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jeudi 16 décembre 2010

Duel au Soleil - Duel in the Sun, King Vidor (1946)


Scott Chavez est condamné à la pendaison pour avoir assassiné sa femme, Indienne, qui multipliait les aventures extra-conjugales. Avant de mourir, il confie sa fille, Pearl, à une ancienne amie, Laura Belle McCanles, installée dans un ranch texan avec son mari, Jackson, sénateur infirme, et ses deux fils, Jesse et Lewt. Pearl est fort mal accueillie par le père, mais plaît immédiatement aux deux frères. Jesse, un gentleman, garde ses sentiments pour lui alors que son cadet Lewt, un voyou sans scrupules, cherche aussitôt à séduire la jeune fille. 

Après le tournage tumultueux suivi du triomphe critique et commercial que l’on sait avec Autant en emporte le vent, David O’ Selznick décide de s’accorder un à peu de repos après le chantier que constitua cette œuvre pharaonique. Après avoir supervisé le Rebecca de Hitchcock en 1940, il faudra attendre 4 ans pour le voir revenir aux affaires. La qualité reste cependant au rendez-vous avec le magnifique Depuis ton départ de John Cromwell en 1944 et le poignant Etranges Vacances de William Dieterle en 1945 ainsi qu’une avant dernière collaboration avec Hitchcock pour La Maison du Docteur Edwardes. Ces films sont de grandes réussites mais d’une dimension trop modeste quand le nabab n’a désormais plus qu’une idée en tête (et ce jusqu’à la fin de sa vie) : réitérer l’exploit d’Autant en emporte le vent.

L’occasion lui en est donné avec Duel au soleil, adaptation d’un sulfureux roman de Niven Busch au départ destiné à la RKO mais qu’il récupère dès que sa femme Jennifer Jones est envisagée comme héroïne. Tout comme Gone with the wind, le tournage sera rocambolesque à cause de la tyrannie et des exigences folles de O’ Selznick. Si le seul King Vidor est crédité (et sera renvoyé en cours de tournage) en tant que réalisateur on sait que William Dieterle, Joseph Von Sternberg, William Cameron Menzies, Otto Brower, John Faure et Sidney Franklin occupèrent pour un temps plus ou moins long la fonction avant d’être évincé. Ce chaos générera pas moins de 26 heures de rushes dont le montage sera de longue haleine d’autant que l’aspect sulfureux du récit nécessitera de multiples coupes face aux multiples transgressions du Code Hays. Le résultat est certes bancal et hypertrophié pour ce qu’il raconte, mais sa démesure et sa puissance romanesque n’ont finalement que peu à envier à Autant en emporte le vent dont il est finalement très loin d’être un décalque.

Le terme « western » paraît bien superficiel pour cet objet inclassable où se mêle triangle amoureux, passion destructrice et drame familial. L’histoire nous narre le destin de la jeune métisse Pearl Chavez qui après la violente perte de ses deux parents (dès l’ouverture la passion amoureuse ne peut se conclure que dans le drame et la mort) se voit confier à la cousine (et ancien amour) de son père vivant dans un ranch prospère avec un mari rugueux et ses deux fils. Très vite ses derniers vont se déchirer pour ses faveurs.

La peau tannée par le maquillage destiné à rendre sa condition de métisse, Jennifer Jones impose un jeu sulfureux, sensuel, lascif et particulière démonstratif tant dans les expressions de son visage que de la façon de se mouvoir. Elle impose là la figure la plus marquante qu’on lui connaisse à l’écran, celui de la jeune fille innocente et sexuée à la fois, aux instincts sauvages qui lui attirent le violent désir des hommes. Quiconque a vu La Renarde ou Ruby Gentry a forcément cette facette en mémoire. Elle a prouvé de nombreuse fois qu’elle pouvait être plus en retenue et subtile (notamment La Folle Ingénue de Lubitsch) mais c’est quand elle se laisse aller à cette incandescence torride et sans retenue qu’elle délivre ses prestations les plus fascinantes.

