Gar Davis, poursuivi par la loi, traverse le territoire comanche.
Trouvant un cadavre, il s'empare de sa veste et réussit ainsi à se
dérober. Sa fuite le conduit dans un ranch où il fait la connaissance de
Celia Gray et de son enfant. Ce qu'il ignore, c'est que le mort qu'il
vient de détrousser était le mari de son hôtesse…
Fort Dobbs
est un western typique de l'approche du scénariste Burt Kennedy qui
l'écrit entre les sommets du légendaire cycle Bud Boetticher/Randolph
Scott - Sept hommes à abattre (1956), L'Homme de l'Arizona (1957), Decision at sundown (1957), L'Aventurier du Texas (1958), La Chevauchée de la vengeance (1959) et Comanche Station
(1960). On en retrouve donc forcément plusieurs éléments, construction
reposant sur le voyage/course poursuite et cohabitation forcée, héros
taciturne et ambigu, antagoniste gouailleur et libidineux, tension
sexuelle sous-jacente... Mais alors que les pourtant déjà très concis
films de Boetticher laissaient malgré tout une certaine place à la
mélancolie (tant par les conclusions douces-amères que par
l'interprétation de Randolph Scott), Sur la piste des Comanches va plus loin en adoptant totalement le point de sec et efficace de son héros.
Les
non-dits chers à Burt Kennedy (les actions des personnages servant
leurs vraie nature plus ce que le point de départ donne à voir)
fonctionnent donc à plein avec cette ouverture illustrant la brutalité
et la détermination de Gar Davis (Clint Walker). On ne saura rien de
plus que sa recherche d'un homme dont il souhaite se venger, la raison
restant obscure et ladite vengeance restant en hors-champs. Sa manière
habile et froidement rationnelle de se débarrasser de ses poursuivants
complète le tableau, un échange de veste avec un cadavre victime des
comanches le faisant passer pour mort. Le physique massif de Clint
Walker (1m98, visage carré et regard glacial) ajoute encore à cette idée
et l'ensemble du film tout dévoué à son efficacité n'aura de cesse par
petites touches de l'humaniser. Point de dialogues explicatifs, de
psychologie ou de lamentations cependant, tout se révèle par l'action
et le mouvement. Le tueur froid qu'on a cru deviner détourne ainsi sa
cavale pour sauver Celia Gray (Virginia Mayo) et son fils menacés en
territoire comanche. Alors que le regard du spectateur se fait plus
bienveillant pour Davis à l'inverse la méfiance nait dans celui de ces
compagnons de route à la suite d'un rebondissement habile.
Ce qui va les
lier malgré eux, c'est la menace comanche que Gordon Douglas filme avec
une efficacité redoutable. La tension reposera à la fois sur l'attente
(la fuite dans la ferme, le calme fébrile avant la bataille lors du
final au fort) et le mouvement, Douglas alternant avec brio statisme
savamment calculé et action débridée. Les dialogues lourds de sens
(lorsque Davis évoque le sort que les comanches réservent aux femmes à
Virginia Mayo), la menace désincarnée des comanches (des silhouettes
éloignées et inquiétantes ou de simple visages haineux) et la brutalité
des morceaux de bravoure suffisent à distiller un suspense qui ne se
relâchera jamais. Les explosions de violences sont aussi efficaces
qu'inventives (ces nombreux panoramiques accompagnant la trajectoire
meurtrières des flèches comanches lors du siège final) et adoptant
toujours le point de vue apeuré des personnages (ce semblant de caméra
subjective lors de la scène où Davis guette à la ferme). Douglas sait
également maintenir ce sentiment lors d'un instants plus calme, la
caractérisation inquiétante de Brian Keith (sur le modèle du Lee Marvin
de Sept hommes à abattre) fonctionnant avec une simple ligne de dialogue :
Gar (Clint Walker) : « Tu continues à tuer ? »
Clett (Brian Keith) : « Je suis toujours vivant ! »
La
relation trouble entre Walker et Virginia Mayo contribue également à la
richesse du récit. Le soupçon et la haine de Mayo ne s'exprimera jamais
aussi fortement qu'après avoir ressenti une attirance coupable pour
Davis. La révélation bouleversant leurs rapports se fait après un
sauvetage héroïque de celui-ci, dans un moment le montrant au sommet de
sa virilité (Walker imposant et torse nue, habitude prise sur la série
tv Cheyenne qui l'a fait connaître) et après qu'elle ait
compris qu'il l'avait vu nue. La haine et le refus de laisser le
bénéfice du doute à Davis se conjugue certainement ainsi au refoulement
d'un désir inattendu. L'écriture habile de Burt Kennedy n'empêche donc
pas un traitement intéressant tout en nous offrant une avalanche de
péripéties et de rebondissements pour un spectacle alerte et captivant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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dimanche 30 avril 2017
jeudi 27 avril 2017
James Cameron, l'odyssée d'un cinéaste - David Fakrikian
Le journaliste David Fakrikian signe ici la premier vrai
ouvrage français consacré à James Cameron (d’autres livre existaient mais
toujours centré sur une œuvre en particulier comme Terminator et Titanic). C’est
assez étonnant au vu de la popularité de sa filmographie mais témoigne du
statut singulier du réalisateur, partageant le flair grand public et la
capacité d’évasion d’un Spielberg avec une vraie aura de démiurge obstiné et
perfectionniste à la Kubrick. Grand fan de Cameron, David Fakrikian aura au fil
des années accumulé une documentation considérable sur lui et l’ensemble du
livre est parcouru d’interviews diverses de l’intéressé et de ses
collaborateurs. Cependant il s’agira toujours de documents issus de la période
de sortie des films pour éviter le révisionnisme de rigueur qui se fait
toujours avec le temps. Ces éléments entrecoupent une vraie biographie où se
dessinent la personnalité de James Cameron, la singularité formelle et
narrative de son cinéma ainsi que quelques savoureuses anecdotes de tournages
et quelques révélations sur les coulisses hollywoodiennes.
