En pleine guerre froide, un groupe
d’espions américains est envoyé à Moscou afin d’infiltrer les services
secrets soviétiques. Leur objectif est de récupérer une lettre contenant
des renseignements sur l’arsenal nucléaire chinois. Ce document,
extrêmement compromettant pour les Etats-Unis, met en péril la paix
mondiale. Le Capitaine Charles Rone (Patrick O’Neal) est en charge de
mener cette opération…
En cette fin des années 60, deux tendances se dégageaient dans le film d'espionnage. Dépeindre le méandre du milieu dans toute sa méticuleuse froideur à la manière de L'Espion qui venait du froid (1965) de Martin Ritt ou en donner la vision séduisante, décomplexée et divertissante de la série des James Bond (et de ses suiveurs) qui triomphe à la même période. John Huston ne choisit aucune de ses deux voies dans La Lettre du Kremlin ou du moins y pioche juste ce qui l'intéresse, son film s'avérant étonnamment ludique et pas forcément aussi réaliste qu'on pourrait s'y attendre et surtout particulièrement tortueux dans sa trame. C'est surtout un pur film de Huston, anachronique aux tendances du moment donc mais aussi décalée en regard de celles à venir. Le cinéma américain des 70's placera la paranoïa et le doute du pouvoir en place au cœur de ses films d'espionnages (renforcé par les scandales d'alors comme le Watergate) alors que Huston nous dépeint un pur récit de Guerre Froide désormais un peu désuète.
Le thème récurrent de l'échec du réalisateur
est au cœur du film mais si dans d'autres œuvres si échec il y a la
quête a pu être belle et les aventures vibrantes, il n'en est rien ici
avec un milieu de l'espionnage qu'il méprise. Un propos affirmé de
manière cinglante dès l'ouverture où un amiral de la marine (joué par
Huston lui-même) congédie avec mépris un de ses officiers, Charles Rone
(Patrick O'Neal), convoqué par les services secrets pour y travailler.
Cela signale aussi l'opposition entre une autorité noble et à l'autorité identifiable avec les agences gouvernementales nébuleuses (CIA, CIC or whatever comme l'assène Huston). Les aptitudes physiques et intellectuelles exceptionnelles de Rone vont
en effet s'avérer nécessaire pour une mission à Moscou où il faudra
récupérer une lettre compromettante pour le gouvernement américain et
détenue par les renseignements russes.
La lettre va
progressivement s'avérer être une sorte de McGuffin insaisissable et
prétexte à un joyeux jeu de massacre où l'absence d'humanité et de
morale de ce métier va se révéler. Les capacités hors-normes des agents
vont tout d'abord être tournée en ridicule en montrant combien elles
révèlent des êtres égocentrique et imbus d'eux même (Charles Rone),
virtuose dans leur art mais perdu face à la réalité (la cambrioleuse
jouée par Barbara Parkins) et dénué de morale (Nigel Green).
Des
"qualités" parfaites sur le terrain pour des personnages déjà double
avant d'être mis en action (tous affublé de surnom) et dont la duplicité
s'avère idéale pour endosser les personnalités qui les feront pénétrer
le cœur de l'état-major russe, notamment en faisant sans vergogne
commerce de leur corps ou de celui des autres. Le terrain de l'ennemi
est également à double-fond puisque derrière le redoutable Kosnov (Max
Von Sydow), son supérieur Bresnavitch (Orson Welles) le court-circuite
pour servir ses propres intérêts.
La partie d'échec est passionnante et
comme l'affirmera la promotion du film une minute d'inattention et tout
le sens de ce qui va suivre deviendra incompréhensible tant les coups de
théâtre sont légions. On nous dépeint des monstres soumis à leurs
objectifs mais le jeu de piste est diablement présent et Huston n'oublie
jamais de faire surgir une pointe d'humanité sous la perversion et la
froideur. C'est les regards de Rone dépité de laisser l'innocente BA se
perdre, la perverse Erika (Bibi Andersson) réellement amoureuse de son
gigolo, le dépit amoureux toujours de l'impitoyable Kosnov.
Malgré tout c'est bien l'ombre omnisciente de Sturdevant, agent
disparu et figure du mal absolu qui plane sur le film pour se révéler
dans un final marquant. Tous ne semblent avoir été que des marionnettes
destinés à servir ses objectifs, la résolution étant d'une rare noirceur
où plane l'ironie du fameux L'Affaire Cicéron (1955) de Mankiewicz mais en
plus désespéré.
Sorti en dvd zone 2 français chez Opening
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