Au début du XVIème
siècle, le jeune Pedro de Vargas, après avoir provoqué les foudres de
l’Inquisition, est enfermé en prison avec sa famille. Il s’évade et part pour
le Nouveau Monde, en compagnie de son ami Juan Garcia et de la belle paysanne
Catana Perez. Sous les ordres d’Hernando Cortez, la conquête de ce qui
deviendra l’Amérique du Sud commence...
Capitaine de Castille
est une des productions hollywoodiennes les plus fastueuses des années 40,
porté par le duo Henry King / Tyrone Power. Le réalisateur et sa star furent associés
à certains des projets les plus spectaculaires, nantis et Technicolor de la Fox
les années précédentes avec entre autres les succès du Brigand bien-aimé (1939) ou Le Cygne noir (1942). Capitaine de
Castille est un projet plus ambitieux encore, la Fox allouant un budget
pharaonique pour illustrer la conquête du Nouveau Monde par Cortez avec la
volonté d’un tournage essentiellement en extérieurs au Mexique, sur les lieux
même de ces hauts faits.
La première partie du film est ce qui se rapproche le plus
de l’attente qu’on a d’un film d’aventure du duo. Elle représente la
description de la vieille Europe, de ses conflits idéologiques, ses inégalités
sociales et sa justice arbitraire. Nous découvrons ce contexte à travers le
regard du jeune Pedro de Vargas (Tyrone Power) dont la bonté et le bon sens
vont faire tout perdre. Ayant osé défier l’autorité de Diego De Silva (John
Sutton), de Vargas subit les foudres de l’Inquisition dont il est le chef. La religion
s’avère être un instrument de pouvoir pour le sournois De Silva, qualifiant d’hérétique,
enfermant et torturant quiconque lui déplait. Nous aurons précédemment
découvert l’attrait pour l’ailleurs de de Vargas, la rencontre avec l’aventurier
Juan Garcia (Lee J. Cobb) offrant un horizon plus palpitant que sa vie noble et
l’attrait de la paysanne Catana (Jean Peters) des promesses plus sensuelle que
la cour rigide qu’il fait à Luisa De Carvajal (Barbara Lawrence) de son statut.
Les évènements dramatiques vont lui faire perdre rang, honneur et être cher, le
laissant libre de tout reconstruire et trouver fortune dans ce Nouveau Monde
qui l’attire tant. Riches en rebondissements et actions (cavalcades à cheval,
féroce duel à l’épée) cette première partie est trompeuse quant à la suite du
film.
L’odyssée au sein du Nouveau Monde sera avant tout intimiste
pour notre héros. Cet ailleurs est un moyen de trouver sa place pour Catana
libérée des entraves sociales de l’Europe, d’apaiser ses démons pour Juan
Garcia dont le terrible drame se révélera et d’oublier la violence à laquelle
il s’est rabaissé par vengeance pour Pedro de Vargas. Le faste et le
spectaculaire du film réside plus dans l’illustration que la pure action. L’imagerie
se faire tour à tour exotique avec les populations bariolées rencontrées,
grandiose avec les vues majestueuses sur les extérieurs impressionnants – photo
magnifique de Arthur E. Arling et Charles G. Clarke, King faisant des
infidélités à Leon Shamroy - mais aussi minutieuses avec le soin apportés aux
décors de temple, à la reconstruction des armadas et des armures rutilantes des
conquistadors. Cette approche évite de tomber dans le film bassement colonial,
respectant d’ailleurs ainsi les circonstances de la véritable avancée de
Cortez. Cette volonté des conquistadors de soumettre les autochtones à leurs
religions, de s’approprier les trésors de ces contrées éloignées est
questionnée mais ne passe pas systématiquement par la violence.
