Dans le beau cadre de la plage de
Noirmoutier un « ménage à trois », avec César, un parvenu hâbleur mais
généreux, David, un artiste effacé assez intellectuel qui se régale de
la vulnérabilité de son confident, et une Rosalie bovarienne, partagée
entre l'homme avec qui elle vit et son amour de jeunesse faisant
irruption dans sa vie, qui prend cette thérapie pour une connivence.
Claude Sautet prolongeait dans
César et Rosalie son exploration du couple amorcée dans le magnifique film de sa réinvention artistique,
Les Choses de la vie. On retrouve ici un triangle amoureux inversé par rapport aux
Choses de la vie où ce sont cette fois les hésitations d'une femme au milieu de deux hommes qui la vénèrent qui sera le moteur de l'intrigue.
César et Rosalie
se démarque également par son ton moins ouvertement dramatique mais
tout aussi touchant. Rosalie (Romy Schneider reprenant un rôle
initialement écrit pour Catherine Deneuve) est la compagne heureuse de
César (Yves Montand) mais l'équilibre du couple est brisé par le retour
de David (Sami Frey), amour de jeunesse qu'elle n'a pas revu depuis cinq
ans et qui ne l'a pas oublié.
Tout oppose les deux hommes et c'est bien
leur qualités et défauts complémentaires qui vont amener les va et
vient sentimentaux de Rosalie. César est un "homme du peuple", riche
entrepreneur qui s'est fait tout seul au tempérament sanguin et
possessif. David est un artiste, dessinateur de bd effacé et ténébreux.
La chaleur de César est un bienfait et une malédiction, protectrice et
étouffante à la fois. A l'inverse David est doux, attentionné mais
finalement trop distant. César poursuivrait Rosalie jusqu'au bout du
monde si elle disparaissait avec un autre, David au contraire
s'effacerait résigné sans moins l'en aimer pour autant.
Sautet
filme le quotidien lentement se déliter au fil des élans de Romy
Schneider de l'un à l'autre de ses prétendants. On admire ainsi les
remarquables interprétations d'Yves Montand et Sami Frey qui font de ses
archétypes (autant dans le caractère que l'origine sociale) des êtres
de chair et de sang. Montand, boule de nerfs incontrôlable et amant
généreux alterne ainsi numéros de charme et dérapages violents dévoilant
l'angoisse qui ronge cet homme sous son aisance. Sami Frey plus sobre
dissimule lui sous son masque froid une tout aussi grande agitation du
cœur et c'est par des regards tendres et discrets, des gestes simples
que s'exprimera sa passion.
Dans le même ordre d'idée les scènes
tendres ou de conflits des deux couples sont captés de manière
différente par Sautet. L'amour est sautillant et enlevé entre César et
Rosalie (l'ouverture sur les préparatifs du mariage) et les disputes un
véritable chaos de violence verbale et physique. Au contraire pas de
conflit entre Rosalie et David, les non-dits et ellipses amorçant la
séparation avant qu’ils surgissent par une fuite en avant de Sami Frey
et la relation amoureuse y est paisible radieuse et laissent les amants
s'oublier.
Le script de Sautet et Jean-Loup Dabadie prend des
détours étonnants qui vont justement bouleverser cette forme d'équilibre
du ménage à trois. D'abord rivaux, les deux amoureux vont comprendre
que l'objet de leur attention s'éteint à leur contact en l'absence de
l'autre. Si David abandonne bien vite la partie, César prendra les
choses en main pour le forcer à partager le quotidien de Rosalie.
L'opposition devient complémentarité voire complicité pour les deux
hommes où ces amours partagés révèlent le meilleur d'eux même. César
perdra de ses élans machos (la partie de poker en début de film) pour
être plus attentionné et sacrifier sa fierté en s'effaçant pour son
rival quand David se verra forcé à prendre enfin l'initiative.
C'est
finalement celle qui se nourrissait de cet interdit et de cette tension
qui sera la plus décontenancée, Rosalie. Romy Schneider humanise ainsi
enfin cette figure féminine séductrice et mystérieuse en lui instaurant à son tour le doute auquel elle a soumis "ses" hommes. L'actrice fait preuve
d'un naturel, d'une sensualité et magnétisme fascinant qui ne rendent
jamais antipathique ce personnage libre et s'abandonnant à ses penchants
du moment. C'est finalement d'elle que devra venir l'ultime chemin à
parcourir, le temps d'une sobre et touchante scène de retrouvailles
finale.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal
César et Rosalie... L'amitié inattendue de César et David... Le charme mélancolique de Romy Schneider... Le cinéma de Sautet a une place à part dans mon coeur cinéphile, et César et Rosalie y figure en tête. Beau texte, Justin.
RépondreSupprimer(un scène du film figure parmi l'un de mes billets "Pourquoi j'aime le cinéma" : http://limpossibleblogcine.blogspot.fr/2012/03/pourquoi-jaime-le-cinema-2.html )
Très joli billet, pour un film assez inoubliable...
RépondreSupprimerBelle liste David et sinon oui sublime conclusion, les regards de Montand et Frey vers Schneider l'arrivée sereine de celle-ci c'est magnifique ! Et génial ton anecdote sur "Charlie et ses drôles" de dame et "In the mood for love" ;-)
RépondreSupprimerMerci Justin^^
RépondreSupprimerC'est vrai que l'histoire de cette séance qui m'a fait découvrir presque par hasard "In the mood for love", elle est devenue emblématique dans mon modeste parcours de cinéphile^^