1936. Parti à la recherche d'une idole sacrée en pleine jungle péruvienne, l'aventurier Indiana Jones échappe de justesse à une embuscade tendue par son plus coriace adversaire : le Français René Belloq. Revenu à la vie civile à son poste de professeur universitaire d'archéologie, il est mandaté par les services secrets et par son ami Marcus Brody, conservateur du National Museum de Washington, pour mettre la main sur le Médaillon de Râ, en possession de son ancienne amante Marion Ravenwood, désormais tenancière d'un bar au Tibet. Cet artefact égyptien serait en effet un premier pas sur le chemin de l'Arche d'Alliance, celle-là même où Moïse conserva les Dix Commandements. Une pièce historique aux pouvoirs inimaginables dont Hitler cherche à s'emparer...
Parmi le groupe de jeunes loups ambitieux du Nouvel Hollywood (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Brian de Palma, William Friedkin…) George Lucas et Steven Spielberg ont sut immédiatement se reconnaître à travers leur goût et influences communes. Leur amitié sera entérinée lorsque George Lucas projettera un premier montage non finalisé de La Guerre des Etoiles (1977) au groupe d’amis, comme ils en avaient tous l’habitude pour leurs films respectifs. L’ensemble se montre circonspect, voire virulent (notamment un Brian de Palma impitoyable) et seul Steven Spielberg saura repérer le potentiel du bientôt fameux space opera et prendra Lucas à part pour lui prédire un immense succès. Les deux partent en vacances ensemble le week-end de sortie du film, et les retours positifs du box-office les incitent à se confier sur leurs projets rêvés respectif. Spielberg souhaite ainsi réaliser un James Bond mais est freiné par la volonté des producteurs d’uniquement engager des réalisateurs britanniques (et plus malléables).
Lucas lui dit qu’il dispose de l’idée qui lui permettra de créer un héros tout aussi iconique. Quelques années plus tôt, dans la continuité de son virage populaire de American Graffiti (1973), Lucas souhaitait réintroduire sur le grand écran et avec des moyens les grands serials qui l’émerveillaient enfin. Hésitant entre la SF et le film d’aventures, il opte pour le premier avec Star Wars et confie l’écriture du second au scénariste Philip Kaufman qui va poser quelques bases essentielles comme le McGuffin de l’arche de l’alliance et de toute la mystique qui l’entoure. Kaufman abandonne le projet lorsque Clint Eastwood lui donnera l’occasion de réaliser Josey Wales hors-la-loi (1976) et le dépit de Steven Spielberg donne donc l’occasion à Lucas de le réactiver. Lawrence Kasdan s’attèle à un scénario où il doit mêler sa verve, la moisson d’idées formelles de Lucas et Spielberg, et tailler un personnage à la mesure d’Harrison Ford choisit après le retrait de Tom Selleck contraint de jeter l’éponge car engagé sur la série tv Magnum. Les Aventuriers de l’Arche perdue est un film fondamental dans la méthodologie de travail de Steven Spielberg. Le jeune wonderboy avait joué avec le feu sur Les Dents de la mer (1975) dont les dépassements de budget seront oubliés grâce au succès du film, tout comme dans Rencontre du troisième type (1977) où son ambition fera sévèrement déborder la note mais là encore compensée par le triomphe au box-office. Le réalisateur devient du coup incontrôlable lors du tournage de la farce 1941 (1979) qui cette fois sera un échec. Spielberg a donc désormais la réputation d’un dépensier ne tenant pas ses délais dans un Hollywood fraîchement traumatisé par le gouffre financier de La Porte du Paradis de Michael Cimino qui provoquera la chute du studio United Artist. George Lucas parvient à convaincre Paramount que Spielberg se montrera rigoureux, le studio accordant un budget relativement serré pour ce type de production et soumettant Spielberg à des impératifs humiliants au vu de ses succès passés. C’est un mal pour un bien qui posera la méthodologie du réalisateur désormais minutieusement préparé en amont à toutes les étapes (la construction d’immense maquette simplement pour anticiper tous les angles de prises de vues durant le tournage), et dont la célérité et le respect des budgets seront désormais le sacerdoce (notamment cette incroyable période du début des années 90, puis début des années 2000 où il sort quasi deux films par an). A l’écran cela donne un véritable miracle de cinéma d’aventures, habilement équilibré entre recettes d’antan et approche novatrice. La légendaire séquence d’ouverture joue justement sur ce côté serial par les embûches que doit traverser Indiana Jones dans un temple, mais avec des moyens et une virtuosité sidérante où Spielberg anticipe les codes du jeu vidéo de plateforme dans la progression d’Indy et le surgissement des pièges. Il crée un climat de tension par un montage millimétré où l’anxiété des protagonistes se conjugue l’exotisme macabre du décor imprévisible. Cela donne une couleur à la fois adulte et adolescente