Victim est un film
important pour le cinéma anglais puisqu’il est le premier à traiter ouvertement
(notamment en prononçant le mot tabou) d’homosexualité. La Grande-Bretagne resta
longtemps une des nations occidentale démocratiques les plus répressives envers
les homosexuels avec un passif plutôt
violent puisque le penchant était passible de peine de mort (jusqu’en 1836) puis
de prison au XIXe siècle avec comme victime emblématique Oscar Wilde. Au moment
de la production de Victim, ces lois
ont encore cours (bien que pas réellement appliquées par la police) et le
message du film tend à les dénoncer en évoquant les dérapages et drames qu’elles
peuvent susciter. Pour ce faire, le script intègre son propos à une authentique
ambiance de thriller et de film noir les « coupables »
d'homosexualité sont victimes de truands
sans scrupules ayant monté un business de chantage particulièrement bien
organisé.
Tous ne sont pas logés à la même enseigne, les plus riches
payent les sommes demandés et finissent par avoir la paix tandis que les plus
démunis subissent une épuisante pression les obligeant à dénoncer leur
semblables s’ils ne peuvent payer. C'est ce qui arrive à un ancien amant du
héros incarné par Dirk Bogarde qui pour le
protéger se suicide. Ce dernier se sentant coupable de ne pas avoir répondu à
ses appels au secours pour préserver sa réputation va alors remonter la piste
des maîtres chanteur. Dans un Londres cossu mais néanmoins inquiétant, Dearden
instaure une ambiance de paranoïa et de délation palpable, sentiment d'autant
plus appuyé lorsqu'on découvrira l'aspect en apparence inoffensif des auteurs
du chantage.
Le film surprend par sa façon frontale d'aborder
l'homosexualité, pas de scènes explicites évidemment mais les dialogues sont
clairs sont clair sur la chose dont il est question. Cette audace est néanmoins
atténué par le fait d’inscrire cette facette du héros comme une faute, une tare
issu d’un passé qu’il renie car désormais marié mais qu’il va devoir assumer au
fil de l’avancée de son enquête. Dearden use donc aussi de l’angle
culpabilisant déjà employé par William Wyler dans La Rumeur (sorti cette même année et abordant aussi le sujet) à travers la tragédie du personnage de Shirley MacLaine.
Si l’on peut en parler et dénoncer les abus, l’homosexualité demeure donc
encore une tare, une malédiction.
Cette facette se vérifie avec plus de force
encore par l’interprétation puissante de Dirk Bogarde. L’acteur fut la seule
star de premier plan à accepter sans hésitation parmi toutes celles auxquelles
fut proposées Victim. Homosexuel mais
aussi superstars et sex symbol national, l’acteur devait ainsi cloisonner sa
vie privée et s’afficher avec de magnifiques créatures féminines pour donner le
change de cette image de séducteur. La dimension autobiographique aura donc
forcément joué dans sa prestation. La prise de risque paiera puisque ce rôle (pour
lequel il recevra le BAFTA du meilleur acteur) l’ouvrira à des prestations plus
complexes par la suite notamment par sa collaboration avec Joseph Losey (The Servant, Pour l’exemple).
Déterminé
dans sa quête de vengeance mais tiraillé par ses pulsions contradictoires (et
les conséquences que pourraient avoir l'affaire sur son couple et sa carrière),
il éclabousse le film de son charisme. Hormis quelques moments parfois trop
appuyés (les tirades homophobes assez lourdement amenées pour appuyer le
message), l’ensemble offre un récit puissant, lucide et désespéré sur un
travers qui se verra corrigé en 1967 par le Sexual
Offences Act autorisant lune relation consentante entre hommes de plus de
21 ans. Nul doute que l’accueil positif du film témoin de l’ouverture de de l’opinion
sur la question aura aidé à contribuer à cette avancée.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez Carlton et doté de sous-titres anglais.
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