Au cours de la Seconde
Guerre mondiale, la jeune ouvrière Sasha noue une idylle amoureuse avec un
aviateur, Alexeï. Ils se marient. Un jour, Alexeï ne rentre pas d'une mission :
on le croit mort. Pourtant, il reparaît après la fin des hostilités. Prisonnier
des Allemands, il a réussi à survivre. Mais on ne le croit guère et il est
catalogué comme traître à la patrie. Exclu du Parti, on lui retire également
ses décorations. Déchu, il sombre dans l'alcoolisme.
Ciel pur est
considéré comme un des grands films de la déstalinisation et s’inscrit dans la
série de film que réalise Grigori Tchoukhraï durant la parenthèse du dégel. Le
cinéaste est un farouche croyant du communisme mais n’hésite pas dans ses films
à en dénoncer les failles. Ainsi les travers de l’idéologie empêchaient un
avenir viable au couple de Le Quarante et unième (1956) tandis que les ravages de la Seconde Guerre Mondiale brisait
le destin d’un innocent dans le magnifique La Ballade du soldat (1959). Ciel pur
croise en quelque sorte ces deux motifs pour aborder un sujet fort polémique.
Au départ il y a un scénario de Daniil Khrabrovitsky qui
déroule simplement la relation de couple difficile entre un pilote d’essai et
son épouse craignant de ne pas le voir revenir d’une de ses missions. Le
scénariste désespère de voir un cinéaste talentueux s’intéresser à son histoire
et le donne à lire à Grigori Tchoukhraï. Ce dernier est particulièrement frappé
par une scène (celle du train) et avec l’assentiment de Khrabrovitsky va
considérablement remanier le script pour le rendre plus politique. Tous le film
repose sur un idéal auquel on se raccroche et qui se confronte à un réel
sordide. Pour l’héroïne Sasha (Nina Drobycheva), cet idéal s’incarne sous les
traits d’Alexeï Astakhov (Evgueni Ourbanski), pilote de l’armée russe qu’elle
croise subrepticement dans son enfance. De cette brève rencontre elle garde un
bouquet de fleur fané qui maintient le souvenir romantique, l’éloigne de sa
réalité scolaire studieuse puis de la Deuxième Guerre Mondiale qui se
déclenche.
A l’inverse il fustige
ceux qui ont renoncé à l’idéal comme Lucia (Natalia Kouzmina) qui a préféré la
sécurité matérielle d’un homme qu’elle n’aime pas plutôt que d’attendre son
fiancé d’avant-guerre. Cette opposition romanesque devient politique avec le
rebondissement qui voit Alexei revenir miraculeusement du front. C’est pourtant
désormais un paria, coupable d’avoir survécu aux camps et à la torture plutôt
qu’être mort en héros (quitte à se suicider). Ceci était une réalité révoltante
pour les prisonniers de guerre survivants sous le stalinisme, mis au ban de la
société, emprisonné et soupçonné de trahison à la nation. On découvre cela avec
la déchéance d’Alexei ne pouvant plus piloter, exclu du Parti Communiste et
sombrant dans la dépression et l’alcoolisme. Les tentatives de Tchouckhraï de
raviver la féérie sont brutalement ramenée au réel, notamment la scène de
retour d’Alexei dont l’émotion à vif orne l’image d’un halo bleu avant que l’allure
misérable et défigurée échappée de l’ombre du survivant casse toute magie. Dès
lors le seul, intense et indéfectible amour de Sacha symbolisera l’émerveillement
du monde d’avant et par extension celle d’un communisme pur. Faire de l’héroïne
une ouvrière participe à cette métaphore quand Alexei dans sa déchéance
illustre ce qu’est devenue le Parti, froidement idéologique et inhumain.
Le fil
rouge lumineux que constitue la scène d’ouverture (et qui lance des flashbacks
à l’imagerie plus contrastée) annonce pourtant des lendemains meilleurs où le
pays semble s’être retrouvé. Un membre de l’équipe du film dénoncera anonymement
pourtant Tchoukhraï en le qualifiant de profondément anticommuniste. La
ministre de la culture Ekaterina Fourtseva en visionne alors un premier montage
qui la bouleverse. Elle demande néanmoins au réalisateur d’inclure des scènes
signifiant bien que les maux du film appartiennent à l’URSS d’avant le dégel et
plus à celle d’aujourd’hui. Tchoukhraï amorce ainsi le renouveau final avec une
séquence où l’on annonce la mort de Staline mais aussi une autre plus poétique
à travers un stock-shot (qu’il regrettera toujours de ne pas avoir pu filmer
lui-même faute de moyen) de la fonte des glaces arctiques, synonyme de l’arrivée
du printemps et donc de renouveau.
Cela poursuit de toute façon un changement
dans les époques et émotions que le réalisateur traduit toujours visuellement
par les changements de gamme chromatique, par les visions oniriques des cieux
dans l’épanouissement amoureux de Sacha. C’est d’ailleurs sur des grands
espaces triomphant, dans le ciel (Alexei réhabilité) et sur terre (l’amour
intact du couple) que se conclut le film. L’accomplissement amoureux se
conjugue à un communisme qui a retrouvé ses vertus profondes selon l’idéal de
Grigori Tchoukhraï.
Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine
Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine
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