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lundi 30 mai 2016

Capitaine de Castille - Captain from Castile, Henry King (1947)


Au début du XVIème siècle, le jeune Pedro de Vargas, après avoir provoqué les foudres de l’Inquisition, est enfermé en prison avec sa famille. Il s’évade et part pour le Nouveau Monde, en compagnie de son ami Juan Garcia et de la belle paysanne Catana Perez. Sous les ordres d’Hernando Cortez, la conquête de ce qui deviendra l’Amérique du Sud commence...

Capitaine de Castille est une des productions hollywoodiennes les plus fastueuses des années 40, porté par le duo Henry King / Tyrone Power. Le réalisateur et sa star furent associés à certains des projets les plus spectaculaires, nantis et Technicolor de la Fox les années précédentes avec entre autres les succès du Brigand bien-aimé (1939) ou Le Cygne noir (1942). Capitaine de Castille est un projet plus ambitieux encore, la Fox allouant un budget pharaonique pour illustrer la conquête du Nouveau Monde par Cortez avec la volonté d’un tournage essentiellement en extérieurs au Mexique, sur les lieux même de ces hauts faits.

La première partie du film est ce qui se rapproche le plus de l’attente qu’on a d’un film d’aventure du duo. Elle représente la description de la vieille Europe, de ses conflits idéologiques, ses inégalités sociales et sa justice arbitraire. Nous découvrons ce contexte à travers le regard du jeune Pedro de Vargas (Tyrone Power) dont la bonté et le bon sens vont faire tout perdre. Ayant osé défier l’autorité de Diego De Silva (John Sutton), de Vargas subit les foudres de l’Inquisition dont il est le chef. La religion s’avère être un instrument de pouvoir pour le sournois De Silva, qualifiant d’hérétique, enfermant et torturant quiconque lui déplait. Nous aurons précédemment découvert l’attrait pour l’ailleurs de de Vargas, la rencontre avec l’aventurier Juan Garcia (Lee J. Cobb) offrant un horizon plus palpitant que sa vie noble et l’attrait de la paysanne Catana (Jean Peters) des promesses plus sensuelle que la cour rigide qu’il fait à Luisa De Carvajal (Barbara Lawrence) de son statut. Les évènements dramatiques vont lui faire perdre rang, honneur et être cher, le laissant libre de tout reconstruire et trouver fortune dans ce Nouveau Monde qui l’attire tant. Riches en rebondissements et actions (cavalcades à cheval, féroce duel à l’épée) cette première partie est trompeuse quant à la suite du film.

L’odyssée au sein du Nouveau Monde sera avant tout intimiste pour notre héros. Cet ailleurs est un moyen de trouver sa place pour Catana libérée des entraves sociales de l’Europe, d’apaiser ses démons pour Juan Garcia dont le terrible drame se révélera et d’oublier la violence à laquelle il s’est rabaissé par vengeance pour Pedro de Vargas. Le faste et le spectaculaire du film réside plus dans l’illustration que la pure action. L’imagerie se faire tour à tour exotique avec les populations bariolées rencontrées, grandiose avec les vues majestueuses sur les extérieurs impressionnants – photo magnifique de Arthur E. Arling et Charles G. Clarke, King faisant des infidélités à Leon Shamroy - mais aussi minutieuses avec le soin apportés aux décors de temple, à la reconstruction des armadas et des armures rutilantes des conquistadors. Cette approche évite de tomber dans le film bassement colonial, respectant d’ailleurs ainsi les circonstances de la véritable avancée de Cortez. Cette volonté des conquistadors de soumettre les autochtones à leurs religions, de s’approprier les trésors de ces contrées éloignées est questionnée mais ne passe pas systématiquement par la violence. 

Henry King dépeint ainsi dans le détail la diplomatie se jouant entre Cuba qui souhaite avoir sa part du butin des conquistadors mais aussi les autochtones dont le respect ne sera gagné qu’en traversant les îles jusqu’à parvenir aux portes du royaume de l’empereur aztèque Moctezuma. Le rituel fait de cadeaux visant à satisfaire les étrangers et les inciter  à ne pas pousser plus loin leur périple se répète donc à plusieurs reprises, ne lassant jamais grâce au charisme et à la truculence de Cesar Romero qui trouve le rôle de sa vie en Cortez. Le scénario ne joue guère des difficultés météorologiques pour créer des péripéties ralentissant le parcours, la marche semble constamment triomphale dans sa vision grandiloquente et les difficultés naîtront toujours de l’humain. Ce sera soit dans le cercle disparate des conquistadors (le vol du butin par des mutins) soit de manière plus intime chez nos personnages. La romance entre Tyrone Power et Jean Peters est aussi sensuelle qu’attachante, l’actrice pour son premier rôle au cinéma (bénéficiant du refus de David O’Selznick de prêter sa femme Jennifer Jones à la Fox, et d’une Linda Darnell – qui fit des étincelles avec Tyrone Power dans Le Signe de Zorro (1940) – coincée sur le tournage de Ambre (1947) d’Otto Preminger) imposant une présence lascive envoutante. King les unit au rythme d’une magnifique scène de danse où le rapprochement et la complicité des mouvements suffit à définir leur lien.

Fort des épreuves et de la sagesse acquis lors de l’épopée, un ultime rebondissement confronte de Vargas à son passé dans une mise à l’épreuve amenant des sentiments contrastés. L’amitié entre l’européen et l’aztèque est rendu possible le temps d’un beau sacrifice, mais symbolise finalement le triomphe futur de l’envahisseur plus maître de ses émotions et calculateur. Cette idée s’exprime dans l’extraordinaire séquence finale, montrant Cortez et ses troupes parcourir l’immensité du passage menant au palais de Moctezuma. Ils se fondent fièrement dans le panorama monumental (King profitant d’une réelle éruption de volcan qu’on distingue en arrière-plan pour accentuer la puissance de ses images), comme en terrain déjà conquis. Par la diplomatie ou les combats, ces terres seront à eux. Si l’on ne s’y essaie pas dans une attente d’aventures pétaradantes et qu’on se laisse porter, une œuvre passionnante. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Fox 

4 commentaires:

  1. Merci Justin pour ta critique et ces belles captures. Le film fait depuis des années partie des "films à voir" sur mes étagères, et tu m'as redonné envie de le voir.
    Strum

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  2. Merci Strum, oui un bien beau livre d'images et propos qui évite le manichéisme quant au contexte ça pourrait te plaire. Henry King c'est souvent un bonheur formellement !

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  3. Hummm.... C'est une bien belle critique, mais j'avoue que j'avais été déçue en regardant ce film, il y a quelques années... La césure entre les deux parties du film (Espagne et Nouveau Monde) m'avait parue un peu artificielle et malgré la beauté des paysages, cela manque par trop de regard critique sur l'aventure des Conquistadors. Mais, si on aime le genre, à voir, vraiment !

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  4. Je trouve que le film oscille bien entre imagerie triomphale et critique des conquistadors sans trop appuyer et en faisant confiance à la compréhension du spectateur. Toutes les scènes de cadeaux et de diplomatie dans l'avancée laissent bien comprendre le jeu des conquistadors malgré le côté rieur. Et à la fin c'est plus explicite lorsque Tyrone Power retrouve l'ami azteque qu'il a sauvé en début de film en Espagne et qui est désormais un ennemi. Mais c'est vrai que le film peu être déceptif par la césure entre la première partie trépidante et mouvementée puis la seconde plus posée et intimiste. On sera d'acorrd pour les somptueux décors par contre ;-)

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