Fausto est un grand
amateur de femmes. Il est un bel homme, dans la force de l'âge et vit seul avec
sa vieille tante à Turin. Sept ans auparavant, alors capitaine de cavalerie, il
a perdu la vue en manipulant une bombe lors des grandes manœuvres. Il refuse
son infirmité et dissimule son amertume sous une agressivité permanente. Bien
qu'aveugle, Fausto est capable de deviner la présence des femmes grâce à leur
parfum...
Tout au long de sa filmographie, Dino Risi aura su se faire
le remarquable et cynique peintre des évolutions de la société italienne
d’alors. Le Fanfaron (1962) ou encore Le Veuf (1959) témoignait ainsi des
travers du miracle économique, Une Vie difficile (1961) de la fin des idéaux politiques ou encore Au nom du peuple italien (1971) de le la
corruption et de l’agitation politique de l’Italie des années de plomb. Au
début des années 70 une certaine nostalgie et perte d’illusion se fera jour
dans le cinéma italien, symbole d’une société morose où il ne reste plus rien à
réaliser. Ettore Scola en offrira une belle illustration sous un jour attachant
dans son inoubliable Nous-nous sommes tant aimés (1974) ou bien plus désespéré avec La Terrasse (1980). Dino Risi allait donner sa vision de ce
désenchantement, intime et aigre-douce.
Parfum de femme (adapté
du roman Il buio e il miele de
Giovanni Arpino) témoigne en fait de la disparition d’une certaine race
d’homme fort ayant contribué à rétablir le pays. Sans cause ni patrie à
défendre, ils sont perdus et inutile dans ce monde moderne. Cette vacuité sera
représentée symboliquement avec la cécité de Fausto (Vittorio Gassman) ancien
capitaine victime d’un accident lors de grande manœuvres. L’armée lui attribue
un jeune soldat en permission, Giovanni Bertazzi (Alessandro Momo), pour
l’accompagner durant son voyage à Naples. C’est à travers le regard du jeune
homme que nous allons découvrir la personnalité singulière de Fausto. Tout dans
son comportement outrancier est une manière de faire oublier son infirmité.
Séducteur pressant et libidineux avec les femmes dont il devine la présence par
leur seul parfum, agressif et bagarreur avec les hommes, s’imposant en tous
lieux par son culot et son charme, Fausto est un phénomène ambulant ne semblant
jamais gêné par son handicap. Le périple est l’occasion de diverses péripéties
amusantes et pour le malheureux Giovanni (rebaptisé Ciccio) d’être largement
malmené par son bouillant compagnon. La photo aux veloutes brumeux et diaphane
de Claudio Cirillo imprègne l’atmosphère estivale d’une certaine mélancolie
pour ces paysages que Fausto ne peut voir, tout comme le thème au piano
entêtant d’Armando Trovajoli. Tous ces éléments amènent une forme de distance à
la confiance et aux vociférations de Fausto dont la vulnérabilité se dévoile
progressivement. Il ne cherche pas seulement à surmonter son handicap mais
surtout à le masquer, se comportant comme un voyant et rejetant tout ce qui
peut lui rappeler sa condition, que ce soit une bienveillance, pitié malvenue
ou la simple présence d’un autre aveugle aux alentours.
Vittorio Gassman est fabuleux, imprégnant ce type de personnage excessif dont il a le secret d’une vraie tristesse. La caméra de Risi s’attarde à de nombreuse reprise et longuement sur son regard. Le regard vide de celui qui ne voit plus, mais surtout de celui qui ne ressent plus. Fausto affirmera ne plus regretter que les visages et courbes des femmes dans l’obscurité où il est condamné, car il peut encore ressentir les plaisirs et sensation d’une étreinte. Par contre il se refusera comme le soulignera un dialogue à imaginer les paysages et monuments qu’il ne peut plus voir. Cela serait la preuve d’un romantisme dont il n’est plus capable tant il s’estime inutile au monde qui l’entoure.
L’étape finale du voyage à Naples vient pourtant bousculer cette conviction avec l’amour inconditionnel que lui voue la belle Sara (Agostina Belli). Toute la détresse de Fausto nous apparaît ainsi, réfrénant ses attitudes machistes et sa brutalité envers Sara car elle représente le seul élément l’aimant tel qu’il est, ne tenant pas compte de ce qu’il a été. Risi offre des moments poignants et subtils entre eux, où Fausto se referme en devinant sa présence tandis qu’elle le dévore des yeux avec une désarmante candeur.
Malgré toute la force qu’il affiche, Fausto devra se raccrocher à la vie en ayant accepté sa faiblesse. Pas celle que lui amène sa cécité mais celle qui fera vaciller sa funeste résolution d’en finir. Le personnage était impressionnant par son désintérêt de tout car rien à respecter quand on a plus aucun intérêt au monde qui nous entoure, plus de volonté de vivre. Cette flamme, Fausto la retrouve lorsque pour la première fois du film il ose véritablement et sincèrement demander à l’aide. Physiquement car il est tombé au sol, mais surtout symboliquement pour embrasser enfin cette et cet amour qu’il n’aura pas été capable de fuir. Un des chefs d’œuvre de Dino Risi et un des plus beaux rôles de Vittorio Gassman, judicieusement récompensé du prix d’interprétation au Festival de Cannes 1975.
Sorti en dvd zone 2 chez TF1 Vidéo
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