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mardi 27 juin 2023

Indiana Jones et la Dernière Croisade - Indiana Jones and the Last Crusade, Steven Spielberg (1989)

En 1912 dans l'Utah, Indiana Jones, adolescent, surprend des pilleurs de trésors archéologiques avant d'être poursuivi par les trafiquants. 26 ans plus tard, Jones apprend que son père, le professeur Henry Jones, parti à la recherche du Saint Graal, a disparu et il se rend alors à Venise où son père a été vu pour la dernière fois.

Indiana Jones et le Temple Maudit (1984) avait remporté un succès commercial comparable à Les Aventuriers de l’Arche Perdue (1981) mais avait suscité la controverse par sa noirceur et violence. Il va donc y avoir un certain tâtonnement quant à la direction à donner sur ce troisième film. On envisage une quête de la fontaine de jouvence, un récit de maison hanté, une aventure s’inspirant de la légende du Roi Singe, mais toutes les idées et scénarios sont rejetés par Steven Spielberg. Le réalisateur se trouve depuis quelques années à un tournant. Il a atteint avec Le Temple Maudit le pinacle de son talent d’entertainer et cherche désormais à s’attaquer à des sujets plus sérieux avec des œuvres comme La Couleur pourpre (1985), Empire du Soleil (1987)… Il a perdu la flamme du pur divertissement qu’il délègue désormais à ses disciples surdoués en tant que producteur via sa société Amblin (Gremlins de Joe Dante (1984), la trilogie Retour ver le futur de Robert Zemeckis (1985, 1989, 1990), Qui veut la peau de Roger Rabbit de Robert Zemeckis (1988)) et ses tentatives d’y revenir donnent les échecs de Always (1989), Hook (1991) et un Jurassic Park (1993) brillamment exécuté mais là encore dénué de l’émotion de l’âge d’or du réalisateur sur ce registre du merveilleux.

Désormais marié et père de famille, Spielberg aspire à une implication autre que le seul grand spectacle dans ses films (même si en fait il y est largement parvenu dans Rencontre du Troisième Type (1977) et E.T. (1982). Ce qui va le reconnecter à ce troisième Indiana Jones, c’est l’idée d’explorer la relation d’Indy à son père, ce qui va permettre de reprendre une des premières idées abandonnées qui était la quête du graal. A cette période Spielberg rejette aussi les penchants sombres qu’il a laissé voir dans Le Temple Maudit et tout dans ce nouveau film tend à retrouver la magie du premier opus. Le Graal est un MacGuffin religieux dans la lignée de l’arche de l’alliance mais moins original (l’artefact du Nouveau testament remplace celui de l’Ancien), on fait revenir les seconds rôles attachants du premier film (Marcus (Denholm Elliott) et Salah (John Rhys-Davies) ainsi que les antagonistes nazis.

Tout le film fonctionne en mimétisme de Les Aventuriers de l’Arche Perdue, parfois au plan près (l’arrivée de Marcus dans la classe que donne Indy) ou du moins dans les situations, la découverte de la tombe du chevalier dans la bibliothèque renvoyant totalement à celle du puits des âmes dans le premier film. Le sujet intéressant davantage ici Spielberg que le grand spectacle par rapport au premier volet, l’exécution pèche franchement après les visions incroyables d’Indiana Jones et le Temple Maudit. Les morceaux de bravoures sont peu originaux et mollassons dans l’exécution (la poursuite en side-car, celle à cheval et tank), certains effets spéciaux étonnamment bâclés (les incrustations bien visibles dans la bataille d’avion, loin de la minutie de celle de la poursuite en chariot de mines du Temple Maudit) et certains décors font vraiment petit bras (l’antre du graal assez quelconque) après la magie et le gigantisme de ceux des films précédents. Le spectacle est agréable mais on est loin de la sidération et du sentiment de jamais vu des deux films précédents.

Le rapport au père par son absence (E.T.) ou son instabilité (Rencontre du Troisième Type) est un élément fondamental chez Spielberg qui l’abordera de manière frontale et autobiographique dans le récent The Fabelmans (2022). Les contours de grand héros infaillible d’Indiana Jones étaient mis à mal afin de l’humaniser en tant qu’amant maladroit avec Marion dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue, et en tant que modèle et père de substitution avec Demi-lune dans Le Temple Maudit. Il en va de même ici mais cette fois en tant que fils mal-aimé et Spielberg désamorce chaque haut fait arrogant de son héros par ce rapport complexé à son père (Sean Connery). C’est le cas dès la scène d’ouverture où on le découvre jeune et déjà intrépide (interprété par le regretté River Phoenix qui jouait le fils d’Harrison Ford dans le formidable Mosquito Coast (1986), le clou de la séquence étant Indy ramené à son respect de petit garçon après avoir affronté mille dangers.

C’est une belle entrée en matière même s’il est un peu artificiel d’attribuer tous les attributs d’Indy (le chapeau, le fouet, la tenue, la phobie des serpents) à ce seul moment. Par la suite toute la dynamique émotionnelle et comique tient à cette relation contrariée, que ce soit par le dialogue (Henry Jones reprochant à Indy d’avoir amené son carnet chez les nazis) ou les situations (les sourires de satisfactions d’Indy durant la poursuite en side-car éteints par la placidité de son père face à ses exploits), développant dans l’action la froideur du père et le sentiment de rejet du fils, soit les maux qui grippent leur relation. Sean Connery (qui d’autre que James Bond pour jouer le père d’Indy), qui n’avait que 12 ans de différence avec Harrison Ford confère au personnage une bonhomie, chaleur et excentricité qui le rendent inoubliable. On sent l’affection sous la froideur de façade et l’acteur oublie ses rôles héroïques passées (sauf le côté séducteur voir le triangle amoureux avec Alison Doody, figure féminine intéressante après les errements du film précédent) pour caractériser Henry Jones comme l’intellectuel maladroit et hors de son élément dans l’action, marqueur comique mais aussi une manière d’expliquer la façon dont Indy a voulu s’en détacher, tout en suivant ses traces en choisissant aussi le métier d’archéologue.

Cette relation est vraiment le pivot du film, mais a pour problème de davantage faire de La Dernière Croisade une comédie d’action plutôt qu’un film d’aventures. Nombres de situations sont évacuées par un gros gag qui ôte tout frisson et sentiment de danger, d’ailleurs les effets horrifiques si marquants des précédents films sont aux abonnés absents, même pour le vieillissement accéléré provoqué dans l’antre du graal. Tout tient vraiment au duo Connery/Ford pour faire naître l’émotion (magnifique Connery lorsqu’il pense Indy mort dans la chute du tank, ou l'autorité bienveillante finale pour le faire renoncer au graal) mais cela n’est pas transcendé par l’image comme cela pouvait être le cas dans les précédents (toute l’émotion et la jubilation à voir Indy reprendre ses esprits dans Le Temple Maudit tient à la chape de plomb qui a précédé, ce genre de rupture de ton n’existe pas ici). La saga quitte donc les années 80 sur une note conventionnelle, rassurante mais sans la fièvre d’antan. 


 Sorti en bluray chez Paramount

 
 

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