L’auteur cerne précisément les deux facettes de Cameron
cinéaste : l’artiste et l’ingénieur. Cela tient aux origines modestes de
Cameron dont l’imaginaire se façonne dans la lecture des comics, roman de
science-fiction et séries telles que La
Quatrième dimension ou Au-delà du
réel. A cette époque deux films seront un véritable choc pour lui : 2001 l’odyssée de l’espace de Stanley
Kubrick (1968) le captive par son spectacle exigeant et ses images inédites tandis
que Docteur Jivago de David Lean
(1965) éveille son gout du romanesque. Dès lors James Cameron rêve de devenir
cinéaste mais ses maigres moyens ne lui permettent pas l’inscription dans une
école de cinéma et marié très jeune, il doit entrer dans la vie active où il
occupera divers métiers ouvrier. Il ne se résout pourtant pas à renoncer à ses
ambitions et fera son apprentissage en pur autodidacte, écumant les bibliothèques
où il s’abreuve d’ouvrages techniques. Ces visions d’artiste se conjuguent donc
constamment à une réflexion artisanale où il devra acquérir toutes les
compétences techniques pour raconter ses histoires. Son impressionnant premier
court-métrage Xenogenesis (1978) en
plus d’être un pur condensé de son œuvre à venir, témoigne de cette approche.
Il se trouve incapable de savoir utiliser la caméra 35 mm empruntée pour le
tournage et pour comprendre son fonctionnement il va la démonter entièrement.
Le côté risque-tout du cinéaste s’exprime également déjà puisqu’il n’hésite pas
à dilapider les économies du ménage pour parvenir aux effets qu’il souhaite
pour le film.
Fort de cette carte de visite, il s’immisce dans l’écurie de
Roger Corman et son savoir-faire et autorité naturelle l’amène bientôt à se
charger des effets des Mercenaires de l’espace
ou plus tard New York 1997 (1981) de
John Carpenter. Cette école de la débrouille servira grandement Terminator (1984), simple série B dont
la facture parait si impressionnante que le film semble avoir couté trois fois
son budget. Là encore le défi technique n’oublie jamais l’émotion, l’adrénaline,
la brutalité et l’énergie de l’ensemble servant une poignante histoire d’amour.
Le caractère buté et prolo de James Cameron s’avère une vrai force, tant dans l’approche
faussement simpliste de ces histoires (où le cœur féminin et l’émotion dépassent
toujours les genres typiquement masculins qu’il aborde) que dans une exigence
qu’il doit satisfaire à tout prix. Si cela sera source de déconvenue avec le
faux départ que constitue le ratage Piranha
2 : Les Tueurs volants (1981) – où il est dépossédé du film par le
producteur avec cette anecdote légendaire le voyant forcé la porte de la salle
de montage pour remonter le film alors qu’l a déjà été renvoyé – ce sera un
atout pour un combat acharné face à ses producteurs et une inimitié de ses
équipes desquels il exige le maximum – mais qu’il s’impose aussi toujours à
lui-même. La jungle hollywoodienne demande pourtant cela au vu de certaines
coulisses peu reluisantes dévoilées, que ce soit la promotion bâclée qui
atténue le succès surprise du film où la fourberie du roublard auteur de SF
Harlan Ellison qui parvient à être crédité à cause d’un supposé plagiat et
touchera des droits juteux.
David Fakrikian dépeint en détail le style Cameron et en
particulier cette fameuse règle du triple climax qui donne ce crescendo si
intense à ses conclusions et qui s’affirme dès Terminator puis se retrouvera dans chacun de ses films. L’entourage du
réalisateur est largement abordé aussi notamment Mike Cameron, inventeur de
génie prêt à surmonter tous les écueils techniques que rencontre son frère. Le
portrait que fait Fakrikian de James Cameron est celui d’un outsider acharné,
pendant longtemps sous-estimé (y compris étrangement par la communauté geek des
80’s) mais dont le gout du risque est le plus souvent récompensé par les succès
immenses de ses films. Ayant prématurément atteint le statut de wonder boy hollywoodien
après le succès de Aliens (formidable
suite au classique de Ridley Scott devenu un spectacle guerrier féministe), l’ambition
de Cameron ne sera plus de surmonter des défis techniques limités par les
moyens financiers, mais au contraire s’en créer de nouveaux grâce au budget
désormais considérable dont il peut disposer.
