Le motif de l'errance et plus spécifiquement du road-movie est un
élément récurrent de la filmographie de Koichi Sato. Ce voyage est à la
fois physique et intérieur pour, au bout du chemin, servir de révélateur
aux personnages. Sato signe de belles réussites où ce cheminement sert
le passage à l'âge adulte dans le beau Journey into solitude (1972) mais aussi une observation du couple, en devenir ou au bord de la rupture dans The Rendezvous (1972) ou La Ballade de Tsugaru (1973). Avant ces deux œuvres, Koichi Sato réalisa ce Shadow of Déception
où l'errance du couple adultère formé par Minako (Shima Iwashita) et
Sozo (Akira Nakao). Elle vit à Matsuyama et lui à Tokyo où ils se
retrouvent ponctuellement. Lorsqu'il viendra passer quelque jours dans
sa région pour le travail, ils vont décider de passer plusieurs jours
ensemble. Le début du film et quelques flashbacks dressent leurs
situations personnelles et les conditions de leur rencontre initiale.
Minako était avant son divorce la belle-sœur de Sozo et est désormais
mariée à un homme âgé et impuissant. Ils eurent une brève nuit d'amour
avant de se rencontrer par hasard quelques années plus tard et reprendre
leur aventure.
Koichi Sato façonne une sorte de variation
japonaise d'Antonioni pour observer la dégradation progressive du
couple. La scène d'ouverture est un indice avec la découverte du corps
d'une jeune femme apparemment suicidée par amour. Lors d'une
conversation triviale où elle évoque le fait divers, Minako affirme
qu'elle serait tout à fait capable de mourir par amour voire de se faire
tuer par celui qu'elle aime. Sozo n'a qu'un geste amusé mimant un
étranglement pour répondre, mais cet instant sensuel défini finalement
l'importance qu'ils accordent chacun à leur relation. Un rebondissement
va placer Minako dans une position où elle pourrait tout abandonner pour
vivre avec Sozo (bien qu'elle ne lui en dise rien), mais elle va
constater la désinvolture de ce dernier. Le jeu fiévreux de Shima
Iwashita la voit vivre chaque instant partagé, chaque étreinte, comme
s'ils étaient les derniers.
Elle s'accroche passionnément à cet homme
auquel elle serait prête à tout sacrifier. Sozo est plus ambigu,
privilégiant sa situation qui risquerait d'être malmenée par une
séparation. Les dialogues et la mise en scène suggère le "tout ou rien"
espéré par Minako entre fuite et abandon, quand Sozo ne cherche qu'à
prolonger le plaisir présent sans se projeter plus loin. Plusieurs
situations fonctionnent sur ce schéma, notamment lors d'une scène où
après que Minako ait parlé de quitter son mari et entraîné une dispute,
Sozo se réconcilie par un plaisir immédiat et éphémère d'un bain
ensemble. La construction même des scènes d'amour expriment cela, Sato
s'attardant avant tout sur le visage en extase de Minako quand Sozo
n'est qu'un corps. La seule fois où le procédé s'inverse c'est pour
laisser entrevoir le regard calculateur de Sozo pour bien montrer qu'il
n'y met pas le même abandon.
Ces hésitations se jouent dans le
huis-clos de chambre d'hôtel, tandis que le fossé séparant les
personnages se révèle progressivement dans les extérieurs. On passe
ainsi d'une corniche que Minako hésite franchir pour rejoindre Sozo
alors que tout va initialement bien, à l'obstacle d'une montagne dans
laquelle va se jouer le dernier acte. Le film est sous le drame assez
parlant des relations homme/femme au Japon. Minako malgré son acte
d'indépendance du début de film (quitter son époux) cherche
immédiatement les bras d'un autre auprès de Sozo, puis se trouve un
nouvel époux impotent, avant de s'accrocher désespérément à son amant
réticent.
Pour Sozo cette liaison n'est qu'un aparté à ses ambitions
professionnelles pour lesquels il ne veut prendre aucun risque. Il est
sans doute réellement amoureux, mais à l'image de la composition de plan
d'une des dernières scènes (où dans une allée il s'arrête pour laisser
Minako le rattraper) ses sentiments ne peuvent passer que par des
instants fugaces quand Minako est prête à lui donner sa vie. La passion
dévouée, sacrificielle et névrotique s'oppose donc à l'amour pragmatique
et cynique. Très intéressant donc mais sacrément désabusé.
Sorti en dvd japonais
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