Dans la belle petite ville américaine
de Lumberton, en Caroline du Nord, M. Beaumont est victime d'une crise
cardiaque en arrosant son gazon. Son fils Jeffrey, rentrant chez lui
après une visite à son père malade, découvre une oreille humaine dans un
champ. Cette oreille, en décomposition, est couverte d'insectes.
Jeffrey amène immédiatement sa trouvaille à l’inspecteur Williams et
fait ainsi la connaissance de sa fille, la jolie Sandy.
Poussé par la
curiosité et un certain goût pour le mystère, Jeffrey va mener
l'enquête avec elle pour découvrir à qui appartient cette oreille et ce
que cache cette histoire macabre, derrière la façade apparemment
innocente de Lumberton. Cette investigation va le plonger dans le monde
étrange et sordide où évoluent, entre autres, Dorothy Vallens, une
chanteuse de cabaret psychologiquement fragile, et Frank Booth, un
dangereux psychopathe pervers.
Quatrième film de David Lynch,
Blue Velvet
est l'œuvre qui établit les canons de son style tel qu'on l'identifie
aujourd'hui et surtout celle où le réalisateur se trouve enfin. Le
cauchemardesque
Eraserhead
(1976) avait inauguré la veine étrange et surréaliste de Lynch, celle-ci
s'estompant (sorti de quelques scènes et du physique de son héros) dans
le plus classique
Elephant Man.
Cette belle ode humaniste semblait avoir noyé toute la bizarrerie de
Lynch, les fans de la première heure et certains critiques hurlant à la
trahison malgré l'accueil globalement positif et les nominations aux
Oscars. Le malentendu se poursuivrait avec
Dune (et son refus de diriger
Le Retour du Jedi)
avec un déséquilibre constant entre la fresque épique spatiale attendue
et les aspérités surprenante qu'y apporterait le réalisateur et qui
déconcerterait le public venu voir le nouveau
Star Wars.
Après cet échec retentissant, Lynch se recentre et surtout décide
d'arrêter de choisir. La dichotomie entre expérimental (
Eraserhead) et
classicisme (
Elephant Man) n'a
plus lieu d'être, Lynch réalisant désormais des films schizophrènes
croisant les constamment. Toutes les œuvres à suivre iraient ainsi par
deux : tonalité trash et histoire d'amour naïve et tout en candeur (
Sailor et Lula), différents niveau de réalité schizophrènes (
Lost Highway) ou fantasmé (
Mulholland Drive)
dans une esthétique mêlant élégance et fulgurances inédites. Fort de
cette maîtrise, il se montrerait bien plus convaincant en penchant
ouvertement vers la simplicité (
Une histoire vraie) que vers l'expérimentation pénible (Inland Empire de sinistre mémoire et son seul vrai mauvais film à ce jour).
Tout cela prend racine avec
Blue Velvet,
projet voulu plus modeste et personnel par Lynch. Le film est produit
par Dino de Laurentiis qui lui mena pourtant la vie dure sur
Dune mais
ce dernier toujours partant pour les tentatives aventureuses sera le
seul à accepter de financer le script dont les excès effrayèrent tous
les autres producteurs. Lynch instaure dès l'ouverture cette notion de
dualité qui courra tout au long du film. La bande son lance le suave
Blue Velvet
de Bobby Vinton tandis que défilent des chromos d'une Amérique
provinciale idéalisée, la photo immaculée de Frederick Elmes et l'usage
du ralenti donnant une tonalité rêvée onirique mais aussi de spot
publicitaire à l'ensemble.
Un incident domestique va pourtant ternir ce
beau tableau avec un Lynch quittant la réalité de la scène pour enfoncer
sa caméra dans le sous-sol où fourmillent les insectes. Du
scintillement de ce cadre trop parfait il visitera les profondeurs plus
désagréables semble-t-il nous dire. C'est dans ce même sol que Jeffrey
(Kyle MacLachlan) va trouver une oreille coupée qui, il ne le sait pas
encore, sera sa porte d'entrée à un monde de cauchemar.
L'intrigue de film noir est assez classique et attendue et seuls les
archétypes hypertrophiés qui en surgissent qui font l'intérêt de
l'ensemble. A nouveau tout es affaire de dualité. La jeune et blonde
Sandy (Laura Dern) qui va aider Jeffrey dans son enquête et nouer une
touchante et innocente romance avec lui, la chanteuse brune Dorothy
(Isabella Rossellini) entouré d'un parfum de stupre et mêlée au crime
qu'essaie d'élucider notre héros.
Sandy reflète la part lumineuse de
Jeffrey à travers la candeur dont se noue progressivement leur lien,
Lynch touchant à la pure grâce à deux reprises lors d'un dialogue sur
les rouge gorges puis plus tard lors d'une danse muette où à chaque fois
se fait entendre la mélopée instrumentale puis chantée (par Julee
Cruise) de
Mysteries of Love
sur le magnifique score d'Angelo Badalamenti (pour sa première
collaboration avec Lynch).
Dorothy réveille quant à elle les
bas-instinct de Jeffrey qui prétextant son enquête révèle sa nature de
voyeur, son attrait pour le sadomasochisme. Voguant ainsi entre l'envers
et l'endroit, l'ombre et la lumière, Jeffrey descendu suffisamment loin
dans les ténèbres va y croiser la route de vrais monstres.
Dennis Hopper relançait sa carrière et créait un incroyable personnage
de méchant avec Frank Booth. Toute la folie et cette fameuse dualité de
Blue Velvet
s'exprime à travers ses excès. Violemment dominateur mais en quête
d'affection maternelle, d’une brutalité physique et verbale inouïe mais
capable de révéler une étonnante fragilité (l'incroyable séquence où
Dean Stockwell mime le
In Dreams
de Roy Orbison), la virilité exacerbée dissimulant une possible
homosexualité (le rapport étrange à Dean Stockwell qu'il ne rudoie pas,
la scène où il se met du rouge à lèvres) Frank traverse le film de
manière imprévisible, à coups de poings et shoot d'oxygène.
C'est lors de la cauchemardesque odyssée nocturne avec lui que Jeffrey
comprendra que ce monde n'est pas pour lui. Si la résolution s'avère un
poil décevante après tout ce qui a précédé, le résultat est là. Lynch a
inventé un monde sans âge, contemporain et rétro (les voitures des
années 50 côtoyant les modèles récents, la photo de Montgomery Clift
dans la chambre de Laura Dern, les coiffures typiquement 50's des
personnages féminins) où la fascination pour le passé s'accompagne de
l'anxiété et la menace du présent dans un mélange unique. Il trouve ici
la formule magique qu'il triturera jusqu'à l'aboutissement de
Mulholland Drive en forme de quasi chant du cygne (?).
Sorti en dvd zone 2 chez MGM et récemment en blu-ray
ceci n'est pas un commentaire mais une suggestion :
RépondreSupprimerTHE STRAIGHT STORY de David Lynch est un
des films les plus émouvants jamais vus sur la réconciliation de deux frère. Le film ne sembla pas être connu et c'est une injustice. Ce film n'a rien de commun
avec les autres David Lynch.