Cela l’emmène donc vers le tournage sous-marin et épique d’Abyss (1989) où tout est à inventer : des caméras étanches pouvant filmer sous l’eau, des micros permettant aux acteurs de déclamer distinctement leur texte dans leur combinaison de plongée, les premières images numériques avec la fameuse colonne d’eau métamorphe révélant les extraterrestres. L’auteur se délecte d’anecdotes diverses sur la tyrannie de Cameron prenant cependant tous les risques dont un moment marquant où il manque de se noyer, un exécutif du studio ayant la mauvaise idée de venir demander des comptes alors qu’il retrouve à peine des couleur – le malheureux cadre sera jeté à l’eau par Cameron et ne pointera plus le bout de son nez. Fakrikian semble plus privilégier la facette musclée de Cameron et se montre assez sévère dans le livre avec Abyss alors que celui-ci constitue certainement (notamment dans sa version longue) le chef d’œuvre du réalisateur, mais malheureusement aussi son seul échec commercial.
Cela l’emmène donc vers le tournage sous-marin et épique d’Abyss (1989) où tout est à inventer : des caméras étanches pouvant filmer sous l’eau, des micros permettant aux acteurs de déclamer distinctement leur texte dans leur combinaison de plongée, les premières images numériques avec la fameuse colonne d’eau métamorphe révélant les extraterrestres. L’auteur se délecte d’anecdotes diverses sur la tyrannie de Cameron prenant cependant tous les risques dont un moment marquant où il manque de se noyer, un exécutif du studio ayant la mauvaise idée de venir demander des comptes alors qu’il retrouve à peine des couleur – le malheureux cadre sera jeté à l’eau par Cameron et ne pointera plus le bout de son nez. Fakrikian semble plus privilégier la facette musclée de Cameron et se montre assez sévère dans le livre avec Abyss alors que celui-ci constitue certainement (notamment dans sa version longue) le chef d’œuvre du réalisateur, mais malheureusement aussi son seul échec commercial.
Si le réalisateur peut encore conjuguer budget mastodontes
avec les cadences des série B des débuts (le récit de l’écriture et du tournage
éclair de Terminator 2 (1991) lucrativement prévendu et à la date de sortie immuable),
Cameron devient pourtant désormais un une sorte de maniaque à l’image de son
mentor Kubrick explosant budget et délais avec le plus mineur True Lies (1994) et surtout avec l’immense
Titanic (1998). Là encore l’auteur
fait le lien judicieux entre le côté grand architecte et peintre de l’intime de
Cameron qui assume cette fois pleinement sa veine romanesque. On regrettera
peut être que pour ce film Fakrikian s’arrête principalement sur la partie
technique et le tournage rocambolesque (la description restant passionnante,
notamment concernant l’astuce de Cameron qui sous la mégalomanie retrouve des
idées économes en faisant construire une seul moitié de bateau et inversant les
images, et les tenues des figurants pour les passages se déroulant de l’autre
côté) pas plus sur l’émotion et le sens du spectacle du film en lui-même.
On aurait par exemple aimé en savoir plus sur son rapport avec le duo Leonardo Di Caprio/Kate Winslet si assorti et attachant, alors que sa relation avec Arnold Schwarzenegger est plutôt bien abordée. Par contre l’analyse reste judicieuse en reprenant l’idée du triple climax, la schizophrénie de Cameron déployant des moyens monumentaux pour paradoxalement toujours dénoncer cette technologie dans ses films et surtout la démonstration brillante où il fait de Titanic une sorte de remake romanesque de Terminator. De plus le côté aventurier kamikaze passionné et désintéréssé du réalisateur s'affirme encore plus ici, le voyant renoncer à son salaire (tout comme ce fut le cas sur Abyss) après les dépassements (mais grassement rattrapé en royalties après le triomphe au box-office) et qui au final aura le plus souvent négligé de constituer un empire à la Spielberg (l'excellent Strange Days (1995) de Katrhyrn Bigelow qu'il écrit et produit) pour poursuivre avec acharnement ses propres projets.
On aurait par exemple aimé en savoir plus sur son rapport avec le duo Leonardo Di Caprio/Kate Winslet si assorti et attachant, alors que sa relation avec Arnold Schwarzenegger est plutôt bien abordée. Par contre l’analyse reste judicieuse en reprenant l’idée du triple climax, la schizophrénie de Cameron déployant des moyens monumentaux pour paradoxalement toujours dénoncer cette technologie dans ses films et surtout la démonstration brillante où il fait de Titanic une sorte de remake romanesque de Terminator. De plus le côté aventurier kamikaze passionné et désintéréssé du réalisateur s'affirme encore plus ici, le voyant renoncer à son salaire (tout comme ce fut le cas sur Abyss) après les dépassements (mais grassement rattrapé en royalties après le triomphe au box-office) et qui au final aura le plus souvent négligé de constituer un empire à la Spielberg (l'excellent Strange Days (1995) de Katrhyrn Bigelow qu'il écrit et produit) pour poursuivre avec acharnement ses propres projets.
