Au lendemain de la Première guerre
mondiale, la réunion de trois soldats qui décident d'ouvrir une
entreprise de réparation automobiles mais, dans cette Allemagne meurtrie
par la guerre, le travail manque...
Avec
À l'Ouest, rien de nouveau,
Erich Maria Remarque avait écrit un des ouvrages les plus marquants sur
la Première Guerre Mondiale lui-même adapté au cinéma en 1930 avec le
classique réalisé par Lewis Milestone. Le film connaîtrait quelque
remous à sa sortie au sein de l'Allemagne nazie et serait interdit une
semaine après sa sortie. Remarque serait alors inquiété par le régime et
contraint à l'exil en 1932, d'abord pour gagner la Suisse puis quelques
années plus tard les Etats-Unis. C'est durant cette période qu'il se
pencherait sur
Trois Camarades,
roman qui se penche en quelque sorte sur l'après à travers le destin de
trois amis vétérans de la Grande Guerre durant la montée du nazisme en
Allemagne. La MGM achèterait rapidement les droits avant même la sortie
du livre en 1937 et en confierait le script à la plume prestigieuse de
F. Scott Fitzgerald.
Le film se verra pourtant complètement amputé de sa
dimension politique. Les Etats-Unis ne souhaitant pas s'attirer les
foudres de l'Allemagne nazie, toutes les allusions directes aux
oppressions d'alors contenues dans le livre sont diluées avec une solution radicale :
déplacer l'intrigue des années 30 au début des années 20. Fitzgerald se
plaindra également des amputations et réécritures de son script
(effectuées en partie par celui qui n'était encore alors que producteur,
Joseph L. Mankiewicz) dues selon le studio à une écriture et des
dialogues trop littéraire.
En dépit de ces entraves au matériau
original, Frank Borzage parvient cependant à signer un magnifique
mélodrame. Au lendemain de la Première guerre mondiale, les trois amis
et vétérans Erich (Robert Taylor), Otto (Franchot Tone) et Gottfried
(Robert Young) retrouvent une Allemagne où ils ont bien du mal à trouver
leur place. Ce sera un vide existentiel pour Erich, idéologique pour
Gottfried qui s'engage dans des groupes gauchiste tandis que le plus
solide Otto s'accrochera au travail et à l'affaire de garage que les
trois amis ont montés ensemble. La facette politique reste finalement
floue et en arrière-plan, Borzage l'exprimant par les états d'âmes des
héros dont les espoirs sont symboliquement lié à l'état du pays.
Le
retour à la vie civile difficile et le souvenir encore vivace et
douloureux de la guerre s'imprègne encore ainsi de la possibilité de
possible jours meilleurs à travers la belle histoire entre Erich et Pat
(Margaret Sullavan). La nature blessée des deux personnages est exprimée
avec finesse par Borzage, notamment Erich évoquant sous forme de
boutade les contrées exotiques où il n'est jamais allé (puisqu'il n'a
connu que le front au sortir de l'adolescence) ou ses aptitudes et
qualités ne reposant que sur des facultés militaires. Il se réfugie sous
cette ironie tandis que Pat feindra une certaine frivolité pour éviter
de souffrir, notamment par ses fréquentations huppées.
Pourtant si elle
n'a évidemment pas combattue, elle a perdu ses deux parents dans le
conflit et les privations lui ont causées une santé fragile.
Parallèlement Gottfried verra le quotidien se faire menaçant du fait de
ses accointances politiques et devra s'en détacher pour protéger ses
amis. Le lien unissant les personnages constituera ainsi pour un temps
un refuge pour les héros, Borzage ornant la première partie d'un jour
jovial, lumineux et romantique où l'alchimie des acteurs fait merveille.
Tout cela s'exprime dans une complicité virile pour les hommes où cet
attachement s'exprime avec brio grâce à de superbes dialogues et la
romance est tout simplement bouleversante grâce notamment à la
performance fragile et à fleur de peau de Margaret Sullavan.
Sans
que rien ne soit explicitement cité, le mécontentement dû aux Accords
de Versailles, la pauvreté et la montée des extrêmes qui en découle,
tout cela se dévoile par le regard des protagonistes. Si cette amitié et
amour sont indéfectible, le rapport à leur environnement est mis à mal
pour ces héros pas à leur place et se répercute sur leur état d'esprit.
La santé de Pat semble ainsi décliner avec le climat ambiant, la misère
et l'apparition de silhouettes menaçantes et vêtues de noir allant de
pair. Les plus déterminés (Gottfried) et fragiles (Pat) sont ainsi
condamnés à être des figures sacrificielles ne pouvant survivre.
La
dernière partie offre de poignants adieux entre nos héros mais aussi à
cette Allemagne dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Les disparus
seront des attaches à une nation qui n'existe plus réellement et qui a
basculée, à l'image de la scène finale où ils apparaissent sous forme de
fantômes accompagnant les survivants désormais en exil et auxquels
s'identifiait Erich Maria Remarque. Margaret Sullavan est réellement la
plus émouvante et domine par l'émotion dégagée le casting de haut vol.
Une œuvre magnifique qui préfigure le plus ouvertement engagé
La Tempête qui tue (1940) traitant frontalement des mêmes thématiques.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Trésors Warner
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