Pendant la Seconde Guerre mondiale, un groupe
de secours de l'armée américaine se retrouve séparée des troupes dans le
Sahara. Le chemin à parcourir est long et difficile. Le leader de
l'équipe ne peut s'empêcher de rêver à la bière glacée qu'il pourra
s'offrir en arrivant à Alexandrie.
Ice Cold in Alex est une des grandes réussites de Jack Lee Thompson, qui avec le film d'aventures Aux frontières des Indes
réalisé l'année suivante lui offrit sans doute son passeport pour
Hollywood. Le film est adapté du roman de Christopher Landon (qui
participe au scénario), l'ouvrage étant d'ailleurs la réunion d'une
série d'articles paru dans le Saturday Evening Post.
L'histoire est basée sur des faits réels et la survie d'un groupe de
secours anglais dans le désert du Sahara, même si le film prendra pas
mal de libertés par rapport au roman. Les producteurs pensaient au
départ tourner le film en Egypte (soit les vrais lieux de l'histoire)
mais la crise de Suez déporte la production en Libye. Là attend un
tournage éprouvant pour le casting soumis à rude épreuve par Jack Lee
Thomson, Sylvia Syms déclarant qu'il y avait une faible part de jeu dans
présence éprouvée à l'écran - les vétérans de la campagne d'Afrique du
nord salueront d'ailleurs le film pour son réalisme.
Le début du
film s'avère assez démystificateur pour le corps de l'armée (le
contexte de la fin des années 50 permet de mettre la pédale douce sur le
patriotisme par rapport à la décennie précédente) avec la vision d'une
débandade où une unité doit fuir son base pilonnée par les bombardements
allemands. Là le Capitaine Anson (John Mills) rêve plus à son prochain
verre qu'au drapeau et les supérieurs sont tournés en ridicule dans une
ironie qui annonce les film de guerre pacifistes des 70's (la mort
absurde d'un gradé - dont on regrette plus le whisky qu'il transportait
que la personne - semble tout droit sortie de Catch 22
de Mike Nichols (1970)). En dépit de ces touches caustiques, l'intérêt
est ailleurs. Au découvre au fil de l'histoire que l'alcoolisme d'Anson
est dû à un rude séjour en camp de prisonnier dont il ne s'est pas remis
malgré son évasion, et la culpabilité le rongera encore quand un rival
amoureux sera laissé en mission suicide (et l'en pense responsable)
durant la fuite de la garnison. Il s'agira donc d'une survie mentale et
physique durant la mission où il doit mettre l'infirmière Diana Murdoch
(Sylvia Sims) en sécurité, aidé de son acolyte Pugh (Harry Andrews) et
du soldat sud-africain Van den Poel (Anthony Quayle) qui a perdu sa
compagnie. Entre les troupes allemandes embusquées dans le désert, les
bombardements, le climat oppressant et la mécanique capricieuse de leur
véhicule, c'est un parcours semés d'embûches qui attend les personnages.
Si les films de guerre ayant la campagne d'Afrique du nord comme cadre ne manquent pas (on pense à l'excellent Sahara de Zoltan Korda (1943) avec Humphrey Bogart), Ice Cold in Alex annonce surtout le diamant noir Enfants de salauds
d'André de Toth (1968). Il est passionnant de mettre en parallèle les
deux films très proches dans leur déroulement et radicalement différents
dans leur traitement. Enfants de salauds
fait partie de ces films de guerre viriles et cyniques jouant sur la
mode du film de commando tout en apportant un regard cinglant inhérent à
une époque rejetant l'héroïsme (sans pour autant encore être tombé à
l'ère pacifistes et rigolardes comme De l'or pour les braves de Brian G. Hutton). Ice Cold in Alex
déploie toutes les péripéties qu'offre ce cadre du Sahara et chaque
avancées participe à la cohésion du groupe, surmontant ses démons comme
Anson et même les camps ennemis comme le révèlera un rebondissement
marquant à mi-parcours. Jack Lee Thomson exprime là un humanisme
touchant où l'aventure sert de rédemption à des personnages attachants
quand dix ans plus tard une trame voisine chez De Toth ne laisse
personne à sauver (notamment le traitement des femmes aux antipodes dans
les deux films).
Dès lors le professionnalisme qui aide à se sortir des
situations périlleuses dans Enfants de salauds devient un monument de dévouement dans Ice Cold in Alex.
Cet élément est introduit progressivement par Thomson à travers des
sacrifices individuels pour le collectif (Anthony Quayle supportant le
poids du camion-ambulance pour finir une réparation), puis de plusieurs
individu pour en sauver un seul ayant pourtant montré sa duplicité
(suffocante scène de sable mouvant) et enfin tous unis pour le grand
morceau de bravoure finale, l'ascension impossible d'une dune en
poussant le camion. La mise en scène de Thomson souligne de façon
vertigineuse l'effort par des plans larges qui accroissent l'inclinaison
insensée de la dune, les silhouettes lointaines alternent avec les
plans rapprochés de visages et corps ployés par l'effort. La photo de
Gilbert Taylor joue conjointement la carte du réalisme appuyant les
brûlures du soleil et une dimension quasi mythologique dans la manière
de figer le dépassement de soi final, bien aidé par l'emphase du score
de Leighton Lucas.
L'implication des acteurs aide grandement à ce
sentiment d'empathie et de plénitude, et la fameuse bière finale
annoncée par le titre et promise par Anson se savoure de façon
contagieuse (pour l'anecdote le final du film fut réutilisé en
Angleterre pour vanter les mérites de la bière allemande Holsten puis plus tard Carlsberg). Un
des meilleurs films de Jack Lee Thomson, immense succès en Angleterre et
à l'international notamment au Festival de Berlin où il concouru pour
l'Ours d'Or.
Sorti en bluray anglais et dvd zone 2 anglais chez StudioCanal et doté de sous-titres anglais
Pour les curieux j'ai retrouvé la pub Carlsberg qui recycle la fin du film
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vendredi 28 septembre 2018
mercredi 26 septembre 2018
L'Espion qui m'aimait - The spy who loved me, Lewis Gilbert (1977)
Pour retrouver des
sous-marins nucléaires russe et britannique qui ont mystérieusement disparu,
James Bond fait équipe avec l'agent soviétique Anya Amasova. Leur mission les
conduit à affronter un ennemi redoutable, Requin, un géant de près de deux
mètres vingt quasiment indestructible et armé d'une mâchoire en acier aussi
coupante qu'un rasoir. 007 devra également affronter Karl Stromberg,
l'employeur de Requin. Stromberg veut se servir des sous-marins nucléaires
qu'il a volés pour détruire le monde et créer une cité sous-marine.
Après les atermoiements et la perte d’identité de la saga
dans Vivre et laisser mourir (1973)
et L’Homme au pistolet d’or (1974), L’Espion qui m’aimait marque le retour
au sommet de James Bond et constitue l’opus majeur de Roger Moore. Les
difficultés vont pourtant s’amonceler en amont avant d’aboutir à cette
réussite. Harry Saltzman - copropriétaire avec Cubby Broccoli de la société EON
dédiée à la production de James Bond – suite à des investissements hasardeux
rencontre de graves problèmes financiers et a mis en balance les actions d’EON
pour payer ses dettes (il finira par vendre 50 % de ses parts à United Artist),
empêchant la mise en production de l’opus suivant. Cubby Broccoli devenu seul
maître à bord décide d’adapter le roman de Ian Fleming The Spy who loved me en vue d’en faire le Bond suivant mais l’auteur
insatisfait de son ouvrage fit inclure à la vente des droits une clause
stipulant qu’hormis le titre aucun élément ne devait en être utilisé dans un
possible film. Parallèlement le producteur Kevin McClory intente un procès à
Broccoli dont le verdict interdira l’utilisation du SPECTRE et du méchant
emblématique Blofeld qu’il estime avoir créé dans Opération Tonnerre (1965) – et il faudra attendre le bien nommé Spectre (2014) pour que Bond sous les traits
de Daniel Craig retrouve enfin son vieil ennemi.
Toutes ces contraintes rendent l’écriture du script
laborieuse et Guy Hamilton initialement envisagé finit par jeter l’éponge à la
réalisation (une bonne nouvelle au vu de la médiocrité de ses contributions
hormis Goldfinger (1964)) au profit
de Lewis Gilbert de retour dix ans après son flamboyant On ne vit que deux fois (1967). Hormis John Barry en bisbille avec
le fisc anglais, L’Espion qui m’aimait
est donc le Bond au retour aux sources avec les collaborateurs historiques (Ken
Adam en tête aux décors) mais aussi d’une trame et de péripéties archétypales
de Bond mais remises au goût du jour. Le postulat est ainsi une version marine
de celui spatial de On ne vit que deux
fois avec ce tanker avalant des sous-marins russes et anglais. Le pré-générique
reprend la poursuite à ski de Au service secret de sa majesté (1969) mais avec en point d’orgue cet extraordinaire saut
dans le vide qui voit Bond ouvrir un parachute aux couleurs de l’Union Jack
dans la blancheur des Alpes. Ce qui évite la redite, c’est que sous l’égide de
Lewis Gilbert (qui a amené son scénariste Christopher Wood) le film est
désormais idéalement calqué à la personnalité de Roger Moore.
L’acteur se
cherchait encore jusque-là en essayant de réitérer l’incarnation menaçante de
Sean Connery. Il devient ici enfin ce Bond au flegme british plein d’humour et
adepte du bon mot, un viveur séduisant mais capable de retrouver l’efficacité
de l’agent aguerri à tout moment. L’idée de lui adjoindre l’agent russe Anya
Amasova (Barbara Bach) est donc excellente, puisque ce pendant féminin l’oblige
à démontrer ses aptitudes dans une saine concurrence tout en jouant de ce côté
suave et séducteur tout au long de l’intrigue. Le film trouve ainsi un juste
équilibre (perdu dès l’opus suivant où Moore se montrera un peu trop farceur) entre
sérieux et humour, tant dans les saillies spirituelle de Bond, sa décontraction
face au danger (les clins d’œil complice à Caroline Munro durant la
course-poursuite en Sardaigne) que dans la caractérisation du henchman Requin (Richard Kiel) tour à
tour terrifiant et ridiculement pataud.
Les personnages féminins forts n’avaient pas manqués
jusque-là dans la saga mais étaient le plus souvent des antagonistes (la
pulpeuse et impitoyable Fiona Volpe d’Opération
Tonnerre) ou un peu à part comme la Tracy de Au service secret de sa majesté. C’est donc un vrai geste d‘ouverture
d’offrir à Bond une alliée qui est son égale, le contexte machiste rendant
encore ce fait incongru (la dernière partie dans le sous-marin où elle est la
seule femme et trouble l’équipage). Barbara Bach incarne par son élégance sexy,
son autorité naturelle et son esprit cette idée d’un Bond au féminin (notamment
dans sa remarquable scène d’introduction créant la surprise de voir une femme
dans ce registre) mais il lui manque clairement des scènes où il fait également
montre d’aptitudes physiques crédibles. Avec Lewis Gilbert on retrouve l’ampleur
et l’élégance qui faisait la réussite de On
ne vit que deux fois. Le réalisateur sait constamment mettre en valeur la
beauté et le gigantisme d’un cadre naturel ou d’un décor, que ce soit dans l’action
ou dans une pure veine contemplative.
La bagarre sur le toit d’une maison
laisse ainsi voir des vues majestueuses du Caire, la fabuleuse traque dans les
pyramides durant un spectacle son et lumière alterne grandiose et terreur
relevant presque de l’épouvante par les éclairages baroques qui révèlent
Requin. Le romantisme s’immisce dans la marche forcée en plein désert pour Bond
et Anya (et où se glisse astucieusement le thème de Lawrence d’Arabie). Cette volonté fonctionne encore mieux quand il
s’agit de filmer l’invraisemblable inhérent à un James Bond. La découverte de
la cité sous-marine de Stromberg est un grand moment de suspension, tout comme
le choix des cadres pour montrer la sophistication des intérieurs avec ses
vitres donnant sur la faune sous-marine accompagnée de musique classique. Le
tanker gobeur de sous-marin vaudra une nomination aux Oscars à Ken Adam pour ce
décor monumental et qui eut l’insigne honneur – le temps d’une journée où le
directeur photo Claude Renoir était malade – d’être éclairé par Stanley Kubrick
venu rendre visite à son ami.
Le décorateur adapte son style au 70’s où après
les designs anguleux et étouffant de ses précédents Bond il choisit des formes
plus arrondies exprimant la fausse utopie et la folie/solitude de Stromberg
(Curd Jurgens correct mais un peu trop statique) notamment Atlantis, véritable
monstre surplombant les océans. Au final nous avons donc un épisode inventif (la Lotus
Esprit amphibie, gadget inoubliable et scène mémorable) et rafraîchissant dans
sa redite, tous les éléments de la formule Bond ayant été revus à bon escient à
l’aune de l’époque (notamment le score au élans disco de Marvin Hamslisch qui supplante brillamment John Barry et signe l'une des plus belles chanson de la saga avec Nobody does it better chanté par Carly Simon) et de son interprète enfin maître de son incarnation du
personnage. Le film sera un triomphe commercial qui réinstallera Bond au
sommet. Le générique de fin annonce que James Bond reviendra dans Rien que pour
vos yeux, mais cette nouvelle embellie demandait un épisode plus fou. Ce sera
Moonraker avec toutes les qualités de son prédécesseur mais aussi de nouveaux
défauts.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Fox
mardi 25 septembre 2018
Le Petit Arpent du bon Dieu - God's Little Acre, Anthony Mann (1958)
Ty Ty, fermier pauvre
du Sud des États-Unis, creuse depuis quinze ans les champs qui entourent la
maison familiale à la recherche de l'or que le grand-père y aurait enfoui. Un
candidat au poste de shérif, amoureux de sa fille, lui conseille de capturer un
albinos pour l'aider dans cette tâche : les albinos auraient le pouvoir de voir
ce qu'il y a sous la terre. Tout en s'appauvrissant en cherchant l'or au lieu
de cultiver sa terre, le fermier tente de maintenir sa famille unie, mais les
conflits s'enveniment.
Par sa description d’un Sud poisseux et agité par le désir
et les pulsions violentes, God’s little
acre semble s’inscrire dans le courant lucratif des transpositions de
pièces de Tennessee Williams reposant sur les même motifs. Il s’agit pourtant d’un
succès littéraire bien antérieur avec le sulfureux roman éponyme d’Erskine
Caldwell paru en 1933. L’écriture truculente et imagée de l’auteur, notamment
sur tout ce qui aux trait aux situations sexuelles et vertus de l’anatomie
féminine, amenèrent l’ouvrage à avoir maille à partir avec les ligues de vertu
ce qui constitua une formidable publicité. Le roman s’avère donc un énorme
best-seller connu de tous, tant par les adultes que les adolescents qui s’émoustillent
de ses passages les plus corsés. Si la fortune d’Erskine Caldwell est faite
grâce à ce livre, cette provocation en fait un inadaptable notoire pour une
version filmée. La Fox s’y essaiera à ses dépens avec La Route du tabac de John Ford (1941) dont elle espère faire une « suite »
aux Raisins de la colère (1940) mais
le film est un échec qui laissera Caldwell amer.
La tentative suivante sera la bonne avec une adaptation
prestigieuse de God’s little acre
produite par la compagnie indépendante Security Pictures et distribuée par
United Artist. Anthony Mann avait signé son précédent film au sein de Security
Pictures avec Cote 365 (1957) et en
reprend en grande partie le casting et l’équipe technique. La nature
indépendante du projet le soustrait à la l’autocensure des studios plus frileux
et si Mann et son scénariste Philip Yordan (même le script est officieusement
dû au blacklisté Ben Maddow) atténue l’outrance salace du roman, ce ne sera qu’à
des fins dramatiques. L’histoire nous dépeint un Sud sinistré où les
personnages se réfugient dans un rêve et/ou comportement irrationnel les
laissant rêver à de jours meilleurs, ou leur faisant oublier leur condition. Le
plus emblématique de cette situation sera le patriarche Ty Ty (Robert Ryan),
creusant ses terres de multiple trou depuis des années en recherche de l’hypothétique
trésor que son grand-père y aurait enterré. Sa famille le suit dans sa folie
tout en étant agitée de ses propres troubles intimes telle la cadette
nymphomane Darling Jill (Fay Spain) ou l’aîné Buck (Jack Lord) est rongé par la
jalousie pour sa femme Griselda (Tina Louise) qui n’a jamais vraiment oublié
son premier amour Will (Aldo Ray) marié à Rosamond (Helen Westcott) fille aînée
de Ty Ty.
