1917. Ancien soldat de
Théodore Roosevelt et de Pancho Villa, Henry 'Rico' Fardan est engagé par
Grant, un magnat texan du pétrole, pour retrouver sa femme Maria, enlevée par
des révolutionnaires mexicains conduits par Jesus Raza. En échange, Grant offre
une récompense de 100 000 $. Fardan est épaulé dans sa mission par trois autres
'spécialistes' : Hans Ehrengard, ancien cavalier et éleveur de chevaux, Jacob
'Jake' Sharp passé maître dans l'art de manier n'importe quelle arme et enfin
Bill Dolworth, spécialiste en explosifs et ami de Fardan avec qui il a opéré
nombre de coups de main au Mexique deux ans auparavant...
Au premier abord, The
Professionals avec sa promesse d’action et d’aventures portées par un
étincelant casting viril semble creuser le sillon des Sept Mercenaires (1960) qui a popularisé ce type de structure dans
le western. C’est mal connaître Richard Brooks qui, tout en assurant le quota
de grand spectacle livre une œuvre plus subtile qu’il n’y parait. Le côté
divertissant semble dominer au départ avec une caractérisation des « professionnels »
se faisant dans l’action à travers un générique pétaradant présentant leurs
compétences : Rico (Lee Marvin) ex-militaire introduit en instructeur de
mitrailleurs, Hans (Robert Ryan) l’expert en chevaux et Jake (Woody Strode)
maître en maniement d’armes et plus précisément l’arc. Seul Bill (Burt
Lancaster) a droit à une introduction plus comique, sa science des explosifs ne
se révélant que plus tard. Avec Burt Lancaster et le cadre du Mexique où se
déroulera la mission, on pense immédiatement au classique de Robert Aldrich, Vera Cruz (1954). Ce dernier film obéit
à une construction proche du film de Brooks, avec ces deux aventuriers cyniques
(Gary Cooper et Burt Lancaster) finissant par s’affronter dans un Mexique à feu
et à sang, l’appât du gain de l’un s’opposant à la noblesse d’âme retrouvée de
l’autre.
Les héros de Richard Brooks suivent un même cheminement où
cependant leur lien au Mexique est plus fort. Rico et Bill sont des anciens
compagnons d’armes qui furent gagnés par la fièvre de la révolution. Ce retour
sur la terre de leurs combats n’est désormais plus guidé par la cause mais par
une lucrative récompense. Brooks met donc en valeur leurs aptitudes militaires
qu’il croise à celle plus associée au western classique de leurs acolytes avec
le pistage pour Woody Strode et le soin des chevaux pour Robert Ryan. Le froid
professionnalisme des soldats s’oppose ainsi à l’humanisme d’un Robert Ryan
novice, que ce soit dans la résistance au rude climat du désert ou au sort à
accorder aux chevaux ennemis après une embuscade. La raison est en tout cas
toujours donnée aux deux soldats, dans la science du combat comme dans l’attitude
détachée.
Le sourire goguenard et carnassier de Burt Lancaster (proche de son
personnage de Vera Cruz) se complète
ainsi à l’autorité naturelle et au bon sens stratégique de Lee Marvin (qui
quant à lui annonce son rôle d’instructeur dans Les Douze Salopards (1967)). L’objectif de la mission se déroulera
dans une même maîtrise avant qu’un coup de théâtre fasse tout voler en éclat.
Sous la distance de façade, toute cette première partie aura développé en
filigrane une certaine nostalgie des hauts faits guerriers qui eurent un sens,
un engagement et un certain romantisme pour les personnages. Réprimant ce
sentiment par le simple appât du gain, nos héros sont ramenés à leurs doutes
quand la mission ne sera pas ce qu’elle parait être avec la vraie nature de la
kidnappée (Claudia Cardinale) et du kidnappeur (Jack Palance), ex frères d’armes
aussi.
Tout le film change avec ce vacillement. Les scènes d’actions
impressionnantes mais mécanique car simples démonstrations du « savoir-faire »
militaire des héros prennent un tour plus déchirant. On pense à l’époustouflante
embuscade à un contre cinq que mène Burt Lancaster dans un canyon et où sous l’aspect
rigolard, chaque exécution est douloureuse notamment Chiquita (Marie Gomez)
cessant d’être une simple silhouette pulpeuse par sa mort déchirante. Jack
Palance lancera d’ailleurs une superbe tirade en comparant la Révolution aux
atours d’une femme dont on est amoureux et recelant plus de plaisir que la
maîtresse éphémère que constitue le seul attrait pécuniaire. Aldrich célébrait
l’héroïsme américain avec Gary Cooper tout en donnant de beaux atours à l’amoralité
symbolisée par Lancaster dans Vera Cruz.
Plus tard Sam Peckinpah donnera dans l’approche crépusculaire et la nostalgie
des « vrais » hommes avec La
Horde sauvage (1969) pour rester au Mexique, et dans Pat Garret et Billy le Kid (1973) si on l’étend au western au sens
large. Le propos de Richard Brooks est bien plus concret et politisé, Rico et
Bill étant une métaphore de la politique américaine. Les personnages auront
participé à la Révolution Mexicaine par engagement et volonté de libération
comme on pourrait l’interpréter l’action des Etats-Unis durant la Deuxième
Guerre Mondiale.
Leur retour au Mexique pour cette mission les rapprocherait
plus de l’impérialisme calculé associé à l’Amérique en ce milieu des années 60
avec la Guerre du Vietnam, les missiles de Cuba. Tout comme dans son précédent
et magnifique Lord Jim (1965), l’héroïsme
naît cependant du renoncement et peut faire retrouver grandeur d’âme aux héros
de Richard Brooks. C'est le sentiment qui domine la cinglante conclusion et qui en
fait un film à part, plus proche du sous-genre du « western Zapata »
qu’on trouve dans le western spaghetti et une œuvre comme El Chuncho (1966) sorti la même année.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sony
Fine chronique, magnifiquement éclairée pour un film d'aventure sensible, un western fin de règne par un Richard Brooks qui tire le meilleur de son casting six étoiles. Autre variation plus émouvante encore, celle de "la chevauchée sauvage" à venir.
RépondreSupprimerMerci ! Et effectivement très beau film que "La Chevauchée sauvage" pas revu depuis longtemps. J'aimerai beaucoup découvrir aussi le premier western de Brooks, "La Dernière chasse" qui a plutôt bonne réputation aussi.
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