qui rend le spectacle haletant, l’implication étant renforcée par le magnétisme de Harrison Ford dont Spielberg introduit progressivement la silhouette, puis le visage pour le révéler pleinement dans toute son aura héroïque et iconique. Là aussi le look du héros va piocher dans le passé en empruntant au Humphrey Bogart de Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston (1948). Ford évite pourtant de rendre son héros trop monolithique, travaillant au contraire attitudes bougonnes, rigolardes et spontanées qui ne créent pas de distance mais au contraire une complicité au cœur de l’action – la petite moue de satisfaction quand il pense éviter de tomber dans une trappe, plus tard le détachement désamorçant l’action lorsqu’il abat un antagoniste munit d’un sabre. Ce sens du timing est une rigueur sans faille tout au long du film et ne concerne pas que l’action. Lawrence Kasdan introduit tout un aspect piquant inspiré du meilleur de la screwball comedy des années 30/40 (Howard Hawks, Preston Sturges…) pour la tumultueuse relation entre Indy et Marion (Karen Allen). Cette dernière est certes souvent la demoiselle en détresse, mais a du chien dans alliance de charme et de caractère ombrageux qui lui font transcender l’archétype. Chaque élément de caractérisation de Marion n’est pas juste là pour surligner sa force de caractère, mais fait sens dans le récit (sa résistance à l’alcool dans sa première scène qui lui servira plus tard. Il en va de même sur plusieurs motifs narratifs et formels qui bénéficient d’un pay off plus tard après avoir été assimilé par le spectateur. L’ombre d’Indy se dessinant sur le mur lors des retrouvailles avec Marion est là pour être contrebalancé par l’effroi de voir l’ombre d’un affreux officier nazi sur ce même mur quelques instants plus tard. Tout le questionnement et la dualité qui font de Belloq (Paul Freeman) et Indy le revers d’une même pièce dans leur sacerdoce d’archéologue traverse leurs échanges, la curiosité pour la quête d’artefacts les réunissant, les moyens et la finalité pour y parvenir (l’alliance avec les nazis de Belloq) les opposant. Une des dernières scènes plaçant Indy face à un dilemme moral est ainsi parfaitement logique quant au choix de notre héros.Les critiques français signalèrent à Spielberg les liens entre sont approche formelle et la ligne claire d’Hergé sur ses albums de Tintin. C’est de là que naîtra l’intérêt du réalisateur pour Tintin qu’il adaptera bien plus tard, mais effectivement la familiarité frappe - et vient sans doute indirectement de L'Homme de Rio de Philippe de Broca que Spielberg admirait - sur plusieurs scènes. La séquence d’ouverture ravive les souvenirs de Les Cigares du pharaon et Tintin et le temple du soleil, mais c’est vraiment la poursuite et la chasse au panier en plein Caire qui nous replonge en plein Le Crabe aux pinces d’or – Coke en stock n’est pas loin non plus durant le passage avec les pirates. Le découpage, le jeu sur les lignes de fuite des ruelles, le rythme font que l’on voit presque les bulles lorsque Marion appelle Indy à l’aide emportée dans son panier tandis que ce dernier la cherche des yeux. La jubilation du sale gosse qui s'amuse est palpable dans ce côté bd décalé (le nazi se fabriquant un cintre qu'on pense être un instrument de torture), notamment dans le fait que Spielberg n'a pas encore ce rapport grave et responsable à sa judéité avec la nature de son MacGuffin.Le film mélange habilement imagerie à l’ancienne - et un léger colonialisme discutable - du cinéma d’aventures (où transparaît l’amour de Spielberg pour l’œuvre de David Lean tel ce moment où Indy dirige les fouilles sur fond de coucher de soleil) avec la nervosité et pyrotechnie du blockbuster moderne qu’invente alors Spielberg avec George Lucas. Les plans d’ensemble majestueux sont phagocytés avec plus ou moins de discrétion de multiples effets visuels (le ciel changeant avant l’entrée dans le Puits des âmes) et trucages optiques, les bagarres et cavalcades baignent dans l’écrin solaire de la photo de Douglas Slocombe. Spielberg assume le factice amusé de série B et l’ampleur de la série A, le lien se faisant avec l’époustouflant score de John Williams brillant dans l’évocation du mystère de l’arche de l’alliance, le romantisme vache du couple Indy/Marion et la célébration des exploits de notre héros dans l’inoubliable marche que forme son thème principal. Le spectacle est total, haletant, drôle, terrifiant (le carnage gore de l’ouverture de l’arche très osé pour un film grand public, mais le second volet ira plus loin encore) et constitue un véritable idéal de cinéma populaire à grand spectacle. Le film sera un immense succès, lançant une des franchises et un des héros les plus populaires de l’histoire du cinéma, Les Aventuriers de l’Arche perdue étant le plus équilibré de la série.
Sorti en bluray chez Paramount
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