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mercredi 23 juillet 2014

Un inspecteur vous demande - An Inspector Calls, Guy Hamilton (1954)


En 1912, au sein de la riche famille des Birling, industriels opulents et condescendants, le père Arthur Birling, est fier de célébrer le mariage entre sa fille Sheila et Gerald Croft. Mais le passé douteux des Birling resurgit lorsque l'on découvre ses relations avec Eva Smith, une jeune fille retrouvée morte après avoir bu, en grande quantité, un fort désinfectant.

An Inspector Calls est une des premières réalisations de Guy Hamilton, surtout connu plus tard pour ses grosses production dont sa contribution à la série des James Bond (un excellent Goldinger (1964), un moyen Les Diamants sont éternels (1971) et des mauvais Vivre et laisser mourir (1973) et L''Homme au pistolet d'or (1974)) et d'autres titres connus comme Mes funérailles à Berlin (1966) dans la série des Harry Palmer ou encore le film de guerre La Bataille d'Angleterre. Hamilton se montre un peu plus digne d'intérêt en dehors de ces mastodontes comme le prouverait l'excellent et plus intimiste The Party's Over (1964) ou encore ce An Inspector Calls. Le film est l'adaptation (par le futur cinéaste Desmond Davis) de la pièce de théâtre éponyme de John Boynton Priestley écrite en 1945 et jouée pour la première cette même année en URSS. Un détail étonnant mais pas anodin (la pièce sera jouée en Angleterre à partir de 1946) puisque l'on peut imaginer que le propos social cinglant du film parle autant au régime communiste qu'à une Angleterre en proie constante à la lutte des classes.

Le film s'ouvre sur un dîner joyeux de la famille Bilding, industriels richissimes qui fêtent ce soir-là les fiançailles de la fille aînée Sheila (Eileen Moore) avec le distingué Gerald Croft (Brian Worth). Sous l'atmosphère légère, la condescendance et les dysfonctionnements de cette famille se révèle en filigrane. Ainsi lors d'une discussion le père (Arthur Young) affirme avec aplomb (l'intrigue se déroule en 1912) qu'aucune guerre n'est prochainement à craindre en Europe et certainement pas des Allemands (la pièce en rajoutait une couche sur la "clairvoyance" du personnage puisqu'il vantait en plus les mérites du Titanic).

Le fils aîné affiche également un penchant certain pour l'alcool tandis que sa mère (Olga Lindo) ne semble pas s'en apercevoir et le traite encore comme un enfant. Des travers simplement vu en surface et qui vont se révéler en détail lorsqu'arrive l'élément perturbateur en la personne de l'Inspecteur Poole (Alastair Sim). Ce dernier vient évoquer aux Bilding la mort de Eva Smith (Jane Wenham), jeune femme s'étant suicidée par empoisonnement cette même soirée. Stupeur parmi l'assemblée qui n'a jamais entendu parler de cette personne mais Poole va la rappeler à leur bon souvenir et leur faire comprendre la terrible responsabilité qu'ils ont dans cette mort tragique.

L'origine théâtrale du matériau originel se devine pour le meilleur à travers les joutes verbales brillantes où Poole perce à jour chacun des membres de la famille par son bagout, sa froide détermination et une quasi omniscience sur le passé douteux de chacun. Alastair Sim s'était déjà plusieurs fois essayé à ce type de rôle de policier roublard et excentrique (notamment dans le thriller Green for danger (1946) de Sidney Gilliat) mais ajoute à cette truculence une dimension mystérieuse et solennelle à Pool qui n'est pas loin de la figure surnaturelle comme le montre son apparition subite dans le salon des Bilding. L'histoire est en fait un cruel mélodrame qui se révèlera au fil des flashbacks où chacun à leur tour l'indifférence de ces nantis causera la déchéance et la misère d'une jeune femme fragile. L'indépendance et l'esprit de Eva Smith causera ainsi chaque fois sa perte dès qu'elle croisera le chemin d'un des Bildings.

Ayant eu le culot de réclamer une rémunération plus élevée, elle est renvoyée en dépit de ses compétences de l'usine de Bildings père puis perdra son second emploi de vendeuse de vêtement par le seul caprice de Sheila. Gerald fera office dans un premier temps de bienfaiteur et amant avant de l'abandonner à son sort pour un meilleur parti (la fille Bilding dont on célèbre les fiançailles donc), la mère par une morale victorienne bienpensante lui refusera l'aide de son œuvre de charité et enfin Eric qui l'aime sincèrement s'avérera trop faible de caractère pour l'aider et la sortir de la fange. On oublie cette narration alambiquée et cette science du rebondissement pour ne plus retenir que le visage paisible d’Eva Smith, toujours digne et touchante dans sa détresse et ses désillusions. Jane Wenham incarne une figure de bonté sincère noble dans son dénuement à l'opposé de l'hypocrisie des Bildings n'assumant pas leurs actes révoltant envers elle.

Guy Hamilton lui ménage ces moments les plus inspirés, offrant une imagerie plus recherchée dans ses compositions de plan voyant défiler sa silhouette frêle dans ce Londres des bas-fonds tandis que la mise en scène est bien anonyme dans le huis-clos du présent. Le réalisateur évite cependant les effets trop voyants notamment dans l'introduction des flashbacks simplissimes car plutôt attendu dans un film noir. Hors ce n'est pas l'argument criminel qui guide ici le récit mais moral et qui se doit de nous introduire à ce passé douloureux avec sobriété.

On pense accéder à une possible rédemption, un possible regret et rachat pour les protagonistes placés face à leur responsabilité. Un ultime rebondissement vient contredire cela avec un pessimisme terrible où le rachat n se mesure qu'à l'aune d'un possible scandale public. La punition finale ne s'en avère que plus puissante, sa nature fantastique (et divine ?) se révélant au grand jour dans une chute mémorable. Un vrai petit classique assez mémorable et captivant de bout en bout. Dommage que Guy Hamilton n'ait pas aussi souvent fait montre de personnalité.

Sorti en bluray anglais chez Studio Canal et doté de sous-titres anglais 

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