L'agent fédéral
William Graham vit retiré de ses obligations professionnelles depuis qu'il a
été gravement blessé par le dangereux psychopathe cannibale Hannibal Lecter
(appelé Lecktor dans ce film) incarcéré par la suite. Jack Crawford, un ancien
collègue du FBI, le contacte pour qu'il l'aide à arrêter un tueur en série,
Dragon rouge, qui assassine des familles lors des nuits de pleine lune. Pour
réussir sa mission, Graham va se mettre à penser comme le meurtrier et va
notamment consulter, dans ce sens, le détenu Hannibal Lecter, éminent
psychiatre s'il en est malgré sa démence.
Après le diamant brut que constitua Le Solitaire (1981) et le discutable (et seule tentative dans le
fantastique à ce jour) La Forteresse
Noire (1983), Manhunter allait
être le film définissant pour de bon les motifs esthétiques et thématiques de
Michael Mann. Dans la saison 3 de la série Miami
Vice qu’il produisait, l’épisode 6 Shadow
in the Dark voyait Sonny Crockett s’imprégner de la personnalité d’un tueur
en série qu’il traquait et dans l’ensemble cela figurait déjà une sorte de
galop d’essai à ce Manhunter. Le film
est l’adaptation du roman Dragon Rouge
de Thomas Harris paru en 1981 et que Mann soufflera à un William Friedkin
persuadé de pouvoir en tirer une œuvre terrifiante. Ce n’est pas la terreur pure qui intéresse Mann mais le fait
de montrer un homme en proie à ses démons et contradictions. C’est Will Graham
(William Petersen), profiler du FBI retiré après une dernière affaire où il fut
agressé par le psychopathe Hannibal Lecktor (Brian Cox) qu’il avait démasqué
sous ses allures honorables de psychanalyste.
Son ami Jack Crawford (Dennis
Farina) fait pourtant de nouveau appel à lui lorsque surgit un tueur en série
décimant des familles entière dans des
accès de folie se manifestant les soirs de pleine lune. Réticent, Graham va
néanmoins accepter la tâche et se replonger ainsi dans les ténèbres où il devra
recroiser la route du fameux Hannibal Lecktor. On sent bien que la série Miami Vice a servi de véritable
laboratoire à Michael Mann tant on en retrouve le visuel ici à travers la photo
bleutée métallique, les environnements art déco aux couleurs pâles et la
mélancolie suspendue sur fond de nappes de synthé fondus dans des arrière-plans de couché de
soleil. Cette stylisation extrême se
dispute toujours à un vrai réalisme urbain et ce qui était identifiable mais
brut de décoffrage dans Le Solitaire
s’était affiné fini pour engendrer et définir l’esthétique des 80’s sur la
série télévisée et trouver un aboutissement avec Manhunter.
Sur le fond les thématiques de Mann se retrouvent également
dans l’intrigue imaginée par Thomas Harris. On a un professionnel rigoureux et
virtuose dans son domaine (le tueur à gage de Collateral, le cambrioleur du Solitaire
entre autre, les gendarmes et voleur de Heat (1995))
qui va se perdre et se confondre avec ce qu’il pourchasse (les deux revers
d’une même pièce que constituaient Al Pacino et Robert de Niro dans Heat) et pour qui les liens familiaux
et/ou amoureux sont autant une manière de s’humaniser que de se rendre
vulnérable. La raison de Will Graham semble ainsi constamment vaciller quand il
s’enfonce dans les méandres de l’esprit tordu de Francis Dollarhyde avec un
William Petersen au jeu fébrile et au regard chargé d’angoisse.
Les scènes où
il reconstitue le raisonnement du serial killer en visionnant les homes movies de ses victimes trahissent
de cette instabilité qui s’exprimera lors des face à face avec Lecktor dont il
va solliciter l’intelligence pour avancer dans son enquête. Le calme et
l’ironie froide de Lecktor s’opposent ainsi à la sensibilité à fleur de peau
d’un Graham ne parvenant pas à donner le change mais, comme le souligne un
dialogue c’est cette même fragilité face à l’horreur qui le différencie et empêche
de devenir un monstre à l’image de ceux qu’il traque car preuve de sa raison
intacte.
La famille est une béquille pour s’accrocher à la réalité et Mann par
de beaux moments intimistes montre à quel point elle sert d’ancrage à notre
héros dans la scène où Graham consulte son épouse (Kim Greist) avant de
retourner sur le terrain et surtout ce moment sincère où il se confesse à son
fils. Hannibal Lecktor et ses talents de manipulateur servira ainsi à mettre à
mal l’équilibre précaire de Graham en lui laissant croire qu’ils sont égaux et
que seul le passage à l’acte les différencie.
En mettant en parallèle le
quotidien pathétique de Francis Dollarhyde, Mann en fait une sorte de double de
Graham rêvant de cet apaisement amoureux et qui faute de le trouver cède à ses
bas-instincts par des crimes sordides. Tom Noonan offre une prestation
mémorable, l’amoureux vulnérable et sensible pouvant se muer en prédateur
impitoyable en un clin d’œil à travers sa relation avec l’aveugle jouée par
Joan Allen. Mann lui attribue d’ailleurs cette figure voyant ses personnages
imaginer leur idéal à travers une image (le collage de James Caan dans Le Solitaire, la carte postale de Jamie
Foxx dans Collateral) mais sous un
jour évidemment plus tordu ici avec la peinture de William Blake The Great Red Dragon and the Woman Clothed in Sun à laquelle il
s’identifie.
Un thriller prenant donc mais qui souffre encore de quelques
petites scories tel que le rythme un peu longuet et un usage de la musique
moins pertinent (la musique de Michael Rubini est loin de l’éclat hypnotique des
scores de Tangerine Dream sur La
Forteresse Noire et Le Solitaire)
tandis que malgré une belle montée en puissance le face à face final sera un
peu décevant. S’étant pas mal éloigné du best-seller de Thomas Harris et
entretenant un certain flou en en ayant changé le titre, le film sera
froidement accueilli et constituera un échec commercial.
Michael Mann
retournerait se ressourcer à la télévision avec la formidable série Crime Story
et ne reviendrait à la mise en scène que 6 ans plus tard avec Le Dernier des Mohicans dont le succès
allait définitivement le lancer. Quant à Hannibal Lecter, il retrouverait son
patronyme exact et un film à sa mesure avec Le
Silence des Agneaux (1992) de Jonathan Demme qui en ferait une vraie icône
cinématographique sous les traits d’Anthony Hopkins (au point de générer une
seconde et oubliable adaptation de Dragon Rouge signée Brett Rattner en 2002).
Sorti en dvd zone 2 français chez MGM et dans une belle édition bluray anglaise chez Optimum, dotée de sous-titre anglais
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