Ryoata, un architecte
obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils
de 6 ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la
maternité de l'hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons
ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et
leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste…
Kore-eda explore une nouvelle facette de son thème fétiche
de l’enfance avec Tel père, tel fils
qui s’affirme comme une de ses plus belles réussites. Père d’une petite fille
depuis 2008, le réalisateur s’interroge sur le moment à partir duquel on
commence justement à se sentir imprégné de cette paternité. Il le fera à
travers cette histoire où deux familles voient leur quotidien bouleversé
lorsque l’impensable se produit et révèle que leur fils Keita (Keita Nonomiya)
et Ryusei (Shogen Hwang) ont été échangé six ans plus tôt à la maternité. L’histoire
s’attarde plus particulièrement sur Ryoata (Masaharu Fukuyama), père de Keita
plus particulièrement bouleversé par la nouvelle. Monstre de travail
particulièrement exigeant avec son jeune fils qu’il estime trop doux de caractère,
Ryota voit dans cette découverte l’explication des profondes différences de
natures entre eux. Même si l’on devine dans l’autre famille plus modeste une
même interrogation latente, celle-ci n’aura reposé que sur l’absence de
ressemblance physique avec Ryusei.
Kore-eda privilégie clairement le quotidien, l’intimité et
la complicité pour définir le lien filial. Ryota, père froid et absent ne voit
son fils que comme une figure à modeler telle une extension de lui-même. Son
échec à façonner ce fils idéal, il le verra donc par cette absence de lien du
sang. Le réalisateur va le contredire dans une narration où au fil des mois les
deux familles se rencontrent et apprennent à connaître leur fils « biologiques »
en vue d’un possible échange et retour à la normale. Deux visions du Japon s’opposent
ainsi à travers les deux figures de père et les modèles familiaux qui vont avec.
Yudai (Rirî Furankî) est un père rigolard et sans ambition qui travaille juste
ce qu’il faut pour maintenir sa famille mais qui paradoxalement est bien plus
présent pour elle malgré un relatif dénuement matériel.
Sa modeste demeure s’oppose
au luxueux appartement de Ryota, l’agitation de l’un au froid silence de l’autre
et au final l’environnement urbain glacial et la simili province. Kore-eda ne
reste pas à cette approche simpliste, les rapports filiaux perturbés ne
reposant pas sur un déterminisme social mais sur un propre passé familial
douloureux. Il suffira d’une poignée de moments partagés par les deux familles
pour constater le fossé entre Yudai joueur et se plaçant à hauteur de ses
enfants quand Ryota maintient une distance. S’abandonner semble une faiblesse
pour un certain modèle masculin japonais encore vivace, les épouses ou un homme
ayant renoncé à la sacro-sainte réussite semblant les seuls capables de nouer proximité
et complicité avec leurs enfants.
Plus qu’un motif de séparation et de déchirement, l’histoire
est plutôt celle du cheminement de Ryota. En cherchant un simple miroir de
lui-même, il échoue à nouer le contact avec le fils « biologique »
quand l’amour né du quotidien aura dompté la supposée différence avec Keita,
son vrai fils en définitive. C’est par cette idée que Kore-eda touche juste, n’opposant
pas les deux modèles d’éducation mais plutôt la manière dont s’y inscrit l’enfant.
Après la tentative d’échange, les rapports deviennent peu à peu plus chaleureux
mais le manque demeure (belle scène où la mère se sent coupable de commencer à
aimer son fraîchement adopté), Ryota (Masaharu Fukuyama) fendant l’armure en
tombant sur des photos prises de lui par Keita.
C’est par ce regard de son fils
sur lui, par le mélange de crainte et d’affection ressentie dans les images qu’on
devine à la fois les sentiments et l’absence de communication entre eux. Ces
photos expriment mieux le lien filial en constante construction que le switch
brutal supposé le créer par de simples gènes en commun. Une des dernières
scènes où symboliquement les chemins du père et du fils se rejoignent l’illustrent
magnifiquement et nous laissent sur un semblant de fin ouverte dont on peut
aisément deviner l’issue. Délicat, touchant et subtil, le film touchera un
autre grand cinéaste de l’enfance, Steven Spielberg qui lui attribuera le Prix
du Jury au Festival de Cannes qu’il présidait en 2013.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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