En l'an 450, alors que
les rivalités entre les empereurs de Rome et de Constantinople fragilisent la
toute-puissance de l'empire romain, Marcian, un centurion chargé d'acheminer un
message vers Constantinople, est capturé par les Huns. Leur chef, Attila, le
fléau de Dieu, a décidé de profiter de la décadence de l'empire pour faire
tomber les murs de Rome.
Si durant sa carrière américaine Douglas Sirk signera des
chefs d’œuvre dans son registre de prédilection qu’est le mélodrame, il n’en
reste pas moins un artisan de studio se pliant à des commandes parfois bien
éloignées de sa sensibilité. Il s’acquitte donc avec plus (le film d’aventure Capitaine Mystère (1955)) ou moins (le
western Taza, fils de Cochise (1954))
de réussite à la tâche comme avec le péplum Le
Signe du Païen. Après le succès du Quo
Vadis (1951) d Mervyn LeRoy, le genre connaît son âge d’or à Hollywood à
travers des fresques opulentes. Le Signe
du Païen s’inscrit dans le péplum biblique, avec comme d’habitude un
respect historique tout relatif. Contrairement au film, c’est entre l’empire Romain
d’Occident en déconfiture qui avait cédé aux Huns des territoires contre la
paix et celui d’Orient menacé d’invasion par Attila. A cette l’épopée d’Attila revisitée
s’ajoute des figures bien réelles avec l’officier romain Marcian (Jeff
Chandler) devenu empereur en épousant l’impératrice Pulchérie (Ludmilla
Tcherina) et succédant à Théodose (George Dolenz). Le choc des civilisations se
fait donc entre l’Empire Romain et les barbares et plus particulièrement entre
le Christianisme représenté par Rome et le culte païen célébré par les Huns.
C’est précisément lorsqu’il s’intéresse à cette opposition
que Sirk offre les moments les plus intéressants du film. Le cinéaste, si apte
à conférer une vraie emphase visuelle aux pics émotionnels de ses mélodrames
est à l’inverse très brouillon pour mettre en scène les morceaux de bravoures
et l’imagerie spectaculaire du péplum. Les moyens semblent pourtant là - en témoignent
les quelques plans d’ensemble chargés en figurants lors des chevauchées des
Huns et quelques décors studios – mais le résultat est très étriqué et
finalement moins impressionnant que le pendant italien sorti la même année, Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisi
avec Anthony Quinn dans le rôle-titre. Les intrigues de palais permettent
cependant au réalisateur de s’approprier le récit de manière intéressante. La
révélation mystique est au cœur de l’œuvre de Douglas Sirk, dans une idée plus
spirituelle que religieuse notamment dans l’éveil à l’amour qui se conjugue à
celui pour la nature environnante pour la Jane Wyman de Tout ce que le ciel permet (1955).
Dans Le Secret Magnifique (1954) l’égoïste et richissime Rock Hudson
allait enfin se soucier d’autrui dans une même révélation mystique. C’est un
personnage voisin d’Attila qu’incarne ici Jack Palance, guerrier fier, plein d’assurance
et avide de revanche envers l’Empire Romain. Toute la première partie tend à
mettre en valeur son brio tactique, son arrogance et ses aptitudes guerrières
hors pairs. On pense à son arrivée tonitruante lors du festin que donne l’empereur
Théodose pour les barbares où il impose autorité et puissance en humiliant le
champion romain. Malgré le manque d’ampleur de la mise en scène de Sirk – d’autant
plus regrettable avec un acteur du charisme de Jack Palance - l’effet est bien
là et se prolonge dans les interactions des autres personnages et Attila, pas
plus impressionné par le prestige de l’empereur que séduit par les charmes de
la princesse Pulchérie.
La révélation mystique rendait Rock Hudson meilleur dans Le Secret Magnifique, elle rendra ici Attila
vulnérable. Les présages fendent son armure et le rendent craintif du vrai
pouvoir de ce Dieu chrétien. Sirk use de cliché du péplum biblique avec la
conversion béate de Kubra (Rita Gam) la fille d’Attila mais aussi d’une pure
symbolique par l’image. Dans cette idée le ridicule un peu cheap (un éclair qui
fend un arbre) alterne avec des visions sublimes telle cette apparition
fantomatique de la barque du Pape Léon 1er, surgissant des brumes
nocturnes du Tibre - dans une superbe photo bleutée de Russell Metty. Si l’on ne sent pas
une exaltation particulière de Sirk pour le Christianisme – malgré la multitude
de compositions de plan faisant surgir la croix -, il s’en sert comme
révélateur d’Attila redevenu humain et écrasé par une force qui le dépasse.
Jack Palance excelle dans l’incarnation de cette force de la nature qui se
désagrège et confirme que chez Sirk, d’Écrit sur du vent à la Ronde de l’aube
en passant par Mirage de la vie, les
vrais héros sont aussi les plus torturés. Jeff Chandler, figure de stabilité et
de sagesse parvient néanmoins à exister par son charisme et le pivot que
signifie son personnage face à la cupidité, lâcheté et folie que représentent
les figures de puissances. C’est dans cette veine réflexive et intimiste que Le Signe du Païen captive, une ultime
bataille indigente confirmant que l’intérêt de Sirk n’était définitivement pas
là.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
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