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lundi 29 novembre 2021

Confessions d'une épouse - Tsuma wa kokuhaku suru, Yasuzo Masumura (1961)


 En excursion à la montagne, une jeune femme se retrouve attachée entre son mari et son amant. Menacés de mourir tous les trois, elle doit choisir entre les deux.

Yasuzo Masumura est le cinéaste des amours passionnés, sacrificiels et tourmentés souvent incarnés par l'intensité de ses héroïnes, notamment quand elles sont incarnées par la grande Ayako Wakao. Plus Masumura explorera ce thème, plus celui-ci endossera une dimension intense allant d'une veine et contexte réaliste (vers l'abstraction la plus totale dans un film comme La Bête aveugle (1969). A Wife Confess est moins immédiatement frontal pour explorer le sujet, les contextes sociaux-historiques marqués des films à venir autorisant ces sentiments exacerbés (l'arrière-plan belliqueux de La Femme de Seisaku (1965), L'Ange Rouge (1966), la dimension surnaturelle de Tatouage (1966)) n'ayant pas cours dans l'environnement étouffant du récit. L'histoire tisse un mystère sur à la fois les conditions de la mort de l'époux (Eitarô Ozawa) en montagne, sacrifié ou assassiné par sa femme Ayako (Ayako Wakao) lors d'une ascension périlleuse, et de ses relations avec le jeune Osamu (Hiroshi Kawaguchi) présent aussi lors du drame. Le procès et les différents témoignages brossent ainsi le portrait d'une épouse malheureuse et délaissée, mariée par nécessité plutôt que par amour. 

L'épouse apparaît comme symboliquement et littéralement piégée dans les codes patriarcaux de cette société japonaise. Ayako se voit reprocher d'avoir tranché la corde et choisit de survivre plutôt que de périr en montagne avec son mari, ce qui semblait son devoir aux yeux de tous. L'hypocrisie de cette attente est d'ailleurs dénoncée dans la plaidoirie lorsqu'il sera affirmé que le choix d'Ayako aurait été légitime (et non soupçonnable d'homicide) si l'homme à l'autre bout de la corde n'avait pas été son mari. On navigue ainsi entre la pulsion de mort kamikaze chère à l'ancien Japon belliqueux pas totalement disparu, mais aussi un machisme interdisant à la femme d'exister sans un homme. C'est le drame de l'existence d'Ayako dont le refus de divorcer de son mari le lie à lui malgré les souffrances qu'il lui inflige. 

C'est aussi une forme de conditionnement pour ces femmes puisque notre héroïne n'aspire si elle échappe à la prison qu'à goûter à la passion dans les bras d'Osamu. D'un autre côté on peut y voir une idéalisation féminine chez Masumura où la vie ne vaut pas la peine d'être vécue sans amour. La narration tout en va-et-vient temporel dresse donc une vraie ambiguïté morale et sentimentale qui finit par être transcendée par la prestation magnifique d'Ayako Wakao. Coupable ou pas, le drame est une possible délivrance pour elle afin d'accéder à la liberté qu'elle désire, à l'homme qu'elle aime. Masumura la filme toujours comme écrasée dans les scènes de procès à travers les plongées inquisitrices, ou comme exclue, extérieure à sa propre existence dans les scènes du quotidien dans des compositions de plan la figeant en arrière-plan ou détachée en avant-plan. Jamais maîtresse de son destin elle attend silencieuse que les hommes, dans la cour du tribunal comme dans sa vie, décident pour elle. 

Ayako Wakao est tout simplement incroyable et la finalité du crime n'a finalement pas d'importance, le courage de cette femme surmontant les regards marquants durablement. A l'opposé, la lâcheté des hommes sera la seule terrible récompense pour elle dans une conclusion d'une puissance rare. Les personnages enfiévrés et amoureux de Masumura se heurtent ici à la froideur du réel (le contexte judiciaire annonçant The Black Report (1963)) quand les films suivants autoriseront davantage d'en briser les barrières.

Sorti en dvd japonais chez Blue Kino

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