Noel a du mal à accepter le remariage de son père avec Agnes et l’arrivée de sa demi-sœur par alliance, Melody. Les deux grandissent en se vouant une haine féroce. À la mort de leurs parents, Noel devient le tuteur légal de Melody, au grand désespoir de cette dernière. Plus tard, chacun désormais marié de son côté, les deux se retrouvent en tant que partenaires commerciaux et vont finir par se rapprocher…
Après les deux œuvres sombres et à la charge politisée virulentes que sont Kisapmata (1981) et Batch’81 (1982), Mike de Leon renoue dans Le Paradis ne se partage pas avec un cinéma populaire plus accessible – le film sera son plus gros succès commercial. On renoue ici avec l’approche de C’était un rêve (1977), le côté roman-photo juvénile de ce dernier laissant place au soap opera chargé en rebondissements. C’était un rêve assumait cependant une candeur suranné transcendée par sa beauté formelle et un sous-texte intéressant dans un équilibre que n’atteint pas Le Paradis ne se partage pas. Une fois posé l’antagonisme masquant l’amour que se portent Noel (Christopher de Leon) et Melody (Lorna Talentino), tout le récit n’est qu’une suite répétitive de malentendus et d’incompréhensions qui les empêchera de se rapprocher. Seuls l’ampleur, les enjeux et les conséquences changent en passant des chamailleries d’enfants à la rébellion adolescente puis enfin les problèmes de couples et les conflits financiers de la dernière partie.
Le meilleur du cinéma hollywoodien l’a prouvé, l’excès et la démesure ne sont pas incompatibles avec le mélodrame flamboyant (Le Secret Magnifique ou Ecrit sur du vent de Douglas Sirk en tête pour citer ses mélos le plus too much) mais il faut que cette démarche s’inscrive dans l’ensemble du projet formel du film. C’était le cas dans C’était un rêve, tout naïf et simpliste qu’il était, mais ici on est plus proche du feuilleton télévisé des années 80 ou de la télénovela que du grand mélo. Plusieurs dialogues à la fin du film affirment que le destin pousse irrésistiblement Noel et Melody l’un vers l’autre malgré leurs disputes, mais cet aspect n’est jamais posé par une hauteur qui dépasserai l’articulation trop terre à terre des évènements. Le schéma est simpliste, Noel ou Melody ont chacun leur tour le mot ou l’attitude néfaste de trop, ne sont jamais synchrone dans leur volonté de faire un pas vers l’autre et finissent pas en faire payer le prix à leur entourage, parents puis compagnons. Cela ne passe que pas le dialogue, des montages alternés laborieux et des rebondissements poussifs sans que la forme vienne les magnifier et emmener ailleurs que les enjeux initiaux.Lorsque la bascule se fait enfin et que les personnages daignent s’avouer leurs sentiments, c’est davantage dû au stade avancé de l’histoire (qu’il faut bien conclure) que d’une vraie évolution observée chez eux. Il y a cependant des éléments intéressants dans le traitement des rapports hommes/femmes aux Philippines. Noel enfant est perdu par son immaturité et le modèle familial imposé par son père qui devient le protecteur de Melody et sa mère, simples intruses profiteuses pour lui. L’incapacité à avouer des sentiments que l’on a compris chez lui passe par la violence physique et verbale, un autoritarisme plutôt qu’une simple timidité maladroite. C’est un modèle qui se prolonge et se grippe dans les autres couples du film au sein d’une société des années 80 où la femme semble plus émancipée. Melody est étouffée par Ronald (Edu Manzano), fiancé insistant puis mari tyrannique qui ira jusqu’au viol conjugal. Elle est pourtant d’un tempérament plus vindicatif que Cynthia (Dina Bonnevie), petite amie puis épouse délaissée de Noel qui recherche au contraire l’amour d’un homme dans la soumission. L’évolution de ces deux héroïnes qui assument leur amour par un paradoxal éloignement de l’objet de leur affection représente donc un élément sociétal plutôt bien vu même si amené par des péripéties poussives. L’équilibre entre message et genre a été bien mieux tenu dans des œuvres précédentes de Mike de Leon, dans le registre fantastique, romanesque, angoissant ou parodique, mais ici l’intérêt est assez difficile à maintenir dans cette fresque trop proprette – le casting juvénile très photogénique en tête.Sorti en bluray chez Carlotta
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire