007 est appelé pour
enquêter à propos de l'hécatombe meurtrière qui décime les agents secrets
britanniques ces derniers jours. Enquêtant à New York, dans le quartier de
Harlem, puis en Jamaïque et en Louisiane, il affronte un caïd de la drogue
international, le redoutable Kananga et sa comparse, l'étrange blanche
Solitaire...
Sean Connery avait au gré d’un salaire mirobolant tiré sa
révérence au rôle de James Bond (même s’il se dédira pour les mêmes motifs
pécuniaires avec Jamais plus jamais
(1983)) dans le poussif Les Diamants sont éternels (1971). Les producteurs se trouve alors face à une impasse, le
public n’ayant pas accepté un Bond sous de nouveaux traits dans Au service secret de sa majesté (1969)
avec George Lazenby. Alors que l’erreur de cet opus avait été d’avoir un
interprète restant dans le sillage (vestimentaire, physique et jeu) de Sean
Connery, le choix est fait ici de s’en éloigner d’autant que Bond à l’heure de
la contre-culture et des mouvements hippie semble un vestige dépassé des années
60.
Guy Hamilton de nouveau à la réalisation décide de poursuivre l’ancrage
américain de ses opus à succès (Goldfinger
(1964) et Les Diamants son éternels)
au point de sérieusement proposer Burt Reynolds aux producteurs qui (fort
heureusement) ne démordront pas de la volonté de conserver un Bond britannique.
Roger Moore avait été envisagé dès l’époque de Dr No (1962) mais sous contrat sur la série Le Saint il devra renoncer. L’acteur a un défi de taille à relever,
l’avantage de sa notoriété déjà établie l’oblige à effacer à la fois le
souvenir de Simon Templar et le Brett Sinclair de la série Amicalement votre en plus de l’incarnation de Sean Connery en James
Bond. Il va s’en sortir avec brio et sera le principal atout d’un épisode parmi
les plus faibles de la saga.
Avec Vivre et laisser
mourir James Bond cesse de lancer les modes pour désormais les suivre. Les
antagonistes noirs sont donc prétextes à surfer sur la vague de la
Blaxploitation tandis que les scènes d’action à New York lorgnent sur les polars
urbains à succès tels qu’Inspecteur Harry
de Don Siegel (1971) ou French Connection
de William Friedkin (1971). L’autre erreur dans cette volonté d’américanisation
cela d’éliminer les spécificités british de la série et du personnage. Bond
fume donc désormais le cigare, boit du bourbon en lieu et place du fameux vodka-martini,
délaisse son légendaire Walter PPK pour le Magnum 357 de Dirty Harry - sans parler de Q et des gadgets quasi absent hormis
une montre-aimant.
Au niveau du ton
Roger Moore bien conscient qu’il ne pourra égaler le mélange de séduction et d’animalité
d’un Sean Connery parvient à imposer un séduisant flegme britannique. Après un
Connery empâté et peu concerné sur Les
Diamants sont éternels, Moore apporte un vraie panache dans les scènes d’actions
(il donne notamment de sa personne lors de la poursuite en bus impérial ou lors
de la scène des hors-bords, l’occasion de contredire la triste réputation que
ses dernières interprétations vieillissantes de Bond lui vaudront injustement),
distille les bons mots avec un irrésistible timing comique (même si cet aspect
deviendra trop envahissant par la suite) qui fait passer toutes les scènes de
séduction plus amusées (le jeu de carte truqué bien sûr) que la virilité toute
puissante de Connery. L’autre atout sera la présence sensuelle et virginale de
Jane Seymour en James Bond girl, la médium Solitaire constituant son premier
rôle majeur.
Pour le reste l’ensemble s’avère bien décevant. Le film
frise souvent le racisme involontaire avec tous les protagonistes noirs
grossièrement caractérisés, le moindre quidam étant en mèche avec le bad guy Kananga (Yaphet Kotto tout juste
convaincant) entre hommes de main, traitres et adepte du vaudou. Cela gâche quelques
belles idées comme les enterrements à la Nouvelle-Orléans ou le personnage haut
en couleur du Baron samedi. Le plus gros souci reste cependant l’approche de
Guy Hamilton et cette volonté de prendre les choses à la légère. La force des
meilleurs James Bond est de trouver l’équilibre entre univers extravagants de
bd et vrai tonalité à suspense maintenant l’implication du spectateur. Là
Hamilton poursuit les errements entraperçu dans Les Diamants sont éternels avec un humour balourd et forcé qui
gâche et rallonge plus que de raison une course poursuite en hors-bord dans les
bayous avec un insupportable personnage de flic redneck.
La mise en scène
mollassonne et sans idées casse ainsi le potentiel de quelques idées folles (la
scène des crocodiles dont la cascade suicidaire est bien réelle) et fait peine
à voir lorsqu’Hamilton rejoue le légendaire duel de train de Bons baisers de
Russie sans approcher le suspense et la brutalité au cordeau de Terence Young. Au
final un Bond très mineur mais qui se laisse encore regarder en comparaison de
la catastrophe à venir, L’Homme au
pistolet d’or (1974) qui en amplifiera tous les défauts. Le film (porté par
la chanson-titre tubesque de Paul MacCartney) sans atteindre les hauteurs de
Sean Connery au box-office sera néanmoins un succès qui installera enfin un
nouveau visage pour James Bond avec Roger Moore.
Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Sony/MGM
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