En 1912, au sein de la riche famille
des Birling, industriels opulents et condescendants, le père Arthur
Birling, est fier de célébrer le mariage entre sa fille Sheila et Gerald
Croft. Mais le passé douteux des Birling resurgit lorsque l'on découvre
ses relations avec Eva Smith, une jeune fille retrouvée morte après
avoir bu, en grande quantité, un fort désinfectant.
An Inspector Calls
est une des premières réalisations de Guy Hamilton, surtout connu plus
tard pour ses grosses production dont sa contribution à la série des
James Bond (un excellent
Goldinger (1964), un moyen
Les Diamants sont éternels (1971) et des mauvais
Vivre et laisser mourir (1973) et
L''Homme au pistolet d'or (1974)) et d'autres titres connus comme
Mes funérailles à Berlin (1966) dans la série des Harry Palmer ou encore le film de guerre
La Bataille d'Angleterre. Hamilton se montre un peu plus digne d'intérêt en dehors de ces mastodontes comme le prouverait l'excellent et plus intimiste
The Party's Over (1964) ou encore ce
An Inspector Calls.
Le film est l'adaptation (par le futur cinéaste Desmond Davis) de la
pièce de théâtre éponyme de John Boynton Priestley écrite en 1945 et
jouée pour la première cette même année en URSS. Un détail étonnant mais
pas anodin (la pièce sera jouée en Angleterre à partir de 1946) puisque
l'on peut imaginer que le propos social cinglant du film parle autant
au régime communiste qu'à une Angleterre en proie constante à la lutte
des classes.
Le film s'ouvre sur un dîner joyeux de la famille
Bilding, industriels richissimes qui fêtent ce soir-là les fiançailles
de la fille aînée Sheila (Eileen Moore) avec le distingué Gerald Croft
(Brian Worth). Sous l'atmosphère légère, la condescendance et les
dysfonctionnements de cette famille se révèle en filigrane. Ainsi lors
d'une discussion le père (Arthur Young) affirme avec aplomb (l'intrigue
se déroule en 1912) qu'aucune guerre n'est prochainement à craindre en
Europe et certainement pas des Allemands (la pièce en rajoutait une
couche sur la "clairvoyance" du personnage puisqu'il vantait en plus les
mérites du Titanic).
Le fils aîné affiche également un penchant certain
pour l'alcool tandis que sa mère (Olga Lindo) ne semble pas s'en
apercevoir et le traite encore comme un enfant. Des travers simplement
vu en surface et qui vont se révéler en détail lorsqu'arrive l'élément
perturbateur en la personne de l'Inspecteur Poole (Alastair Sim). Ce
dernier vient évoquer aux Bilding la mort de Eva Smith (Jane Wenham),
jeune femme s'étant suicidée par empoisonnement cette même soirée.
Stupeur parmi l'assemblée qui n'a jamais entendu parler de cette
personne mais Poole va la rappeler à leur bon souvenir et leur faire
comprendre la terrible responsabilité qu'ils ont dans cette mort
tragique.
L'origine théâtrale du matériau originel se devine pour
le meilleur à travers les joutes verbales brillantes où Poole perce à
jour chacun des membres de la famille par son bagout, sa froide
détermination et une quasi omniscience sur le passé douteux de chacun.
Alastair Sim s'était déjà plusieurs fois essayé à ce type de rôle de
policier roublard et excentrique (notamment dans le thriller
Green for danger
(1946) de Sidney Gilliat) mais ajoute à cette truculence une dimension
mystérieuse et solennelle à Pool qui n'est pas loin de la figure
surnaturelle comme le montre son apparition subite dans le salon des
Bilding. L'histoire est en fait un cruel mélodrame qui se révèlera au
fil des flashbacks où chacun à leur tour l'indifférence de ces nantis
causera la déchéance et la misère d'une jeune femme fragile.
L'indépendance et l'esprit de Eva Smith causera ainsi chaque fois sa
perte dès qu'elle croisera le chemin d'un des Bildings.
Ayant eu le
culot de réclamer une rémunération plus élevée, elle est renvoyée en
dépit de ses compétences de l'usine de Bildings père puis perdra son
second emploi de vendeuse de vêtement par le seul caprice de Sheila.
Gerald fera office dans un premier temps de bienfaiteur et amant avant
de l'abandonner à son sort pour un meilleur parti (la fille Bilding dont
on célèbre les fiançailles donc), la mère par une morale victorienne
bienpensante lui refusera l'aide de son œuvre de charité et enfin Eric
qui l'aime sincèrement s'avérera trop faible de caractère pour l'aider
et la sortir de la fange. On oublie cette narration alambiquée et cette
science du rebondissement pour ne plus retenir que le visage paisible
d’Eva Smith, toujours digne et touchante dans sa détresse et ses
désillusions. Jane Wenham incarne une figure de bonté sincère noble dans
son dénuement à l'opposé de l'hypocrisie des Bildings n'assumant pas
leurs actes révoltant envers elle.
Guy Hamilton lui ménage ces moments
les plus inspirés, offrant une imagerie plus recherchée dans ses
compositions de plan voyant défiler sa silhouette frêle dans ce Londres
des bas-fonds tandis que la mise en scène est bien anonyme dans le
huis-clos du présent. Le réalisateur évite cependant les effets trop
voyants notamment dans l'introduction des flashbacks simplissimes car
plutôt attendu dans un film noir. Hors ce n'est pas l'argument criminel
qui guide ici le récit mais moral et qui se doit de nous introduire à ce
passé douloureux avec sobriété.
On pense accéder à une possible
rédemption, un possible regret et rachat pour les protagonistes placés
face à leur responsabilité. Un ultime rebondissement vient contredire
cela avec un pessimisme terrible où le rachat n se mesure qu'à l'aune
d'un possible scandale public. La punition finale ne s'en avère que plus
puissante, sa nature fantastique (et divine ?) se révélant au grand
jour dans une chute mémorable. Un vrai petit classique assez mémorable
et captivant de bout en bout. Dommage que Guy Hamilton n'ait pas aussi
souvent fait montre de personnalité.
Sorti en bluray anglais chez Studio Canal et doté de sous-titres anglais
Extrait
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