Le film s’avère inclassable dans son mélange de drame, de
farce et d’érotisme. Le fil conducteur sera l’amour indéfectible de Ty Ty et sa
volonté de maintenir sa famille soudée mais ce vœux est régulièrement mise à
mal par sa quête obsessionnelle du trésor. Ce fol espoir est finalement une
échappatoire au labeur ordinaire du cultivateur de coton qui l’attendrait
autrement. Cette union dans l’objectif hors-normes maintien certes la famille
unie mais l’égare aussi dans une folie douce que Mann traduit par le jeu outré
de l’ensemble du casting. On frise et cède au grotesque plus d’une fois dans
des séquences hautes en couleurs (l’enlèvement de l’albinos joué par Michael
Landon peroxydé) et les visions surréalistes tel ce travelling d’ouverture nous
révélant ce terrain aux trous s’étendant à perte de vue. Cette fuite du réel se
traduit par d’autres lubies pour les autres protagonistes, parfois comique avec
la cour pataude du voisin Pluto (Buddy Hackett) fou amoureux de Darling Jill et
rêvant d’être shérif, mais surtout tragique. La campagne autorise un refuge par
l’effort certes invraisemblable consistant à creuser des trous, la ville impose
une oisiveté qui mène à l’autodestruction (Will sombrant dans l’alcoolisme avec
la fermeture de l’usine qui le laisse sans emploi) ou une ambition froide et déshumanisée
avec le fils indigne Jim Leslie (Lance Fuller) honteux de ses origines.
Ce
tourbillons de sentiments exacerbés et contradictoires explose dans la
dimension sexuelle du film. Tina Louise dégage un sex-appeal affolant qui s’exprime
de façon naturelle par l’image (cette première apparition en robe de coton
transparente), subie avec les regards et assauts concupiscents de John Leslie
et par un désir aussi brûlant que coupable dans ses rapports avec Will. Anthony
Mann surprend dans ce registre, entrevu avec le striptease forcé de Julie
London dans L’Homme de l’ouest (1958)
et surtout les grandes romances de ses superproductions Le Cid (1961) et La Chute de l’empire romain (1964). Aldo Ray véhicule un mélange d’animalité et
sensibilité incroyable associé à une même dualité entre formes affolantes et
exposées (on ne lésine pas sur les décolletés vertigineux de Tina Louise) avec
la passion contenue de Griselda. La rencontre nocturne des deux personnages,
tout en rapprochement érotiques et fondu enchaînés fuyants/ellipses traduit
magnifiquement cet aspect.
C’est d’ailleurs tous le film qui offre une double lecture
lumineuse/ténébreuses de chaque sentiments et symboles obsessionnels. Le sexe
peut être coupable/oppressant ou innocemment joyeux entre Darling Jill et l’albinos,
les trous signent la déchéance familiale mais aussi son union dans cet espoir
vain et l’usine synonyme de ville morte ramène de manière éphémère la ville
chez les habitants le temps d’une scène où elle est remise en route. Les
bas-instincts profonds tout comme les rêves sont une respiration ou une prison
selon notre degré de servitude à eux, selon les moyens que l’on se donne pour
les assouvir. C’est toute l’ambiguïté d’une dernière scène apaisée mais ou un
Robert Ryan (assez extraordinaire tout du long) troque ses bonnes intentions
pour s’accorder une dernière chance d’assouvir sa quête.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side