Clément et Anne forment un couple élégant et aisé. Sujet à la jalousie, Clément fréquente Serge, chef d'un groupuscule d'extrême droite. Les deux complices préparent un attentat au bazooka pour tuer un député d’opposition. Or, celui-ci réapparaît : il avait placé un mannequin à sa place habituelle sur les conseils d’appels anonymes. Clément ne tarde pas à découvrir la vérité : il a été trahi par Serge. Recherché par la police, Clément est parti se cacher avec Anne dans la maison de campagne de Paul, un vieil ami imprimeur.
Le Combat dans l’île s’inscrit dans la première phase plus « classique » de la filmographie d’Alain Cavalier, précédant le virage plus libre et improvisé des seventies, plus la veine plus austère entre documentaire et expérimental qu’il adopte désormais. L’opportunité de ce premier film est rendue possible pas son ami Louis Malle dont il fut l’assistant sur Ascenseur pour l’échafaud (1958) et Les Amants (1958) après ses études à l’Idhec. Malle permet l’engagement des deux stars Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider (qui y voit l’opportunité d’effriter l’image de Sissi) tandis que que d’autres amis viennent prêter main forte comme Jean-Paul Rappenau aux dialogues.
Le scénario s’avère audacieux pour l’époque en évoquant la Guerre d’Algérie et la montée de groupuscules d’extrême droite, puisqu’on reconnaît facilement l’OAS même si pas nommé dans la milice qu’intègre le personnage de Clément. Le film brasse habilement plusieurs questionnements. Il y a celui du triangle amoureux et finalement politique où l’inconsistante (et dépolitisée) Anne et son âme bohème oscillant entre la noirceur possessive de Clément et la douceur de Paul (Henri Serre). L’environnement oppressant et urbain correspond à la nature tourmentée, violente et influençable de Clément et ses penchants droitiers, quand la paisibilité rurale et l’existence calme de Paul reflète ses convictions de gauche, appuyée par le côté artisan et cultivé de son métier d’imprimeur.La tonalité de thriller purement anxiogène alterne ainsi avec des atmosphères plus romantiques et pastorales, Anne en passant d’un homme à un autre reflétant aussi dans ses amours l’interrogation d’une frange des Français. Paul et Clément ont tout deux fait leurs classes durant la Guerre d’Algérie mais en ressortent malgré leur amitié avec des opinions politiques diamétralement opposées. Alain Cavalier transcende cependant ce seul fond engagé par la prestation fascinante de Jean-Louis Trintignant. Ce dernier incarne un véritable homme-enfant tourmenté, propre à suivre au-delà même de l’idéologie la voie viriliste qui masquerait l’être faible de caractère qu’il est en définitive. Trahi et manipulé par le mentor l’ayant conduit à réaliser un attentat, il doit constamment se trouver un antagoniste, une entité ou un rival face auquel s’affirmer. La rébellion initiale face à sa famille bourgeoise semble timorée avant le déclic que provoquera la saisissante scène d’attente, et qui l’entraîne désormais dans une spirale de violence. Trintignant est incroyable, parvenant à être intimidant, fragile et même émouvant dans cet être perdu.La première partie avec ses ruptures de ton narratives (cette voix-off qui vient commenter de façon littéraire les évènements) et stylistiques est la plus surprenante, tandis que la seconde fait planer une menace inéluctable autour de son atmosphère bucolique et romantique. Une première œuvre prometteuse et annonciatrice d’une filmographie singulière.Sorti en bluray chez Gaumont
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