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mardi 13 juin 2017

L'Homme aux cent visages - Il Mattamore, Dino Risi (1960)


Gerardo et sa femme Annalisa mènent depuis quelque temps une existence tranquille et sans histoire, au grand dam de celui-ci. Un jour, un homme sonne à leur porte pour essayer de leur vendre un chandelier. Gerardo sent rapidement l’arnaque, et pour cause : celui-ci était jadis expert en escroquerie en tout genre, surnommé Gerardo l’artiste pour sa capacité à incarner de multiples personnages dans le but d’extorquer les gens…

L’Homme aux cent visages est la première collaboration d’une des plus fameuses associations de la comédie italienne, Vittorio Gassman et Dino Risi. Les années 50 furent une période de formation pour Risi où il signa des œuvres intéressantes (Le Signe de Vénus, Boulevard de l’espérance, la série des Pauvres mais beaux) ainsi que des commandes moins marquantes (Pain, amour, ainsi soit-il, soit le plus faible volet de la trilogie initiée par Luigi Comencini) mais où l’on n’entrevoyait que par intermittences la méchanceté des chefs d’œuvres à venir. Quant à Vittorio Gassman il mène une carrière brillante au théâtre à partir de la fin des années 40 mais hormis quelques fameuses exceptions (Riz amer (1948) de Giuseppe De Santis), il ne se signale guère au cinéma pour lequel il entretient une faible estime par rapport à son travail sur scène. Il ira un temps se perdre à Hollywood où son physique avantageux en font un latin lover de choix mais sans non plus trouver de rôle ou film à sa mesure (Guerre et paix de King Vidor notamment. 

Le tournant pour Risi et Gassman sera la sortie du Pigeon (1958) de Mario Monicelli qui marque l’avènement de la comédie italienne. Gassman y délaisse les emplois de bellâtres pour une figure plus veule, authentique et qui le révèle dans un registre comique. Dès l’année suivante il transforme l’essai avec La Grande Guerre (1959) du même Monicelli qui le lance définitivement en figure majeure de la comédie. Le succès du Pigeon ouvre également de nouvelles perspectives à la comédie italienne croisant désormais à ses préoccupations sociales un humour féroce et délesté de la bienveillance du « néoréalisme rose ».  Dino Risi s’engouffre dans la brèche pour signer Le Veuf (1959), son premier grand film porté par un fabuleux Alberto Sordi.

L’homme au cent visage constitue néanmoins un entre-deux, une œuvre agréable où Gassman conserve sa dimension séduisante et où son côté transformiste ne tire pas vers le monstrueux (présent dans les multiples sketches qu’il interprétera dans Les Monstres). Nous y suivons Gerardo Lantini (Vittorio Gassman) modeste employé heureux en ménage avec la belle Annalisa, mais où les dialogues sous-entendent une frustration par rapport à une vie passée plus exaltante. La rencontre avec un escroc à la petite semaine et la facilité d Gerardo à le démasquer lance ainsi une narration en flashback révélant les motifs de cette « science » de la tromperie. Médiocre comédien comique, Gerardo voit son manque de subtilité et ses élans cabots se prêter bien mieux à la comédie de la vie ordinaire et donc à l’arnaque. Après une initiation malheureuse et un bref séjour en prison, le monde du théâtre et du cachet laborieux se referme pour laisser s’ouvrir celui de l’escroquerie et son argent facile. Le film est un régal de truculence dans la progression et l’inventivité de ses stratagèmes de tromperie. 

Loin d’aller dans une sophistication qui éloignerait le récit du réel, le scénario reste dans la continuité du Pigeon (le talent pour le crime en plus par rapport aux pieds nickelés de Monicelli) par son côté système D (on pense à l’épisode du chewing-gum sous le comptoir du bijoutier), chaque mise en scène jouant de la débrouillardise et des connaissances des petits travers humains par les arnaqueurs. Dans ce cadre le plan importe moins que le registre infini de Gerardo, Vittorio Gassman se régalant à passer d’une incarnation à une autre selon la situation. Gentleman, rouleur de mécanique, amoureux éperdu, Gassman excelle en tout avec toujours ce petit degré d’exagération qui paradoxalement le rend plus crédible à ses victimes. Ce réel toujours plus authentique par sa folie et ses circonvolutions inattendues est un thème au cœur de l’œuvre de Dino Risi, les travers humains poussant toujours vers un absurde dramatique ordinaire (Les Monstres bien sûr) et vers une noirceur teintée d’humour noir et de vrai désespoir dans chefs d’œuvres des 70’s (Au nom du peuple italien, Parfum de femme, Dernier Amour…).

On est cependant loin d’une telle âpreté ici où domine un allant amusé dont l’intérêt principal repose sur un réel en forme de miroir aussi fragmenté que les cents visages de son héros. Chaque dialogue, attitude ou situation constituent ainsi un chausse-trappe ingénieux dont Lantini est le maître d’œuvre. Mais à force de rouerie c’est la banalité ordinaire que ne saura plus distinguer notre héros à son tour victime sentimentale avant une conclusion jubilatoire où l’outrance demeure la meilleure arme. Plus qu’une manière de s’enrichir, l’arnaque est surtout un moyen de fuir l’ennui du quotidien.

Ressortie en salle le 14 juin

 

1 commentaire:

  1. Film vu récemment sur Canal Sat que j'ai trouvé très amusant. Gassman est parfait.
    Le film mérite une ressortie,en effet.

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