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dimanche 18 juin 2023

Batch 81 - Ako, Mike de Leon (1982)


 Pour intégrer la fraternité étudiante philippine Alpha Kappa Omega, huit jeunes hommes doivent surmonter un rituel initiatique particulièrement violent qui s’étend sur plusieurs mois : humiliations en tous genres, actes de torture et bizutage quotidien…

 Batch 81 est pour Mike de Leon le revers de la même pièce avec le glaçant Kisapmata sorti à quelques mois d'écart. D’ailleurs si Kisapmata eut le premier l’honneur de trouver le chemin des salles de cinéma, il fut en fait tourné après Batch 81 et, du propre aveu de Mike de Leon, l’âpreté de ce dernier à débordé sur Kispmata au thème voisin. Kisapmata proposait une allégorie de la dictature philippine dans un cercle familial où la tyrannie d’un patriarche imposait une atmosphère de cauchemar glaçante. Le film partait de la sphère intime pour dépeindre des mécanismes d’autoritarisme et de soumission, Batch 81 a la même réflexion mais cette fois à travers la sphère sociale et collective. 

Le cadre d’une université et le microcosme d’une fraternité étudiante va servir la démonstration d’un processus d’aliénation. Huit jeunes hommes intègrent la fraternité « Alpha Kappa Omega » où le bizutage ne sera pas un éphémère et potache rite de passage, mais un long chemin de croix qui vise à les briser en tant qu’individu. On devine en creux les raisons qui poussent certains d’entre eux à accepter ce traitement. Les plus solitaires et timorés y voient enfin la possibilité d’intégrer un collectif, d’autres conscients des ramifications de la fraternité y devinent un tremplin relationnel pour la suite, les plus nantis y ressentent une exaltation dans la souffrance qui les sort de leur zone de confort. Mike de Leon lorsqu’il filme les sévices endurés par le groupe alterne constamment le point de vue collectif et individuel, notamment dans la scène où ils sont forcés à se déshabiller. En s’attardant sur un visage ou un détail trivial (le slip troué de l’un d’entre eux), le réalisateur les distingue en tant qu’individu tout en les effaçant lors des plans d’ensemble où ils sont alignés. 

Le travail méticuleux des tortionnaires est par les tourments physiques et psychologiques de contraindre les victimes à un esprit de corps, d’abord entre eux, puis au service de la fraternité et certainement en définitive en allégeance du gouvernement totalitaire. Les racines bourgeoises, militaires et politiques de la fratrie se révèlent insidieusement par le dialogue quand on apprend que certains étudiant ont été poussés par leurs parents à l’intégrer, et la tournure de certaines épreuves laissent peu la part au doute – la question sur la loi martiale lors de l’interrogatoire « à haute tension ». L’objectif est d’instaurer un climat d’assujettissement presque sadomasochiste, les réfractaires qui se dérobent n’étant pas ramenés dans le groupe par les chefs de la fratrie, mais bien par d’autres bizuts. 

Mike de Leon nous fait d’ailleurs adopter le point de vue de Sid (Mark Gil), le plus déterminé d’entre eux et le plus enclin à reproduire ce schéma dominant/dominés parmi les aspirants. Ce protagoniste par son milieu aisé et ses attitudes est le plus enclin à teinter le film d’ambiguïté. Lors d’une des rares fois où le groupe fait front pour libérer un camarade d’une nouvelle torture (qui s’avérera simulée), il est le seul en retrait et celui qui aurait laissé son ami périr. Les graines d’un virilisme n’existant que par l’écrasement de l’autre s’incarne par Sid, qui n’accepte les brimades que dans la perspective exaltante de parvenir à tourmenteur à son tour – ce que soulignera la conclusion. Même les manifestations d’excentricité au premier abord plus libertaires relèvent d’un attrait pour les régimes autoritaire, avec ce spectacle de fin d’années reprenant une imagerie nazie festive.

Toute la dimension de simulacre et de jeu des maux subis par le groupe n’est qu’une préparation à ce que l’on attend deux quand les vrais actes d’appartenance à la fraternité seront réclamés. Mike de Leon jongle sur ces deux aspects avec le décalage de la rixe finale sanglante où la bande-originale synthétique de Lorrie Ilustre prends des airs guillerets et enfantins. Batch 81 est une variation selon des ressorts différents de Kisapmata de l’idée d’instauration des mécanismes du fascisme. Si l’on peut préférer le crescendo et la veine dramatique de Kispmata à la démonstration clinique de Batch 81, ce dernier n’en demeure pas moins une réussite éclatante.

Sorti en bluray chez Carlotta

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