Jack Benteen, membre de la Texas Ranger
Division, lutte contre le trafic de drogue et l'immigration clandestine
dans une petite ville texane frontalière avec le Mexique. Or le chef des
trafiquants, Cash Bailey, est un ami d'enfance du Ranger et l'ancien
amant de sa femme, Sarita Cisneros, d'origine mexicaine. Pour compliquer
la situation, un commando de vétérans de la guerre du Viêt Nam, avec
pour chef Paul Hackett, est envoyé par la CIA pour tuer Bailey...
Le premier fait d'armes de Walter Hill fut le scénario qu'il écrivit pour Guet-apens
(1972) de Sam Peckinpah d'après Jim Thompson. Par la suite il ne
cessera de s'inscrire dans la tradition du réalisateur franc-tireur
perpétuée par Peckinpah, revisitant les genres emblématiques du cinéma
américain tout en en donnant un contenu encore plus direct. Avec Extrême Préjudice, Hill paie plus explicitement encore son tribut à Peckinpah dans un film qui revisite le mythique La Horde sauvage
(1969). Les scènes miroir (le scorpion, le dantesque gunfight final),
certaines interactions entre les personnages (l'affrontement entre
anciens amis et/ou frères d'armes) et le cadre de la frontière mexicaine
figurent parmi les réminiscences les plus visible.
Cependant (hormis
ses incursions dans les westerns où il est curieusement moins
aventureux) lorsque Walter Hill se confronte aux archétypes du cinéma
classique c'est toujours pour se les réapproprier à l'aune d'une vision
personnelle. Le Bagarreur (1975) brille
par une sécheresse au diapason de son héros peu loquace (les actions du
personnage tout comme le déroulement limpide de l'intrigue parlent plus
que les mots ou les séquences superflues), The Driver (1978) est un squelette conceptuel e film noir tandis que Les Guerriers de la nuit (1979) ou Les Rues de feu
(1984) enrobent de pures trames de western d'un contexte urbain
fantaisiste et pop. Cette confrontation du moderne et du classique est
également au cœur d'Extrême Préjudice.
Le
Texas Ranger Jack Benteen (Nick Nolte) incarne ainsi la tradition du
shérif taciturne et solitaire qui va se confronter à une menace moderne
avec ce commando bardé de technologie. Les morceaux de bravoure de pur
western (la scène d'ouverture réminiscence de celle de Rio Bravo
(1959)) et les dialogues du shérif Hank Pearson (Rip Torn) illustrent
ainsi une forme de nostalgie d'un temps où la justice était simple à
rendre, les problèmes moins complexes à résoudre.
Le vol de bétail ou
les conflits de propriétaires terriens ont laissés place au trafic de
drogue, le hold-up au centre de l'intrigue relève de motivations
complexes et pas pécuniaire, le Mexique fantasme de richesses et
d'aventures (La Horde sauvage encore mais aussi Vera Cruz
(1954), Aldrich autre modèle franc-tireur de Hill) est perverti par
l'ascension du charismatique Cash Bailey (Powers Boothe). Cette
souillure du mythe est la plus évidente dans la caractérisation du
commando. Hill introduit ses barbouzes de façon truculente tout en
soulignant leur background dans la scène d'ouverture où les
retrouvailles chaleureuse sont entrecoupées de leurs faits d'armes de
mercenaires invisibles.
Le professionnalisme sans faille se conjugue
ainsi à la franche camaraderie qui nous les rend sympathique dans les
préparatifs de leur nébuleuse mission. Hill rejoue donc la carte de
l'équipe attachante et efficace en action à la frontière mexicaine sauf
qu'au pur appel de l'aventure de classiques reprenant ce postulat (en
plus de Peckinpah et Aldrich on peut compléter avec Les Professionnels
de Richard Brooks (1966)) les personnages servent (ou en tout cas
pensent) l'Etat. Les ordres du plus ambigu chef Paul Hacket (Michael
Ironside) sont suivis aveuglément "pour la patrie" malgré les doutes
alors que l'appât du gain, l'exaltation du danger et l'amitié guidaient
les anciens archétypes dans une destinée individuelle et collective.
Walter Hill nous sert ainsi des "héros" au service de l'Amérique du
Watergate, de l'interventionnisme douteux et des méthodes discutables
dans la guerre contre la drogue - sujet qui occupe tous le film de Richard Brooks d'ailleurs. Il faut attendre le grand final où ils
retrouvent leur libre-arbitre pour que le réalisateur leur offre un
baroud d'honneur flamboyant répondant à celui de La Horde Sauvage.
Nick
Nolte en impose sacrément en héros taiseux et fait habilement passer
les nuances de son conflit moral à travers l'amitié déçue avec Powers
Boothe. On sent la patte de John Milius (auteur de l'histoire le projet
datant du début des 70's) dans les savoureux échanges entre les deux
personnages, tout en amicalité menaçante et testostérone. Le duel final
n'en est que plus intense. Le seul point faible du film est dans son
personnage féminin Sarita (María Conchita Alonso), simple objet que se
disputent les deux protagonistes. Alors certes ce n'était pas beaucoup
mieux dans La Horde sauvage mais au moins Peckinpah assumait son cadre machiste (contredit dans d'autres films comme Un homme nommé Cable Hogue
(1970)) et l'on ne se posait pas de question à voir la mexicaine se
résumer à la prostituée et la mère de famille.
Là Walter Hill amorce un
semblant de problématique de couple et de caractérisation intéressante
de Sarita puis évacue le tout (en gros Nolte et Boothe sont rivaux
sexuels plus qu'amoureux car Boothe a possédé Sarita le premier) pour la
réduire à la potiche. Hormis ce souci, Hill signe un de ses meilleurs
films notamment dans des morceaux e bravoure au découpage (la scène
d'embuscade) et à l'ampleur impressionnante, un pied dans l'ancien (les
ralentis à la Peckinpah en moins opératique mais John Woo arrive avec Le
Syndicat du Crime (1986) et l'autre dans le moderne de l'actionner
viril 80's.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
Tótem (2024) de Lila Avilés
Il y a 2 heures
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