Production plus récente oblige (et tournage ultra secret) le
livre se montre plus succinct sur le retour triomphal que constitua Avatar même
si tout le livre dépeint en filigrane un projet en gestation depuis les années
80 et qui conjugue tout ce qui motive Cameron et ses aficionados :
innovation techniques avec la motion-capture et la démocratisation de la 3D,
romance et spectacle flamboyant au service d’un récit primitif d’une efficacité
éblouissante. On aura aussi quelques développements sur la galaxie Cameron
notamment l’alter-ego que sera son ex-épouse Kathryn Bigelow et un
développement intéressant sur les multiples montages existants (et plus ou
moins pertinent) des films du réalisateur. Un ouvrage captivant donc, écrit
dans un style percutant à l’image du réalisateur et où on sent la vraie passion
de David Fakrikian allant sans retenue dans le vrai dithyrambe pour exprimer
son point de vue.
Paru aux éditions Fantask
Et en prime le premier court métrage de James Cameron, Xenogenesis
Paru aux éditions Fantask
Et en prime le premier court métrage de James Cameron, Xenogenesis
mercredi 26 avril 2017
The Angry Silence - Guy Green (1960)
Tom Curtis (Richard Attenborough) est ouvrier dans une usine du nord
de l’Angleterre père de deux enfants, avec un troisième en route.
Quand une grève éclate, il décide de ne pas suivre le mouvement et de
continuer à travailler. Les pressions se font de plus en plus fortes, et
sa famille est mise en danger, mais au lieu de céder, Tom persévère.
Une fois la grève terminée, il doit faire face à l’isolement et au
silence imposé par ses collègues. Les média attirent alors l’attention
sur la situation de Tom. Mais cela ne fait qu’empirer les choses.
The Angry Silence est la première production Beaver film, la société fondée par Richard Attenborough et Bryan Forbes d'où sortiront nombres de grandes réussites anglaises des années 60 réalisée par tous deux : Le vent garde son secret (1961), La Chambre indiscrète (1962), Le Rideau de brume (1964), Oh! What a Lovely War (1969)... The Angry Silence s'avère une sorte de pendant sérieux et dramatique de I’m all right Jack (1959) des frères Boulting, virulente satire qui dénonçait les petit arrangements et la corruption du monde de l'entreprise et des syndicats. C'est également le propos du film de Guy Green qui transcende toute idéologie pour un constat virulent.
Le suivisme et un certain obscurantisme militant se révèle ainsi dans une usine du nord de l'Angleterre. Un agent extérieur (Robert Burke) aux motifs nébuleux s'immisce ainsi auprès du délégué syndical (Bernard Lee) pour semer la discorde au sein de l'entreprise. Guy Green présente au départ l'usine comme un espace convivial et de camaraderie, du moins tant que l'on en reste du point de vue des ouvriers. Les angoisses économique semblent pouvoir se résoudre par le travail (Tom Curtis (Richard Attenborough) et l'annonce de la troisième grossesse de sa femme), les amours plus ou moins sérieuses se nouent avec les jolies ouvrières qu'on tente maladroitement de séduire pour Joe Wallace (Michael Craig également coscénariste du film) et côté loisir un tour au pub après une journée de labeur ou football le weekend semblent constituer une évasion satisfaisante pour ces gens simples.
Les quelques désaccords entre le délégué syndical et la direction (le manque de protection sur les machines sont bien là, mais leur résolution semblent plus reposer sur un jeu de pouvoir que sur un vrai souci du bien collectif. Ainsi une grève est décidée sans que l'on ait ressenti une réelle oppression patronale et surtout sans un début de négociation qui aurait éventuellement avortée. Richard Attenborough souhaitait dénoncer le rôle discutable que pouvait exercer des agents extérieur d'extrême gauche pour exacerber les conflits sociaux, ce que semble être le personnage manipulateur de Robert Burke qui fait grimper la tension sans que la branche syndicale officielle ait pu intervenir.
La tradition amène donc le lancement d'une grève machinalement votée par les ouvriers sans qu'ils n'en comprennent réellement le motif. Tous sauf Tom Curtis, autant motivé par sa situation familiale précaire qu'une conscience individuelle dont sont dénués ses collègues. Dès lors la cause n'a plus d'importance, seule compte la soumission de celui qui a osé sortir du rang. La violence se fait furtive, qu'elle soit concrète avec une réelle intimidation physique, psychologique et sociale avec l'ignorance et la mise au ban de Curtis et au final vraiment malveillante quand les actes nocifs sortent du cadre d l'usine et touche la famille du héros. La mise en scène de Guy Green brille à traduire cet isolement du personnage. Son individualité face à la meute est de plus en plus marquée, notamment lorsque sa silhouette traverse stoïquement les rangs de grévistes pour se rendre à l'usine déserte. Lorsque le travail reprendra, les compositions le mettent en avant plan dans les couloirs parcourus de machines. Lors d'une scène marquante le réfectoire lieu de cette camaraderie initiale prend des allures de cirque grotesque et hypocrite par un jeu sur les plongées, les gros plans monstrueux sur les visages ouvriers décérébrés.
