Clouzot signe un de ses suspense les plus mémorables avec ce remarquable Les Diaboliques. La maestria du réalisateur se met entièrement au service du scénario redoutable adapté du roman Celle qui n'était plus de Boileau et Narcejac. Le récit se divise en deux parties bien distinctes. La première est parfaite de montée en puissance dramatique en posant une situation révoltante et les conséquences criminelles qu'elle provoque. Dans un pensionnat pour garçon de province, le directeur Michel Delasalle (Paul Meurisse) règne en tyran auprès de son épouse Christina pourtant propriétaire des lieux ainsi que de sa maîtresse Nicole (Simone Signoret). Les femmes coexistent et subissent dans l'ombre de leur détestable homme avec un Paul Meurisse génialement odieux et dominateur qui enchaîne les scènes d'humiliations glaçantes.
Les deux femmes offre des personnalités miroir dont la soumission ne se dément pas que ce soit la frêle et impressionnable Vera Clouzot terrifiée par un simple haussement de sourcil de Meurisse et la plus vindicative et émancipée Simone Signoret dont le personnage semble lui enchaîné par amour malgré sa force de caractère.
L'épouse et l'amante bafouée vont ainsi s'allier pour mettre fin à leur tourment en tuant Delasalle. Clouzot offre un équilibre remarquable entre l'intelligence du stratagème et la brutalité et crudité de son exécution (pas si facile de tuer un homme puis de se débarrasser d'un cadavre), offrant de pures visions macabres hallucinées tout en ne perdant jamais de vue l'état d'esprit de ses meurtrières (Christina vacillante puis déterminée à empoisonner un Delasalle définitivement irrécupérable). La mécanique est absolument diabolique, la stylisation se mêlant à un cadre et des personnages typiquement franchouillards et austères (Noël Roquevert remarquable ou encore la rencontre avec Jean Lefebvre en soldat aviné).
Après cette leçon de maîtrise, Clouzot ose une seconde partie plus flottante et longuette. Le but est de nous placer dans une attente et angoisse indécise puisque la libération des deux femmes avec la découverte du cadavre n'interviendra pas puisque celui-ci semble s'être volatilisé. On navigue entre tension psychologique (l'association entre les deux alliées tournant cours et exacerbant leurs traits de caractère notamment l'aspect grenouille de bénitier de Christina rongée par la culpabilité), une paranoïa où plane l'ombre du Corbeau (1943) et des élans de fantastique où il est plus que suggéré que Delasalle semble être revenu d'entre les morts pour se venger.
Une frayeur indicible s'amorce sans se délester de cette truculence franchouillarde (Charles Vanel en commissaire à la bonhomie intrusive et inspirateur du personnage de Columbo) et Clouzot offre un final gothique virtuose où le pensionnant devient une cathédrale de la peur chargée d'ombres et de murmures menaçants. Le final reste toujours aussi fort et inattendue même si la résolution en elle-même ne serait sans doute pas expédiée aujourd'hui avec la même efficacité que Clouzot qui fait sobre après tous les artifices qui ont précédés. Un petit bijou de thriller.
Sorti en dvd zone 2 français chez René Chateau ou en zone 1 chez Criterion
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