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vendredi 4 janvier 2019

Stray Cat Rock : Female Boss - Onna banchō nora-neko rokku, Yasuharu Hasebe (1970)


Shinjuku, Tokyo. Ako est une grande motarde androgyne. Avec son attitude de défiance et son casque qui cache son visage, elle est souvent prise pour un homme. Lorsqu’elle décide de s’allier avec Mei et son gang de filles, elles finissent par attirer un peu trop l’attention...

La criminalité féminine obéissant à une notion de groupe semblable au yakuza avait suscitée quelques productions éparses depuis la fin des années 50 au Japon. La série des Stray Cat Rock innove pourtant en inscrivant cela dans la délinquance féminine et plus précisément le mouvement Sukeban. Ce terme désigne les gangs de délinquantes japonaise et est au départ un décalque féminin des zoku, gangs de bikers japonais sous influence de la culture rock américaine des années 50 et de films tels que L’équipée sauvage ou Easy Rider avec leur look cuir et coiffure gominée. Les sukeban sauront pourtant s’en détacher avec des codes qui leur seront propre, vestimentaires mais aussi rituels à l’essor du mouvement dans les années 60/70. 

La série des Stray Cat Rock initiée par la Nikkatsu est donc la première  surfer sur le phénomène avec le film Female Boss produit en 1970. Le film est encore très sage comparée à la furie féministe et contestataire d’autres film sukeban à venir, notamment les brûlots produit par la Toei comme Terrifying Girls' High School: Lynch Law Classroom (1973) ou Delinquent Girl Boss: Worthless to Confess (1971) – auquel le récent Assassination Nation fait un joli clin d’œil d’ailleurs. Le film est également dénué de tous les codes esthétiques précédemment évoqués associé au sukeban. L’intérêt du récit est sa capture de l’idée de différence dans un Japon traditionnel. 

Cela passe dans un premier temps par un féminisme qui déconstruit la notion de genre. Lors de la scène d’ouverture, l’héroïne Ako (Akiko Wada) est prise pour un homme par le spectateur et une bande malfrat alors qu’elle trône fièrement sur sa moto. Cela se prolongera à l’identité sexuelle lorsqu’on devinera une attirance homosexuelle quand elle intégrera une bande de fille. Une différence concernera l’idée de mixité avec le personnage du boxeur Kelly (Ken Sanders) joué par un acteur métisse nippo-américain – sans parler de Akiko Wada d’origine coréenne, autre communauté particulièrement méprisée au Japon. Tout cela s’incarne dans un environnement psyché- pop symbolisé par le cadre de la boite de nuit, où s’agglutine toute une communauté hétéroclite aussi libre dans ses tenues vestimentaires, mœurs amoureuse (cette brève scène ou deux garçons androgynes se partagent la même fille consentante) et musique rock tapageuse. Le gang de fille symbolise toute cette liberté et va ainsi s’opposer à un groupe de yakuza qui est son parfait opposé. 

Alors que (en dépit de forte personnalités) les sukeban sont une entité sans réelle hiérarchie dans cet idéal libertaire, les grades sont clairement définis chez les yakuzas où chaque leader adversaire de nos héroïnes se verra à un moment donné rabaissé par un supérieur. La solidarité et la survie domine toute les initiatives des jeunes filles (volant au secours d’une camarade en péril quel que soit le danger) quand un individualisme et machisme guide les actions des hommes, avec en prime une pulsion de mort suicidaire typiquement japonaise – la lecture du code bushido lors d’une réunion d’aspirants yakuza, le personnage autodestructeur de Michio (Kōji Wada). 

L’intrigue policière finalement assez légère vaut donc moins que ce contexte passionnant, même si pas dénuée de quelques efficaces morceaux de bravoure comme cette poursuite urbaine rondement menée entre une moto et une voiture. Yasuharu Hasebe signe une mise en scène pop mais là encore assez sage par rapport à d’autres de ses travaux, mais l’on appréciera certaines fulgurances avec deux superbes splitscreens lors de scène de dialogues. Meiko Kaji pas encore en tête d’affiche crève cependant l’écran dans un rôle secondaire. 

On ne voit qu’elle à chaque apparition, débordant de charisme et dans un emploi un peu plus fragile et romanesque que les rôles qui feront sa gloire (La Femme Scorpion et Lady Snowblood). La Nikkatsu ne s’y trompera pas puisque dès le deuxième volet Stray Cat Rock : Wild Jumbo, ce sera elle l’héroïne et ceux pour les 4 autres opus de la saga. Belle photographie de la jeunesse japonaise 70’s.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Bach Films

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