qui ne pense plus qu'à sa fin prochaine. Il
fait par hasard la rencontre d'Olivia, une jeune fille qui le déroute
par sa beauté et sa vitalité.
Après deux premiers films durs et ancrés dans une certaine réalité (
Zonzon en 1998 et
1999 Madeleine
en 2000) Laurent Bouhnik opérait un spectaculaire changement de
registre en s'attaquant au classique romanesque de Stefan Zweig. On est
cependant loin de l'adaptation en costume guindée dans manière
d'aborder le récit sur le scénario qu'il coécrit avec un Gilles Taurand
plutôt aguerrit à cette fibre romanesque. Le court roman de Stefan Zweig
narrait comment un scandale de mœurs (une femme quittant brusquement
son mari pour un inconnu du jour au lendemain) amenait les confidences
d'une vieille femme à un jeune homme qui avait osé défendre l'épouse
indigne.
On plongeait ainsi à travers les pensées intimes de cette
héroïne, son émotion passée et présente face à une courte et intense
passion qui la marqua à vie. Bouhnik étend le champ du récit en ajoutant
un épisode contemporain au roman de Zweig et surtout en changeant la
nature du personnage principal. Le réalisateur nous implique plus
émotionnellement en faisant du confident le fils de la femme adultère
disparue et rend ainsi plus "logique" la façon qu'à cette dame de se
livrer à lui.
Ce personnage devient notre guide à travers les époques et
témoin de ses vingt-quatre heures qui virent le destin d'une femme
basculer : l'héroïne malheureuse de Zweig, sa propre mère et la jeune
fille incarnée par Bérénice Bejo à l'époque moderne où le jeune homme
est à son tour devenu un vieillard incarné par Michel Serrault. Les
trois époques se situent sur ces mêmes lieux de la Riviera avec sa plage
et ses casinos, renforçant le mimétisme entre les époques.
Sur
le papier c'est donc un parti pris très ambitieux et attrayant mais
l'exécution pèche un peu. Si l'on ne s'attendait bien sûr pas à ce que
la partie moderne égale l'intensité dramatique de l'intrigue de Zweig,
là on tombe de haut tant l'ensemble est quelconque et presque vulgaire
(le petit ami bas du front de Bérénice Bejo...). Les thématiques sont
pourtant intéressantes (Serrault poursuivant le fantôme d'une histoire
d'amour flamboyante qu'il n'a vécu que par procuration), l'énergie
juvénile de Bérénice Bejo rafraîchissante tout comme la mélancolie de
Serrault et une vraie atmoshère mélancolique se dégage. Mais le dilemme
de cette partie moderne est trop anodin pour captiver et les prologues
et épilogue sont assez poussifs et finalement pas très utile.
C'est
d'autant plus dommage que quand Bouhnik s'attaque uniquement à
l'intrigue du livre, il est vraiment inspiré. L'illustration stylisée du
cadre de la Riviera est très réussie, entre la sophistication du décor
du casino où se jouent des sentiments contradictoires et les extérieurs
ensoleillés chargé d'une nostalgie et d'un romantisme qui ne demande
qu'à s'épanouir. Agnès Jaoui est fabuleuse, son visage éteint
progressivement ranimé pour la folie d'un homme et Bouhnik capture bien
la naissance de cette passion par une belle transposition des instants
les plus forts du livre tel cette longue observation des mains des
joueurs compulsifs.
L'actrice retranscrit bien la passion qui s'ignore
au cœur du livre où la narratrice cherche autant à sauver le joueur
suicidaire qu'à s'abandonner dans ses bras, par la voix off et surtout
par une scène d'amour intense en forme de combat pour la survie. Atout
de taille, la bande originale de Michael Nyman est aussi flamboyante que
celles mémorables de
La Leçon de Piano et
La Fin d'une liaison (1999).
Le compositeur exprime avec autant de grâce la facette purement
romantique que celle plus aérienne et complexe liant les époques, plus
que les images en tout cas.
Tous les autres moments forts du roman (le
serment à l'église puis la terrible disgrâce finale) sont superbement
mis en image par Bouhnik vraiment inspiré pour magnifier la Belle
Epoque. Finalement une adaptation qui aurait gagné à être plus littérale
tant toutes les tentatives d'appropriations de Bouhnik échouent dans
l'ensemble... Un film comme
The Hours (2003) qui tentait le même pari avec le
Mrs Dalloway de Virginia Woolf était bien plus réussi. Curieux de voir la version avec Danielle Darrieux réputée la meilleure.
Sorti en dvd zone 2 aux Editions France Télévisions
Vous parlez de la musique de "La leçon de piano" mais je ne trouve pas de billet sur ce film, et comme c'est mon film préféré des préférés, j'aimerais bien votre analyse !
RépondreSupprimerBien à vous,
Catherine
Et non effectivement je n'ai pas encore chroniqué ce film que j'aime beaucoup aussi un manque à remdier pour le blog. Bientôt j'espère !
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