Dès lors avec un personnage aussi bouillonnant on ne donne pas cher du trop timoré Joseph Cotten pour s’attirer les faveurs de Pearl, alors que la brutalité sauvage de Lewt (Gregory Peck qui laisse là son image d’américain moyen propret habituel) lui correspond parfaitement. Les premières rencontres entre ces trois là confirment ce fait. Alors que lorsqu’il vient la chercher descendant de sa diligence Cotten a du mal à se présenter, plus tard Peck déshabillera littéralement du regard cette créature venue s’installer chez lui. Plus tard lorsque Pearl angoissée viendra chercher du réconfort auprès de lui, Jesse (Cotten) se comportera en parfait gentleman alors que dès la scène suivante Lewt s’imposera sans qu’on lui ait rien demandé dans la chambre de Pearl. Quand il découvre la liaison entre Lewt et Pearl, Jesse s’efface amèrement alors que Lewt n’hésitera pas à tuer tous les prétendants potentiels de Pearl.

La toile de fond oppose également cette bestialité sous jacente de l’Ouest face à une modernité galopante. L’opposition par les armes du patriarche Lionel Barrymore au passage du chemin de fer par ses terres qu’il ne pourra pourtant empêcher l’illustre bien, et on peut d’ailleurs y constater que contrairement aux apparence Joseph Cotten n’est pas un faible. Il s’avère prêt à défier son père dont il ne partage pas les vues archaïques, quand Peck n’ose simplement le contredire lorsqu’il lui interdit implicitement d’épouser Pearl.

Le film s’avère donc une longue ode à l’amour fou et destructeur, synonyme de soumissions et d’humiliations mutuelles. Toutes les étreintes entre Gregory Peck et Jennifer Jones se font dans la lutte, à la limite du viol (ce qui est bien le cas dans le livre) mais constamment apaisé lorsque ce désir violent a été assouvi. Pour un récit finalement très intimiste, la forme s’avère totalement démesurée et monumentale. Pas moins de trois directeurs photos se chargent de donner au technicolor des couleurs baroques et rougeoyantes comme la passion à cet Ouest aux allures mythologique mais dont le cadre accompagne les tourments intérieurs des héros (voir la dernière partie où un Lionel Barrymore désormais seul fait face à un coucher de soleil écarlate).

Les séquences grandiloquentes sont légions, qu’elles aient des vertus dramatiques où pas voir l’arrivée de Pearl et Jesse au ranch au début, ou l’incroyable galop collectif face à l’arrivée du train. Tout n’est constamment qu’excès à l’image de la mégalomanie de Selznick, jusque dans la durée excessive (2h26 tout de même) d’une histoire qui aurait pu être plus condensée.

C’est cette folie toute hollywoodienne qui rend le film si fascinant malgré ces imperfections évidentes. Le clou est atteint lors de la mythique dernière séquence où les deux amants maudits se traque dans les rocheuse. La haine se dispute à l’amour en un regard, et on sait bien que plus que la vengeance, c’est vers une union dans la mort que court ce couple puisque leurs natures sauvages ne permettra jamais à cette amour de s’épanouir dans la vie.

L'édition zone 2 français a une image correcte mais est à éviter car ne proposant que la vf. Privilégier le zone 1 MGM doté de sous titres français, d'autant que la version est légèrement différente puisque doté d'un prélude et d'un épilogue musicale, ainsi qu'une introduction en voix off solonnelle de Orson Welles qui n'est pas sur le dvd français.

4 commentaires:

  1. Un film que j'ai très envie de voir depuis longtemps. Un film majeur qui me manque dans ma filmographie. D'autant plus qu'il y a Gregory Peck, que j'adore.

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  2. Tiens, j'ignorais complètement que Gregory Peck et Joseph Cotten jouaient dans ce film ; généralement, quand on en parle, on mentionne David O'Selznick, sa mégalomanie, et la prestation de Jennifer Jones. J'ai moi aussi envie de voir ce film depuis longtemps...

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  3. C'est vrai que toutes les anecdotes extérieures et la personnalité de O'Selznick eclipse même les interprètes (hormis Jennifer Jones) surtout le plus disctret Joseph Cotten. J'aime beaucoup Gregory Peck dans le film, ça change complètement de ses rôle d'américain modèle (qu'il fait très bien d'ailleurs) là il très à l'aise en grosse brute.

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  4. Un film totalement envoûtant, avec un Gregory Peck (dont je suis une fan inconditionnelle!) inhabituel et encore plus séduisant...
    Merci pour ce blog, d'une richesse et d'une qualité formidables!

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