Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 2 juin 2013

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Laurent Bouhnik (2003)


Au début du XXe siècle, dans un casino de la Riviera, Marie Collins-Brown, une femme irréprochable, va vivre avec Anton, un joueur incorrigible, les 24 heures les plus intenses de sa vie. En voulant le sauver, elle s'enchaîne à un démon. Vingt ans plus tard, cette même femme, qui s'était enfermée dans le silence, confie son secret à un adolescent révolté par la mauvaise conduite de sa mère. A l'aube du troisième millénaire, Louis, l'héritier du secret, est devenu un vieil homme désabusé qui ne pense plus qu'à sa fin prochaine. Il fait par hasard la rencontre d'Olivia, une jeune fille qui le déroute par sa beauté et sa vitalité.

Après deux premiers films durs et ancrés dans une certaine réalité (Zonzon en 1998 et 1999 Madeleine en 2000) Laurent Bouhnik opérait un spectaculaire changement de registre en s'attaquant au classique romanesque de Stefan Zweig. On est cependant loin de l'adaptation en costume guindée dans manière d'aborder le récit sur le scénario qu'il coécrit avec un Gilles Taurand plutôt aguerrit à cette fibre romanesque. Le court roman de Stefan Zweig narrait comment un scandale de mœurs (une femme quittant brusquement son mari pour un inconnu du jour au lendemain) amenait les confidences d'une vieille femme à un jeune homme qui avait osé défendre l'épouse indigne.

On plongeait ainsi à travers les pensées intimes de cette héroïne, son émotion passée et présente face à une courte et intense passion qui la marqua à vie. Bouhnik étend le champ du récit en ajoutant un épisode contemporain au roman de Zweig et surtout en changeant la nature du personnage principal. Le réalisateur nous implique plus émotionnellement en faisant du confident le fils de la femme adultère disparue et rend ainsi plus "logique" la façon qu'à cette dame de se livrer à lui.

Ce personnage devient notre guide à travers les époques et témoin de ses vingt-quatre heures qui virent le destin d'une femme basculer : l'héroïne malheureuse de Zweig, sa propre mère et la jeune fille incarnée par Bérénice Bejo à l'époque moderne où le jeune homme est à son tour devenu un vieillard incarné par Michel Serrault. Les trois époques se situent sur ces mêmes lieux de la Riviera avec sa plage et ses casinos, renforçant le mimétisme entre les époques.

Sur le papier c'est donc un parti pris très ambitieux et attrayant mais l'exécution pèche un peu. Si l'on ne s'attendait bien sûr pas à ce que la partie moderne égale l'intensité dramatique de l'intrigue de Zweig, là on tombe de haut tant l'ensemble est quelconque et presque vulgaire (le petit ami bas du front de Bérénice Bejo...). Les thématiques sont pourtant intéressantes (Serrault poursuivant le fantôme d'une histoire d'amour flamboyante qu'il n'a vécu que par procuration), l'énergie juvénile de Bérénice Bejo rafraîchissante tout comme la mélancolie de Serrault et une vraie atmoshère mélancolique se dégage. Mais le dilemme de cette partie moderne est trop anodin pour captiver et les prologues et épilogue sont assez poussifs et finalement pas très utile.

C'est d'autant plus dommage que quand Bouhnik s'attaque uniquement à l'intrigue du livre, il est vraiment inspiré. L'illustration stylisée du cadre de la Riviera est très réussie, entre la sophistication du décor du casino où se jouent des sentiments contradictoires et les extérieurs ensoleillés chargé d'une nostalgie et d'un romantisme qui ne demande qu'à s'épanouir. Agnès Jaoui est fabuleuse, son visage éteint progressivement ranimé pour la folie d'un homme et Bouhnik capture bien la naissance de cette passion par une belle transposition des instants les plus forts du livre tel cette longue observation des mains des joueurs compulsifs.

L'actrice retranscrit bien la passion qui s'ignore au cœur du livre où la narratrice cherche autant à sauver le joueur suicidaire qu'à s'abandonner dans ses bras, par la voix off et surtout par une scène d'amour intense en forme de combat pour la survie. Atout de taille, la bande originale de Michael Nyman est aussi flamboyante que celles mémorables de La Leçon de Piano et La Fin d'une liaison (1999). Le compositeur exprime avec autant de grâce la facette purement romantique que celle plus aérienne et complexe liant les époques, plus que les images en tout cas.

Tous les autres moments forts du roman (le serment à l'église puis la terrible disgrâce finale) sont superbement mis en image par Bouhnik vraiment inspiré pour magnifier la Belle Epoque. Finalement une adaptation qui aurait gagné à être plus littérale tant toutes les tentatives d'appropriations de Bouhnik échouent dans l'ensemble... Un film comme The Hours (2003) qui tentait le même pari avec le Mrs Dalloway de Virginia Woolf était bien plus réussi. Curieux de voir la version avec Danielle Darrieux réputée la meilleure.

Sorti en dvd zone 2 aux Editions  France Télévisions

2 commentaires:

  1. Vous parlez de la musique de "La leçon de piano" mais je ne trouve pas de billet sur ce film, et comme c'est mon film préféré des préférés, j'aimerais bien votre analyse !
    Bien à vous,
    Catherine

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    1. Et non effectivement je n'ai pas encore chroniqué ce film que j'aime beaucoup aussi un manque à remdier pour le blog. Bientôt j'espère !

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