Cette vision sera celle qui provoquera un hurlement de rage de Curtis envers ses anciens amis lui apparaissant sous leur vrai jour. Le propos sera encore plus virulent lorsque la situation prendra de l'ampleur pour attirer les médias, les ouvriers interrogés étant incapables de donner de motifs concrets à l'ostracisation de leur collègue si ce n'est d'avoir exprimé une opinion individuelle. Richard Attenborough livre une très grande prestation, sensible et puissante pour incarner cet homme simple dépassé par ses choix. La droiture et l'intensité de la conviction passe par ce jeu de plus en plus fiévreux et habité, le reste du casting n'étant pas en reste notamment Michael Craig en mouton culpabilisant, Bernard Lee en syndicaliste détestable et Geoffrey Keen en superviseur résistant à la pression - Pier Angeli très touchante également et on croise un Oliver Reed débutant. Le film fut accusé d'être antigrève mais finalement les patrons sont tout autant fustigés, s'accommodant de cette loi du silence et livrant en pâture Curtis pour ne pas perturber leurs affaires en cours. Richard Attenborough membre du parti travailliste n'a donc pas un propos réellement politique mais dénonce la meute instrumentalisée pour célébrer l'individu dont l'ultime rempart reposera plus sur son foyer que l'idéologie.
Néanmoins le propos du film fut parfois mal perçu, manquant d'être interdit au Pays de Galles par le syndicat des mineurs mais Attenborough se rendra sur place pour leur projeter le film afin d'en faire comprendre le vrai sens. Un vrai grand film dont propos audacieux (le final est particulièrement sombre et rageur) lui vaudra une nomination à l'Oscar du meilleur scénario.
Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais chez StudioCanal, dot de sous-titres anglais
Extrait
The Angry Silence est la première production Beaver film, la société fondée par Richard Attenborough et Bryan Forbes d'où sortiront nombres de grandes réussites anglaises des années 60 réalisée par tous deux : Le vent garde son secret (1961), La Chambre indiscrète (1962), Le Rideau de brume (1964), Oh! What a Lovely War (1969)... The Angry Silence s'avère une sorte de pendant sérieux et dramatique de I’m all right Jack (1959) des frères Boulting, virulente satire qui dénonçait les petit arrangements et la corruption du monde de l'entreprise et des syndicats. C'est également le propos du film de Guy Green qui transcende toute idéologie pour un constat virulent.
Le suivisme et un certain obscurantisme militant se révèle ainsi dans une usine du nord de l'Angleterre. Un agent extérieur (Robert Burke) aux motifs nébuleux s'immisce ainsi auprès du délégué syndical (Bernard Lee) pour semer la discorde au sein de l'entreprise. Guy Green présente au départ l'usine comme un espace convivial et de camaraderie, du moins tant que l'on en reste du point de vue des ouvriers. Les angoisses économique semblent pouvoir se résoudre par le travail (Tom Curtis (Richard Attenborough) et l'annonce de la troisième grossesse de sa femme), les amours plus ou moins sérieuses se nouent avec les jolies ouvrières qu'on tente maladroitement de séduire pour Joe Wallace (Michael Craig également coscénariste du film) et côté loisir un tour au pub après une journée de labeur ou football le weekend semblent constituer une évasion satisfaisante pour ces gens simples.
Les quelques désaccords entre le délégué syndical et la direction (le manque de protection sur les machines sont bien là, mais leur résolution semblent plus reposer sur un jeu de pouvoir que sur un vrai souci du bien collectif. Ainsi une grève est décidée sans que l'on ait ressenti une réelle oppression patronale et surtout sans un début de négociation qui aurait éventuellement avortée. Richard Attenborough souhaitait dénoncer le rôle discutable que pouvait exercer des agents extérieur d'extrême gauche pour exacerber les conflits sociaux, ce que semble être le personnage manipulateur de Robert Burke qui fait grimper la tension sans que la branche syndicale officielle ait pu intervenir.
La tradition amène donc le lancement d'une grève machinalement votée par les ouvriers sans qu'ils n'en comprennent réellement le motif. Tous sauf Tom Curtis, autant motivé par sa situation familiale précaire qu'une conscience individuelle dont sont dénués ses collègues. Dès lors la cause n'a plus d'importance, seule compte la soumission de celui qui a osé sortir du rang. La violence se fait furtive, qu'elle soit concrète avec une réelle intimidation physique, psychologique et sociale avec l'ignorance et la mise au ban de Curtis et au final vraiment malveillante quand les actes nocifs sortent du cadre d l'usine et touche la famille du héros. La mise en scène de Guy Green brille à traduire cet isolement du personnage. Son individualité face à la meute est de plus en plus marquée, notamment lorsque sa silhouette traverse stoïquement les rangs de grévistes pour se rendre à l'usine déserte. Lorsque le travail reprendra, les compositions le mettent en avant plan dans les couloirs parcourus de machines. Lors d'une scène marquante le réfectoire lieu de cette camaraderie initiale prend des allures de cirque grotesque et hypocrite par un jeu sur les plongées, les gros plans monstrueux sur les visages ouvriers décérébrés.
