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lundi 9 mai 2016

Le Signe du païen - Sign of the Pagan, Douglas Sirk (1954)

En l'an 450, alors que les rivalités entre les empereurs de Rome et de Constantinople fragilisent la toute-puissance de l'empire romain, Marcian, un centurion chargé d'acheminer un message vers Constantinople, est capturé par les Huns. Leur chef, Attila, le fléau de Dieu, a décidé de profiter de la décadence de l'empire pour faire tomber les murs de Rome.

Si durant sa carrière américaine Douglas Sirk signera des chefs d’œuvre dans son registre de prédilection qu’est le mélodrame, il n’en reste pas moins un artisan de studio se pliant à des commandes parfois bien éloignées de sa sensibilité. Il s’acquitte donc avec plus (le film d’aventure Capitaine Mystère (1955)) ou moins (le western Taza, fils de Cochise (1954)) de réussite à la tâche comme avec le péplum Le Signe du Païen. Après le succès du Quo Vadis (1951) d Mervyn LeRoy, le genre connaît son âge d’or à Hollywood à travers des fresques opulentes. Le Signe du Païen s’inscrit dans le péplum biblique, avec comme d’habitude un respect historique tout relatif. Contrairement au film, c’est entre l’empire Romain d’Occident en déconfiture qui avait cédé aux Huns des territoires contre la paix et celui d’Orient menacé d’invasion par Attila. A cette l’épopée d’Attila revisitée s’ajoute des figures bien réelles avec l’officier romain Marcian (Jeff Chandler) devenu empereur en épousant l’impératrice Pulchérie (Ludmilla Tcherina) et succédant à Théodose (George Dolenz). Le choc des civilisations se fait donc entre l’Empire Romain et les barbares et plus particulièrement entre le Christianisme représenté par Rome et le culte païen célébré par les Huns. 

C’est précisément lorsqu’il s’intéresse à cette opposition que Sirk offre les moments les plus intéressants du film. Le cinéaste, si apte à conférer une vraie emphase visuelle aux pics émotionnels de ses mélodrames est à l’inverse très brouillon pour mettre en scène les morceaux de bravoures et l’imagerie spectaculaire du péplum. Les moyens semblent pourtant là - en témoignent les quelques plans d’ensemble chargés en figurants lors des chevauchées des Huns et quelques décors studios – mais le résultat est très étriqué et finalement moins impressionnant que le pendant italien sorti la même année, Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisi avec Anthony Quinn dans le rôle-titre. Les intrigues de palais permettent cependant au réalisateur de s’approprier le récit de manière intéressante. La révélation mystique est au cœur de l’œuvre de Douglas Sirk, dans une idée plus spirituelle que religieuse notamment dans l’éveil à l’amour qui se conjugue à celui pour la nature environnante pour la Jane Wyman de Tout ce que le ciel permet (1955).

Dans Le Secret Magnifique (1954) l’égoïste et richissime Rock Hudson allait enfin se soucier d’autrui dans une même révélation mystique. C’est un personnage voisin d’Attila qu’incarne ici Jack Palance, guerrier fier, plein d’assurance et avide de revanche envers l’Empire Romain. Toute la première partie tend à mettre en valeur son brio tactique, son arrogance et ses aptitudes guerrières hors pairs. On pense à son arrivée tonitruante lors du festin que donne l’empereur Théodose pour les barbares où il impose autorité et puissance en humiliant le champion romain. Malgré le manque d’ampleur de la mise en scène de Sirk – d’autant plus regrettable avec un acteur du charisme de Jack Palance - l’effet est bien là et se prolonge dans les interactions des autres personnages et Attila, pas plus impressionné par le prestige de l’empereur que séduit par les charmes de la princesse Pulchérie.

La révélation mystique rendait Rock Hudson meilleur dans Le Secret Magnifique, elle rendra ici Attila vulnérable. Les présages fendent son armure et le rendent craintif du vrai pouvoir de ce Dieu chrétien. Sirk use de cliché du péplum biblique avec la conversion béate de Kubra (Rita Gam) la fille d’Attila mais aussi d’une pure symbolique par l’image. Dans cette idée le ridicule un peu cheap (un éclair qui fend un arbre) alterne avec des visions sublimes telle cette apparition fantomatique de la barque du Pape Léon 1er, surgissant des brumes nocturnes du Tibre - dans une superbe photo bleutée de Russell Metty.  Si l’on ne sent pas une exaltation particulière de Sirk pour le Christianisme – malgré la multitude de compositions de plan faisant surgir la croix -, il s’en sert comme révélateur d’Attila redevenu humain et écrasé par une force qui le dépasse. 

Jack Palance excelle dans l’incarnation de cette force de la nature qui se désagrège et confirme que chez Sirk, d’Écrit sur du vent à la Ronde de l’aube en passant par Mirage de la vie, les vrais héros sont aussi les plus torturés. Jeff Chandler, figure de stabilité et de sagesse parvient néanmoins à exister par son charisme et le pivot que signifie son personnage face à la cupidité, lâcheté et folie que représentent les figures de puissances. C’est dans cette veine réflexive et intimiste que Le Signe du Païen captive, une ultime bataille indigente confirmant que l’intérêt de Sirk n’était définitivement pas là.

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films

 

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