Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 20 novembre 2011

City of Life and Death - Nanjing, Nanjing, Lu Chuan (2009)


Le film débute en 1937, au début de la seconde guerre sino-japonaise, lorsque l'Armée impériale japonaise investit Nankin, alors capitale de la République de Chine. Au terme de la bataille de Nankin, les troupes japonaises se livrent à un terrible massacre à l'encontre des civils chinois. Après le massacre, le film suit la vie de divers personnages, durant plusieurs mois, dans la ville ravagée : un enfant chinois qui tente de survivre ; un jeune soldat japonais traumatisé par la guerre ; l'allemand John Rabe, qui s'efforce de sauver la population ; une jeune institutrice chinoise, employée dans la zone de sûreté ; un Chinois, assistant de John Rabe et qui, après le rappel de ce dernier en Allemagne, essaie de sauver sa famille en collaborant avec les Japonais.

Si nombre de films chinois ou productions hongkongaises s’étaient déjà penchés sur la douloureuse période d’occupation japonaise (dont l'excellent et méconnu Red Dust traité sur le blog), aucune n’avait encore traité du massacre de Nanking. Véritable plaie ouverte dans la mémoire chinoise, cet événement vit après la défaite les troupes japonaises occuper la capitale, malmenant, tuant et violant la population durant de longues semaines.

Chuan Lu (remarqué chez nous avec Kekexili en 2004) eut d’ailleurs à franchir divers obstacles durant les quatre ans qui précédèrent le tournage, pour convaincre les censeurs chinois, le film ne titillant pas la fibre nationaliste autant que souhaité. C’est d’ailleurs un des rares défauts à relever ici, surtout dans la toute première partie, adoptant le point de vue des soldats chinois faits prisonniers. Trop didactique dans sa volonté de rigueur historique, la déroute puis le massacre des troupes chinoise ne confère pas totalement l’intensité souhaitée, car s’arrêtant trop à la surface gentil chinois contre méchant japonais (pas faux sur le fond mais les personnages sont plus des pantins idéologiques que des êtres de chairs et de sang). Néanmoins, le noir et blanc magnifique aux textures variables et quelques images saisissantes marquent la rétine comme cet océan de cadavres chinois à perte de vue.

La narration plus limpide de la seconde partie, alternant les points de vues de l’oppresseur japonais et des rescapés civils chinois fonctionne beaucoup mieux. L’émotion peut donc enfin naître face au destin sordide de cette population chinoise soumise à la barbarie de l’occupant. Les tragédies et scènes de violence insoutenables s’enchaînent ainsi sous nos yeux révulsés, où humiliations, viols et assassinats peuplent le quotidien des chinois. Les femmes surtout, y sont véritablement traitées comme de la chair à soldats concupiscents, que ce soit les prostituées japonaises « volontaires » ou les chinoises brutalisées.

Un des points passionnants abordés par Chuan Lu (et qui lui valut des difficultés) est de se placer du côté japonais. Tout monstrueux que soient leurs agissements, le réalisateur n’en fait pas des figures menaçantes et abstraites. Au contraire, il se penche sur leur quotidien, la camaraderie et la complicité qui les lient. Ce sont des hommes comme les autres à qui le contexte permet de s’abandonner à leur penchant les plus barbares. Si certains sont réellement malfaisants et terrifiants (dont un qui n’a rien à envier au Ralph Fiennes de La Liste de Schindler) ce traitement permet d’accepter l’éveil de l’humanité et de la compassion chez d’autres.

Le personnage de Kadokawa évoque ainsi le Tatsuya Nakadai de La Condition de l'Homme (triptyque humaniste fleuve réalisé par Masaki Kobayashi en 1959) en moins actif, témoin impuissant de la cruauté ordinaire de ses compatriotes. La réplique finale, « la mort est plus douce que la vie » montre le degré de désespoir atteint avec ce seul échappatoire à la souffrance et à la culpabilité. Malgré une ultime image sur une note d’espoir après les atrocités aperçues, la pilule reste bien amère. Des hommes qui souffrent et d’autres qui s’en délectent, au delà des clivages nationaux : Chuan Lu a finalement réussi son pari.

Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo


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