Cette vision sera celle qui provoquera un hurlement de rage de Curtis envers ses anciens amis lui apparaissant sous leur vrai jour. Le propos sera encore plus virulent lorsque la situation prendra de l'ampleur pour attirer les médias, les ouvriers interrogés étant incapables de donner de motifs concrets à l'ostracisation de leur collègue si ce n'est d'avoir exprimé une opinion individuelle. Richard Attenborough livre une très grande prestation, sensible et puissante pour incarner cet homme simple dépassé par ses choix. La droiture et l'intensité de la conviction passe par ce jeu de plus en plus fiévreux et habité, le reste du casting n'étant pas en reste notamment Michael Craig en mouton culpabilisant, Bernard Lee en syndicaliste détestable et Geoffrey Keen en superviseur résistant à la pression - Pier Angeli très touchante également et on croise un Oliver Reed débutant. Le film fut accusé d'être antigrève mais finalement les patrons sont tout autant fustigés, s'accommodant de cette loi du silence et livrant en pâture Curtis pour ne pas perturber leurs affaires en cours. Richard Attenborough membre du parti travailliste n'a donc pas un propos réellement politique mais dénonce la meute instrumentalisée pour célébrer l'individu dont l'ultime rempart reposera plus sur son foyer que l'idéologie.
Néanmoins le propos du film fut parfois mal perçu, manquant d'être interdit au Pays de Galles par le syndicat des mineurs mais Attenborough se rendra sur place pour leur projeter le film afin d'en faire comprendre le vrai sens. Un vrai grand film dont propos audacieux (le final est particulièrement sombre et rageur) lui vaudra une nomination à l'Oscar du meilleur scénario.
Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais chez StudioCanal, dot de sous-titres anglais
Extrait
lundi 24 avril 2017
Après la tempête - Umi yori mo Mada Fukaku, Hirokazu Kore-eda (2017)
Malgré un début de
carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les désillusions. Divorcé de
Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son travail de détective
privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus pouvoir payer la pension
alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. A présent, Ryota tente de regagner
la confiance des siens et de se faire une place dans la vie de son fils. Cela
semble bien mal parti jusqu’au jour où un typhon contraint toute la famille à
passer une nuit ensemble…
Après la tempête
s’inscrit dans le veine récente de Kore-eda, cette approche subtile où la
langueur doucereuse masquait des sujets profond tel que le deuil, la filiation
ou les familles recomposées dans I wish
(2011), Tel père, tel fils (2013) et Notre petite sœur (2015). Ce ton s’avère
très différent de la noirceur plus marquée qui fit la renommée du réalisateur
avec le magnifique Nobody knows
(2004) ou Air Doll (2009). On peut
situer la transition avec le merveilleux Still walking (2008) dont Après la tempête
reprend en partie la structure avec un huis-clos servant de révélateur et
catharsis à des rancœurs familiales trop longtemps enfouies.
C’est une œuvre très personnelle pour le réalisateur dont le
postulat part d’une situation qu’il a vécue. En 2001 alors qu’il vient de perdre
son père, Kore-eda voit sa mère retourner habiter en HLM. Le fait de ne pouvoir
lui prodiguer un logement plus décent l’amènera à une profonde remise en
question sur sa propre situation à ce stade de sa vie. Ryota (Abe Hiroshi)
héros du film et double filmique du réalisateur se trouve donc dans la même
impasse. Ecrivain raté et fraîchement divorcé, il végète dans un emploi de
détective privé, se perd dans les jeux d’argent et peine une payer la pension
alimentaire à son épouse. La scène d’ouverture est typique du cinéma de
Kore-eda. On y voit mère et fille cuisiner joyeusement tout en discutant du
deuil paternel récent, et surtout ce frère/fils dont elle désespère de voir se
stabiliser et arriver à maturité. Une introduction très littéraire dans l’idée
avec cette manière de présenter le personnage principal par la voix d’autres
protagonistes. C’est aussi typique du style du réalisateur où un moment tendre
et anodin révèle sans appuyer outre mesure les enjeux du récit, mais aussi la
tendresse qui lie les personnages.
La première partie amusée et mélancolique accompagne ainsi
les errances de Ryota où chaque regard l’interroge quant à son instabilité.
Regard agacé pour son ex épouse Kyoko (Mari Yoko), incertain pour son jeune
fils Shingo (Taiyo Yoshizawa), aimant et résigné pour la sœur et la mère (Kilin
Kiki habituée du cinéaste). Tout cela renvoie Ryota à ces manques tandis que le
regard de son jeune collègue de l’agence de détective lui rappellera ce moment
où il s’est détourné de l’image de celui qu’il aspirait à être. La profondeur
de ces questionnement se conjugue à un ton étonnamment badin (les piques
échangées entre frère et sœurs) et des situations amusantes, que ce soit les
magouilles pathétiques de Ryota où la filature de son ex qui aspire à refaire
sa vie. Le parallèle entre l’inconstance du héros, la mélancolie et bonhomie de
sa mère ainsi que la volonté de changement de l’épouse tisse trois fils
narratifs en apparence flottant mais qui nous conduisent logiquement au
huis-clos de la dernière partie. Un typhon oblige les protagonistes à
cohabiter, se parler et surmonter leur situation.
Still walking sur
une structure voisine rendait la réunion conflictuelle par le poids des
rancœurs et douleurs du passé, entre deuil non surmontés, non-dits et
déception. Après la tempête est une
œuvre plus lumineuse où à la promiscuité forcée servira à redéfinir l’avenir.
