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lundi 21 janvier 2019

Une femme qui s'affiche - it should happen to you, George Cukor (1953)

Gladys Clover, mannequin sans emploi, dépense ses dernières économies pour louer un panneau publicitaire à Columbus Circle, où elle fait écrire son nom en lettres gigantesques. Elle se heurte à Evan Adams III, roi du savon, qui convoite cet emplacement. Gladys devient rapidement une célébrité grâce à cette publicité et est courtisée par Adams.

George Cukor avec Une femme s'affiche un vrai film précurseur sur la quête de célébrité. Non pas que ces sujets ne soient pas en vogue durant les années 50 , mais à l'aune des quinze minutes de célébrités chères à Andy Warhol et de l'avènement des réseaux sociaux, ils trouvent aujourd'hui un force supplémentaire. Glady Clover (Judy Holliday) et sa quête maladive de reconnaissance ferait ainsi aujourd'hui de la téléréalité et/ou poursuivrai son but avec la même folie que le Robert de Niro de La Valse des pantins (1983). Le scénario de Garson Kanin évite ces détours trop sombres tout en se montrant tout à fait cinglant.

L'atout est de faire reposer l'empathie sur la prestation de Judy Holliday qui campe une fille du peuple candide pensant surmonter sa condition (entre la médiocrité de sa province d'origine et l'anonymat social de sa vie urbaine précaire) par la célébrité. Tout comme elle avait su magnifiquement humaniser un rôle caricatural d'idiote dans Comment l'esprit vient aux femmes de George Cukor (1950), Judy Holliday humanise l'héroïne qui ne sombrera jamais dans la monstruosité du protagoniste de Un homme dans la foule de Elia Kazan (1957). Parallèlement l'amoureux joué avec une belle sensibilité par Jack Lemmon (dans son premier rôle au cinéma) offre un regard critique bienveillant et une voie de salut à cette célébrité vaine.

La vraie critique de Cukor porte finalement sur le peuple suiveur, sorte d'entité uniforme attiré par la lumière avec cette scène où s'agglutinent tous autour de Glady en reconnaissant dans son nom celui qui s'affiche dans toute la ville (ce côté groupe à pensée unique annonce la scène d'hippodrome de My Fair Lady (1964). L'autre critique même si plus classique portera sur les vautours cherchant à s'approprier la quête de regard finalement assez innocente de Gladys et, même si cet aspect est rebattu, Cukor y associe une dimension féministe qui lui est propre avec cette femme rabaissée/manipulée comme dans Hantise (1944) ou Comment l'esprit vient aux femmes (et en quête d'identité comme La Croisée des destins (1955) ou Femmes (1939)).

Le réalisateur anticipe le narcissisme des réseaux sociaux en une scène magistrale où Gladys fait en boucle le tour en voiture de la place où elle peut regarder l'immense affiche qui porte son nom (et plus tard le tour de la ville quand elle se démultiplieront) comme on reviendrait aujourd'hui admirer ses photos sur instagram. La folie des selfies s'annonce également dans l'émeute pour un autographe où les demandeurs sont simplement attiré par la célébrité sans connaître son nom ni ce qu'elle fait. Le renommée sans socle ou talent sur lequel reposer suffit un temps à Gladys (là aussi la vedette de téléréalité n'est pas loin) mais Cukor n'ose pas une vision trop désabusée et cynique ans un final bienveillant. Une belle réussite semble-t-il assez méconnue du réalisateur.

Sorti en dvd zone 2 français chez Sony 

1 commentaire:

  1. bonsoir. Vu sur le cable en décembre.Une trés bonne surprise et une excellente comédie. Judy Holliday est épatante, et pas si cruche, et féministe comme vous le soulignez. On s'amuse vraiment et cette réflexion sur la célébrité est une peinture très fine sur l'Amérique, le pays où tout le monde a sa chance et peut réussir à partir de rien et où on est connu parce qu'on est.. connu sans qu'on sache pourquoi (livre L'image de Daniel Boorstin).

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