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dimanche 27 septembre 2020

Il Moralista - Giorgio Bianchi (1959)


Agostino est secrétaire de l'Office International de la Moralité. Austère et particulièrement sévère, il se distingue publiquement par sa rigueur implacable en matière de censure de l'affichage cinématographique et dans la levée des sanctions à l'égard des boîtes de nuit. En réalité, c'est aussi un fournisseur privé de belles-de-nuit pour les plus florissants cabarets de Rome.

Il moralista s'inscrit dans l'archétype de rôles chers à Alberto Sordi où il promène son personnage au sein de films où concrètement il incarne toutes une gamme de profession mise à mal par son tempérament farfelu. Et symboliquement Sordi y illustre toutes sortes de petites tares humaines ordinaires poussées dans leurs derniers retranchements comiques à travers sa personnalité haute en couleur. Dans les plus grandes réussites, Sordi trouve l'équilibre idéal entre ridicule magnifique et fêlures psychologique donnant une profondeur tragique à ses interprétations dans Une vie difficile de Dino Risi (1959), La Grande Guerre de Mario Monicelli (1959), Il Boom de Vittorio de Sica (1961), Mafioso d'Alberto Lattuada (1962) ou encore Détenu en attente de jugement de Nanny Loy (1970). Dans la seconde catégorie les films sont surtout des véhicules pour laisser Sordi faire son numéro, ce qui peut donner aussi des spectacles tout à fait plaisant mais sans ce supplément d'âme comme Le Veuf de Dino Risi (1959) ou L'Agent de Luigi Zampa (1960). C'est plutôt là que se situe Il moralista où Sordi incarne un chantre de la morale qui va bien évidemment montrer quelques failles.
 
Agostino est le très rigide secrétaire de l'Office International de la Moralité, dégainant la censure plus vite que son ombre pour toute une société de divertissement en pleine émancipation. On s'amuse de son stoïcisme face à la tentation, qu'elle soit pécuniaire lors des tentatives de corruptions des notables, ou sexuelle face à une actrice tentant de lever la censure de son film. Sordi provoque l'hilarité par le décalage entre sa raideur physique, la flamme de son discours moralisateur et le grain de malice dissimulé dans son regard qui entrouvre la porte à plus de frivolité. 
 
Dommage que le récit se perde un peu avec les sous-intrigues liées au personnage de Vittorio De Sica, président de l'Office et moins gêné par le démon de midi, ainsi que sa fille Franca Valeri plus ouverte à la modernité après un séjour à l'étranger. Ce n'est guère passionnant d'autant que De Sica se montre étonnamment sobre quand sa propension au cabotinage aurait été bienvenue au vu de certaines situations. Quant à Franca Valeri en général elle est plus convaincante justement en contrepoint austère à des personnages loufoques (comme dans Le Veuf de Risi justement) mais il lui manque ce petit allant désinvolte pour vraiment faire exister cette jeune fille moderne et espiègle.

Reste donc un Sordi grandiose qui nous plie parfois par la seule expressivité, à la fois subtile et outrancière, de son visage. La scène où il visite un club de striptease est grandiose, la béatitude perverse prenant progressivement le pas sur le masque moralisateur. Plutôt que de creuser ce sillon de la pulsion charnelle qui surmonte l'intellect puritain, le film va malheureusement chercher une explication dans le passé d'Agostino qui justifie son comportement. Sa résistance ne tient qu'au fait qu'il ait fait bien pire autrefois et gâche un peu le comique du film fonctionnant avant tout sur le grand écart du ressenti et du paraître. On passera donc un moment sympathique mais c'est un Sordi de plus à défaut d'un grand film.

Disponible sur Amazon Prime

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