Retour à Babylone
est la suite du cultissime Hollywood Babylone, compilation de faits divers et
affaires de mœurs sordides des icônes ou figures oubliées de l’âge d’or hollywoodien.
Le style percutant et ironique de Kenneth Anger en faisait un plaisir coupable
où l’on se délectait de la fange dissimulée derrière l’usine à rêve, et où la
vérité des faits racontés importait finalement peu au vu du panache déployé à
les dépeindre. Même s’il fut enrichit lors de ses éditions américaines de 1965
et 1974, la proximité de la rédaction de l’ouvrage - première édition française
en 1959, expurgée des ragots concernant les personnalités encore en activité - avec
un âge hollywoodien déclinant mais vivace lui donnait un vrai fil conducteur.
Kenneth Anger dépeignait l’opulence et le stupre étalés au grand jour des stars
hollywoodiennes du muet bientôt confrontés à un retour à l’ordre moral
symbolisé par l’instauration du Code Hays qui coïncidait avec l’avènement du
parlant. Les mœurs n’en restaient pas moins dissolues mais devaient désormais
être dissimulées. Cette dichotomie provoquerait le triomphe de la presse à
scandale dont Anger reprend la verve pour s’amuser ou s’émouvoir des excès et
destins brisés des icônes tout comme des personnalités oubliées. On avait ainsi
une vraie progression, chronologique - des années 20 aux années 50 - sociologiques
quant au regard changeant du public sur les dérapages des idoles – le moralisme
cédant à une tolérance amusée pour un Errol Flynn entre autre – et nominatives
quant aux stars évoquées et des tentations changeantes provoquant chute. Pour
résumer, Hollywood Babylone sous le racolage était le fruit d’une vraie
réflexion qui l’empêchait de tomber dans l’écueil auquel cède ce second volet :
la simple compilation de ragots crapoteux.
Paru un 1984, le livre est nettement plus éloignés des personnalités
et évènement dépeint. Alors que Hollywood Babylone donnait l’illusion de
survoler une feuille à scandale d’époque, Kenneth Anger nous place ici à
distance avec ces allusions l’Amérique des 80’s et notamment un Ronald Reagan
étrillé plus pour son action de président que pour sa carrière d’acteur. Cette
distance se ressent aussi par un jugement moral qui était absent du premier
livre pétrit d’un savoureux cynisme même pour les faits divers les plus
glauques. Entre redites du précédent (le suicide gracieux manqué de Lupe
Velez), faits redondant même si sans doute plus neufs en 1984 (Hitchcock et son
harcèlement de Tippi Hedren, la notule superficielle sur Le Dahlia Noir) et
gros raccourcis, le contenu est nettement moins riche.
Heureusement l’auteur nous réserve quelques portraits
savoureux. La liaison de Joe Kennedy avec Gloria Swanson (avec Erich Von
Stroheim en dommage collatéral) et ses magouilles avortées pour s’imposer dans
le monde du cinéma offrent quelques situations gratinées qu’Anger lie
habilement à l’évolution des mœurs hollywoodiennes – la défense sauvant d’une
fausse accusation de viol façonnant celle qui sauvera plus tard un Errol Flynn
pour des abus bien réels. C’est cependant lorsqu’il s’attaque à des figures
oubliées que l’auteur captive le plus. La star du muet reconvertie en célèbre
décorateur William Haines donne un aperçu glaçant de la violence de l’homophobie
d’alors. Le couple Paul Kelly/ Dorothy Mackaye émeut en transcendant le
scandale - Kelly ayant tabassé jusque mort s’ensuive l’époux de sa maîtresse -
par ses sentiments sincères et recycle habilement ses mésaventures dans le film
Lady they talk about (1933) avec
Barbara Stanwyck – inspiré du séjour en prison de Dorothy Mackaye considérée
comme complice. Le meilleur concernera cependant la sexualité débridée du
spécialiste des rôles de savant fou Lionel Atwill (vu dans Docteur X (1932) et Le Masque de Cire (1933) de Michael Curtiz)
et de ses conséquences judiciaires, Anger se délectant dans la description
détaillée d’une orgie de nouvel an impliquant diverses stars. L’un des derniers
chapitres avec son best-of des suicidés et de leurs méthodes est à la fois
drôle, pathétique et percutant en plus de permettre au cinéphile de compléter
la liste puisqu’on y évoque Richard Quine qui mettra fin à ses jours en 1989.
Pour résumer donc une agréable lecture mais un ouvrage moins définitif,
novateur et inventif que son prédécesseur. Finalement c’est tout aussi bien que
Kenneth Anger ne soit pas parvenu à publier le troisième volet qu’il
envisageait - car il aurait été fortement question de Tom Cruise et de la
scientologie.
Paru aux éditions Tristram
J'ai aussi acheté ce livre, ayant le premier tome, j'assume complètement le coté "ragots" quand ils sont vrais, sur la vie privée et autres bizarreries d'acteurs/trices ou de réalisateurs que j'aime, la mort d'Albert Dekker par exemple, retrouvé étranglé dans sa baignoire lors d'un exercice de heu... stimulation érotique, m'a appris au delà de ce triste évènement que fut sa mort, un peu plus sur la personnalité de ce grand acteur (La Horde Sauvage, Dr Cyclops, Les Tueurs, En 4e Vitesse )...
RépondreSupprimerAprès que James Dean ait eu une personnalité d'homosexuel maso, cela ne m'intéresse pas. Ha ha, chacun son truc.
Concernant Kenneth Anger, j'ai l'édition BFI de son Magic Lantern Cycle, et bof moi qui aime bien les formes de surréalisme dans les films, je n'ai pas accroché à son/ses univers...
Moi non pas de problème avec le côté ragots, même quand c'est faux aussi d'ailleurs vu l'humour avec lequel c'est tourné par Kenneth Anger. Mais derrière ça il y avait un vrai fil conducteur dans Hollywood Babylone qui est absent du second.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il a de l'humour, ce qui fait mieux passer ces récits pour la plupart mélodramatiques. Et pour avoir fouillé leur vies, l'on sent qu'il a de l'affection pour tous ces artistes...
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