Henry King
dépeint ainsi dans le détail la diplomatie se jouant entre Cuba qui souhaite
avoir sa part du butin des conquistadors mais aussi les autochtones dont le
respect ne sera gagné qu’en traversant les îles jusqu’à parvenir aux portes du
royaume de l’empereur aztèque Moctezuma. Le rituel fait de cadeaux visant à
satisfaire les étrangers et les inciter
à ne pas pousser plus loin leur périple se répète donc à plusieurs
reprises, ne lassant jamais grâce au charisme et à la truculence de Cesar
Romero qui trouve le rôle de sa vie en Cortez. Le scénario ne joue guère des
difficultés météorologiques pour créer des péripéties ralentissant le parcours,
la marche semble constamment triomphale dans sa vision grandiloquente et les
difficultés naîtront toujours de l’humain. Ce sera soit dans le cercle
disparate des conquistadors (le vol du butin par des mutins) soit de manière
plus intime chez nos personnages. La romance entre Tyrone Power et Jean Peters
est aussi sensuelle qu’attachante, l’actrice pour son premier rôle au cinéma
(bénéficiant du refus de David O’Selznick de prêter sa femme Jennifer Jones à
la Fox, et d’une Linda Darnell – qui fit des étincelles avec Tyrone Power dans Le Signe de Zorro (1940) – coincée sur
le tournage de Ambre (1947) d’Otto
Preminger) imposant une présence lascive envoutante. King les unit au rythme d’une
magnifique scène de danse où le rapprochement et la complicité des mouvements
suffit à définir leur lien.
Fort des épreuves et de la sagesse acquis lors de l’épopée,
un ultime rebondissement confronte de Vargas à son passé dans une mise à l’épreuve
amenant des sentiments contrastés. L’amitié entre l’européen et l’aztèque est
rendu possible le temps d’un beau sacrifice, mais symbolise finalement le
triomphe futur de l’envahisseur plus maître de ses émotions et calculateur.
Cette idée s’exprime dans l’extraordinaire séquence finale, montrant Cortez et
ses troupes parcourir l’immensité du passage menant au palais de Moctezuma. Ils
se fondent fièrement dans le panorama monumental (King profitant d’une réelle
éruption de volcan qu’on distingue en arrière-plan pour accentuer la puissance
de ses images), comme en terrain déjà conquis. Par la diplomatie ou les
combats, ces terres seront à eux. Si l’on ne s’y essaie pas dans une attente d’aventures
pétaradantes et qu’on se laisse porter, une œuvre passionnante.
Sorti en dvd zone 2 français chez Fox
Merci Justin pour ta critique et ces belles captures. Le film fait depuis des années partie des "films à voir" sur mes étagères, et tu m'as redonné envie de le voir.
RépondreSupprimerStrum
Merci Strum, oui un bien beau livre d'images et propos qui évite le manichéisme quant au contexte ça pourrait te plaire. Henry King c'est souvent un bonheur formellement !
RépondreSupprimerHummm.... C'est une bien belle critique, mais j'avoue que j'avais été déçue en regardant ce film, il y a quelques années... La césure entre les deux parties du film (Espagne et Nouveau Monde) m'avait parue un peu artificielle et malgré la beauté des paysages, cela manque par trop de regard critique sur l'aventure des Conquistadors. Mais, si on aime le genre, à voir, vraiment !
RépondreSupprimerJe trouve que le film oscille bien entre imagerie triomphale et critique des conquistadors sans trop appuyer et en faisant confiance à la compréhension du spectateur. Toutes les scènes de cadeaux et de diplomatie dans l'avancée laissent bien comprendre le jeu des conquistadors malgré le côté rieur. Et à la fin c'est plus explicite lorsque Tyrone Power retrouve l'ami azteque qu'il a sauvé en début de film en Espagne et qui est désormais un ennemi. Mais c'est vrai que le film peu être déceptif par la césure entre la première partie trépidante et mouvementée puis la seconde plus posée et intimiste. On sera d'acorrd pour les somptueux décors par contre ;-)
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