Ce ne seront pas des blessures à panser mais une nouvelle réalité à enfin
accepter. Kore-eda par des moments isolés amenés avec justesse confronte tous
les personnages et les amène à mutuellement s’ouvrir. La plus touchante est une
fois de plus la truculente Kilin Kiki, roublarde dans ses tentatives de
rapprocher à nouveau son fils et sa belle-fille.
Son âge mûr l’amène néanmoins
à accepter placidement les faits, l’affection intacte surmontant la nouvelle
donne comme le montrera un bel échange avec Kyoko. La discussion sera plus rude
dans le couple séparé tandis que les liens avec le fils peuvent prendre un tour
moins superficiel. Le typhon à l’extérieur n’est pas une métaphore de
destruction mais de renouveau, une scène où père et fils s’y confronte étant
même un des instants les plus touchant du film. Kore-eda avec ces quartiers
populaires et barres d’immeubles HLM donne d’ailleurs à voir un Japon différent
qui contribue à l’atmosphère et au ton particulier du film. Alors que dans Still walking les vérités dites apaisait
les maux passés mais n’éclairait pas forcément le futur, Après la tempête par son épilogue doux et hésitant fait croire à
des lendemains certes différents mais paisibles.
En salle
vendredi 21 avril 2017
Les Clés du royaume - The Keys of the Kingdom, John M. Stahl (1944)
Un prêtre catholique
écossais, l'abbé Chisholm, aux idées peu conventionnelles dans l'Angleterre
divisée entre diverses confessions, est envoyé en Chine, où il se refuse à
convertir les Chinois à coup d'argent et de pression, mais par le seul
rayonnement de son témoignage. Il traverse des années de guerre, d'épidémies et
de disette, et gagne la confiance des habitants, ainsi que celle des trois
religieuses européennes qui sont envoyées pour l'aider, après la méfiance des
débuts.
Les Clés du royaume
s’inscrit dans un courant porté sur le « biopic » religieux alors en
vogue au sein de la Fox. Un créneau lucratif et synonyme de prestigieuse
récompenses, avec notamment un Oscar du meilleur acteur pour Bing Crosby grâce La Route semée d’étoiles de Leo McCarey
(1944) et son seul Oscar de la meilleure actrice pour Jennifer Jones sur Le Chant de Bernadette de Henry King
(1943). Ce qui sauve ces entreprises des bons sentiments et de l’académisme
inévitable, c’est éventuellement un regard de cinéaste singulier et surtout une
prestation emphatique de l’acteur incarnant la figure religieuse – deux qualités
qu’on trouve notamment avec la prestation habitée de Jennifer Jones et la mise
en scène inspirée d’Henry King. C’est donc la démarche des Clés du Royaume, deuxième film de Gregory Peck et premier rôle
majeur pour l’acteur. Même si les exceptions sont nombreuses - Duel au soleil (1946) de King Vidor en
tête - Gregory Peck aura souvent incarné aux yeux du public une figure de
sagesse et de droiture, ou du moins qui aspire à l’être. Cette identité
filmique se forge donc dès ces débuts à travers le personnage de ce prêtre en
constante construction intime.
Dès le début du film, l’abbé Chisholm (Gregory Peck)
vieillissant semble en marge des codes ecclésiastiques de par ses idées peu
conventionnelles et heurte les préceptes du cardinal venu le superviser. La
narration en flashback dépeint donc son parcours depuis l’enfance et le
phénomène qu’il constitue dans un monde binaire. Fils d’un père catholique – ce
qui était le cas d’A.J. Cronin l’auteur du roman qu’adapte le film -, dans
l’Ecosse protestante, il perdra tragiquement ses deux parents pour justement
cette guerre de religion. Dès lors Chisholm semble constamment arborer une
distance, entre hauteur et hésitation face au monde qui l’entoure. On voit déjà
la stature imposante et le charisme simple de Gregory Peck se révéler, mais associé
à une gaucherie juvénile qui participe à l’indécision de son personnage. Animé
de la vocation religieuse tout en étant amoureux de son amie d’enfance,
Chisholm semble constamment incertain dans une société figée. C’est dans une
contrée loin de ces clivages qu’il va s’accomplir, cette Chine où il est envoyé
en mission. Même si l’on regrettera l’absence
de vraie caractérisation fouillée des personnages chinois, tous sont
respectueusement présentés et servent la justesse du regard de Chisholm.
Chaque interaction avec les locaux sert ainsi dans l’immédiat
ou à plus long terme l’absence de dogmatisme du héros dans l’exercice de sa
religion. Face à deux « fidèles » dont la foi ne tient qu’à une
possible rémunération, ce sera le rejet de sa part. Lorsqu’un mandarin dont il
a soigné le fils veut se convertir par simple reconnaissance, ce sera également
un refus poli. Tout comme sa vocation de prêtre sera un perpétuel
apprentissage, il attend un même cheminement vers la fois de ses
interlocuteurs. C’est cet équilibre entre la modestie du personnage et l’aura
de Gregory Peck qui amène les moments les plus intéressants du film. Lorsque cet
héroïsme quitte la sphère intime, le ton se fait nettement plus convenu
notamment lorsque Chisholm est pris entre deux feux lors d’une guerre politique
locale.
