Le film commence par la mort d'un marchand d'armes, Benar Shah, et son enterrement qui réunit, autour de sa veuve Amaranthe, un quatuor de barbouzes. Il y a son faux cousin français Francis Lagneau, son faux psychanalyste allemand Hans Müller, son faux frère de lait soviétique Boris Vassilieff et son faux confesseur suisse Eusebio Cafarelli. Tous sont là pour récupérer les secrets et l'héritage de l'industriel (des brevets sur des armes atomiques), mandatés par leurs gouvernements respectifs. Il faut aussi compter avec les dollars de l'Américain O'Brien et la présence de nombreux Chinois dans les passages secrets du château. Le Français dispose d’une autre arme pour arriver à ses fins : la séduction.
Un an après Les Tontons Flingueurs, la même équipe remettait le couvert, et c'est cette fois le film d'espionnage qui passe à la moulinette farceuse de Lautner. Si Les Tontons Flingueurs gardait une patine un peu plus classique en respectant sa trame de film policier malgré le délire ambiant, il en va tout autrement ici avec un scénario en roue libre et non dénué de baisse de régime. Cela est largement rattrapé par le foisonnement d'idées, de rebondissements et de ruptures de tons tous azimuts. La scène d'ouverture, avec son escalade de coups fourrés entre agents dans le train annonce l'esprit : tout est possible.
La voix off farceuse, le texte faussement sérieux vantant les mérites du métier de barbouzes et la présentation loufoque des différents agents secrets, c'est quasiment la Rubrique à brac de Gotlib mise en image, et on se dit que le OSS 117 de Jean Dujardin doit bien plus au film de Lautner qu'aux romans ou films sortis à la même époque (Ventura arrogant et goguenard, le patriotisme second degré assumé, la photo du Général De Gaulle).
Se reposant beaucoup moins sur les dialogues d'Audiard, Lautner fait preuve de bien plus de maîtrise que sur Les Tontons et l'humour essentiellement visuel fait mouche à chaque fois : les pièges que se tendent les espions sont à mourir de rire (la chasse d'eau piégée de Lino Ventura), les moments totalement décalés hilarant (Mireille Darc qui se maquille comme si de rien n'était, en pleine baston dantesque) et l'invasion du château par les chinois (déjà une grande peur à l'époque) grandiose.
Hormis Gotlib déjà cité, l’influence de la bd franco-belge est manifeste, et l’hystérie qui traverse l’ensemble évoque les planches les plus azimutées de Franquin, notamment l’album de Spirou et Fantasio QRN sur Bretzelburg, à l’intrigue d’espionnage tout aussi rocambolesque. Lautner, très en phase avec son époque au vu des éléments qu’il intègre dans ces films (ce que Ne nous fâchons pas confirmera), a très certainement plus que jeté un œil à ces œuvres, tant le parallèle semble évident.
On retrouve aussi, en plus amplifié et maîtrisé, plusieurs des aspects développés dans Les Tontons Flingueurs, ce grain de folie « bd » en plus, avec les cadrages alambiqués, les contre-plongées surprenantes très bd dans l'esprit, les purs moments expressionnistes et outrés à la Orson Welles...
Une nouvelle fois, le casting est exceptionnel en tout point. Lino Ventura (seul à être un tantinet sérieux et stoïque) est parfait en espion dur à cuire et touchant en séducteur maladroit, mais c’est surtout Francis Blanche, espion russe en roue libre, qui fait des étincelles aux côtés de Bernard Blier, diablement roublard en faux prêtre. Plongée au milieu du chaos, Mireille Darc montre des capacités de timing comique phénoménales, qui ne feront que s'améliorer dans ses films suivants.
Sorti en dvd chez Gaumont
Bande-annonce génialissime
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