On sent comme une manière forcée d’ajouter une péripétie plus
spectaculaire où le subtil sauveur d’âmes doit devenir un héros d’action parce
que tout de même, il s’agit de capitaliser un minimum sur le physique imposant
de Gregory Peck. La vraie émotion naît
lorsque s’élève au-dessus du dogme aveugle pour simplement exprimer la bonté et
la compréhension de l’homme juste. La magnifique scène de mort de son ami
Willie Tulloch (truculent Thomas Mitchell), incorrigible et rigolard athée en
témoigne : plutôt que soutirer un ultime salut et une conversion du
mourant, Chisholm le laisse s’éteindre paisiblement sans forcer ses conviction.
Le parallèle avec le cardinal plus pédant joué par Vincent
Price jouera aussi, la modestie et la dévotion de Chisholm exprimant un plus
bel idéal de religion que celle embourgeoisée de cet alter-ego. Cela reste tout
de même assez caricatural et c’est une nouvelle fois sur le long terme et la
relation avec la nonne Maria-Veronica que s’exprimera le clivage de classe
finalement en cours au sein de l’église. La conversion selon Chisolm se fait
ainsi en se mêlant humainement aux autochtones, la dévotion et le travail en
commun en faisant un modèle auquel ressembler et suscitant la curiosité de son
culte. La nonne exprime une église hautaine, froide et inquisitrice cherchant à
imposer plutôt qu’intéresser à la religion.
La narration prend ainsi le temps
des années, des épreuves et de la maturité pour rapprocher les deux
personnages. Si John Stahl se fait plus illustrateur qu’auteur – et loin de la
vraie flamboyance et intensité de ses grands mélodrames des années trente – son
talent à capturer l’intime rester intact et la sobriété de son approche
correspond finalement à celle de son héros. Une jolie odyssée donc – qu’on
aurait peut-être aimé plus exotique, cette Chine de studio étant assez terne –
et la première marche vers les sommets d’une des plus grandes stars
hollywoodienne.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez ESC
mercredi 19 avril 2017
La Septième Victime - The Seventh Victim, Mark Robson (1943)
Mary Gibson recherche
sa sœur Jacqueline disparue mystérieusement à Greenwich Village. Son enquête la
mène à une secte satanique.
La Septième Victime
est le quatrième film de l’orientation initiée par le producteur Val Lewton
vers l’horreur suggestive au sein du studio RKO - La Féline (1942), Vaudou
(1943) et L’Homme-léopard (1943) de
Jacques Tourneur ayant précédé. Cette nouvelle direction vampirise ainsi
désormais tous les projets, ce qui n’est pas sans conséquence sur certains
films comme justement La Septième Victime.
Le script initial de Charles O'Neal est une simple enquête à mystère où une
jeune orpheline est impliquée dans un meurtre et la cible d’un serial-killer
dont elle risque d’être la septième victime. Par la suite une seconde mouture
voit le jour écrite par DeWitt Bodeen marqué par sa réelle rencontre avec un
groupe d’adorateurs de Satan à New York. Cet élément est bien évidemment ajouté
au script ce qui entraîne une certaine schizophrénie et plusieurs incohérences
dans le ton et déroulement du film.
L’enquête de la jeune Mary (Kim Hunter) pour retrouver sa sœur
disparue oscille donc entre les différentes directions contradictoires. La
naïveté de l’héroïne se confronte ainsi à un mystère opaque, à des rencontres
étranges et une oppressante cité new yorkaise. On reste cependant dans le « murder
mystery » convenu jusqu’à une fabuleuse scène convoquant les ténèbres
indicibles, une pièce dissimulée dans un corridor sombre abritant la mort. La
marque des productions Newton en somme et que Mark Robson (dont c’est le
premier film après avoir été monteur notamment sur Citizen Kane) amène avec un sens du timing éblouissant.
C’est la qualité majeure du film, ce sens de
l’atmosphère notamment quand se révèle l’identité des satanistes, quidam ordinaires
dont l’aura maléfique se révèle par un réel soudain altéré. Les environnements
urbains et domestiques quelconques prennent une tournure menaçante par les
cadrages de Mark Robson et la photo de Nicholas Musuraca qui rend tous visages
précédemment amicaux soudainement malfaisant. On peut deviner une influence du
film sur le Rosemary’s Baby de Roman
Polanski dans cette manière d’inscrire le possible surnaturel ou le
déséquilibre mental dans le quotidien, de poser un malaise insaisissable.
Mais malheureusement sous le brio formel reste toujours ce
problème d’écriture maladroite. Certaines storylines sont lancées sans trouver
de conclusion satisfaisantes (la romance possible entre Mary et le poète), les
points de vue basculent brutalement (après avoir accompagnée Mary tout le film
la narration se concentre soudainement sur Jacqueline dans la dernière partie)
et les revirements improbables déroutent tel ce discours moralisateur de Tom
Conway qui sème le remords chez les satanistes… C’est vraiment regrettable car
même dans cette confusion il y a pas mal d’idées audacieuse et étranges (l’employée
de Jacqueline dont on peut soupçonner un amour lesbien, la voisine mourante)
mais n’allant pas au bout de leurs idées. Reste donc un film très imparfait
mais à l’influence immense dans les orientations futures du cinéma fantastique.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner